Eglises d'Asie

Des foules de toutes confessions se pressent à l’enterrement de Shahbaz Bhatti, assassiné mercredi dernier par un groupe islamiste

Publié le 07/03/2011




« Shahbaz Bhatti aura suivi la volonté de Dieu jusqu’au bout », a déclaré Mgr Anthony Rufin, archevêque d’Islamabad-Rawalpindi, lors de la messe célébrée à Islamabad ce matin en l’église Notre-Dame de Fatima, à l’intention du ministre pakistanais des Minorités, assassiné il y a deux jours. Le prélat, très proche de Shabhaz Bhatti qu’il considérait « comme un fils », a rappelé au cours de son homélie, comment le futur ministre, …

… abattu à 42 ans par un groupe islamiste, s’était toujours posé en défenseur des opprimés depuis son plus jeune âge.

En présence de nombreux membres du gouvernement et d’hommes politiques venus assister à la célébration ainsi que du nonce apostolique au Pakistan, Mgr Edgar Pena Parra, l’archevêque n’a pas hésité à évoquer « son inquiétude concernant le manque de sécurité des chrétiens » dont la faute « incombait entièrement au gouvernement ». Selon l’agence AsiaNews, le prélat aurait même ajouté que « le ministère de l’Intérieur avait prétendu que Shahbaz Bhatti avait refusé la protection policière offerte par l’Etat, (…) mais que c’était absolument faux, qu’il avait même demandé un véhicule à l’épreuve des balles (…) et que le gouvernement tentait de nier ses responsabilités [dans l’attentat]».

La foule nombreuse qui se pressait à l’extérieur de l’église Notre-Dame de Fatima se voyait pendant ce temps brutalement refoulée par les forces de l’ordre qui n’avaient laissé entrer que les personnalités politiques et les membres du gouvernement. Les mesures de sécurité draconiennes encadrant la cérémonie ont donné lieu à des scènes de protestations, qui se sont intensifiées après le blocage de l’accès au sanctuaire par la police, juste après l’arrivée du Premier ministre pakistanais, Yousaf Raza Gilani.

 

Parmi ceux qui se sont vus refuser la possibilité de rendre un dernier hommage à celui qui fut l’unique ministre chrétien du gouvernement du Pakistan, se trouvaient les membres de la propre famille du défunt. « Vous avez tué mon frère, et maintenant vous m’empêchez d’approcher son corps ! », a lancé en larmes à la police, Anila Bhatti, soeur du Shahbaz Bhatti.

 

Le cercueil contenant le corps du ministre des minorités assassiné a ensuite été transporté en hélicoptère dans le Punjab, pour l’inhumation au cimetière catholique de Kushphur, le village d’origine de Shahbaz Bhatti, situé dans le diocèse de Faisalabad.

 

Plus de 10 000 personnes, certaines venues de très loin, attendaient l’arrivée du corps et ont tenu à rendre un dernier hommage à Shahbaz Bhatti, retardant ainsi la cérémonie d’inhumation de plusieurs heures. A la foule des chrétiens se mêlaient des centaines de musulmans, de sikhs et d’hindous, ainsi que différents leaders politiques, des responsables religieux et des militants des droits de l’homme. Dans l’église du village s’est tenue ensuite une cérémonie œcuménique, à l’image de la foule de croyants de toutes confessions venus assister à l’enterrement d’un homme qui avait consacré sa vie à la défense de la liberté religieuse.

« Un jour, il m’a parlé des menaces de mort qu’il recevait », a raconté l’un de ses frères. « Je lui ai dit de quitter le pays mais il n’a pas voulu, disant qu’il ne craignait pas la mort et qu’il était prêt à se sacrifier pour la cause [des opprimés] ».

De nombreux évêques catholiques et protestants, le P. Perez, cousin de Shahbaz Bhatti, mais aussi des responsables musulmans ont prononcé chacun une courte allocution, saluant le courage et la foi du ministre pakistanais des Minorités.

Mgr Joseph Coutts, évêque de Faisalabad, qui présidait les funérailles, a déclaré à l’assemblée : « Bhatti a été la voix de la Vérité. Et cette voix ne s’éteindra pas parce que la Vérité triomphera. Bhatti a été un émissaire de la Lumière. Et la Lumière ne sera pas vaincue par les ténèbres ».

Comme un écho aux paroles de l’évêque, des bannières avaient été déployées par la foule, sur lesquelles on pouvait lire « Bhatti, nous poursuivrons ta mission » ou encore « Ton sang marque le début de la révolution ».

La prière et le recueillement ont alterné au cours de cette longue cérémonie de funérailles, avec la colère et l’émotion de la population qui réclamait justice en scandant des slogans et brandissant des drapeaux noirs. Mais aucun débordement ne s’est produit et les forces de sécurité qui avaient été également renforcées autour du village, n’ont pas eu à intervenir.

Depuis l’assassinat de Shahbaz Bhatti, la communauté chrétienne du Pakistan a multiplié les manifestations pacifiques et organisé des veillées de prière dans toutes les villes du pays. Le 3 mars, dénonçant « l’inaction d’un gouvernement incapable de protéger les minorités », les chrétiens ont publié une déclaration œcuménique commune dans laquelle ils ont interpellé l’Etat sur « la question de la protection des minorités religieuses, de leur vie et de la liberté » et lui ont demandé « de mettre fin à l’extrémisme au Pakistan ».

Les Eglises avaient également annoncé dans cette déclaration qu’elles observeraient trois jours de deuil, du vendredi 4 au dimanche 6 mars, au cours desquels toutes les écoles et instituts chrétiens seraient fermés et les communautés chrétiennes seraient unies « dans le jeûne et la prière » (1).