Eglises d'Asie

Le gouvernement accepte de remettre les 35 000 bibles en malais qu’il avait confisquées en raison de leur utilisation du mot ‘Allah’

Publié le 15/03/2011




Ce mardi 15 mars, après un long bras de fer entre le gouvernement et la Fédération chrétienne de Malaisie, les 35 000 bibles bloquées depuis des mois dans deux ports de l’île de Bornéo viennent de recevoir l’autorisation officielle pour être dédouanées. Cette décision intervient quelques jours à peine après la publication d’une déclaration exaspérée de la Fédération chrétienne de Malaisie, d’ordinaire très discrète dans ce pays où l’islam est religion d’Etat, …

… qui avait exprimé l’incompréhension et la colère des chrétiens se voyant une fois de plus refuser l’importation de bibles sur le territoire malaisien.

 

La Fédération chrétienne de Malaisie, plus importante organisation chrétienne de Malaisie, par la voix de son président Mgr Ng Moon Hing, déclarait en « avoir assez » de cette interdiction injustifiée de la part des autorités qui « semblaient avoir planifié de mener des actions clairement dirigées contre les chrétiens, leur refusant même l’accès à la Bible en langue malaise ». Soulignant qu’il s’agissait d’une grave atteinte à la liberté religieuse, la Fédération ajoutait que « les chrétien étaient terriblement déçus, fatigués et irrités » par ce blocus de plusieurs dizaines de milliers de bibles, un fait qui se reproduit de manière systématique.

 

Cette déclaration, publiée le 12 mars dernier, n’avait tout d’abord reçu aucune réponse du ministère de l’Intérieur. Lors des précédentes tentatives d’importation de bibles par les chrétiens, qui toutes avaient avorté, le gouvernement avait reconnu que les marchandises, en grande partie en provenance d’Indonésie, avaient été volontairement bloquées mais avait prétexté des problèmes administratifs dus à l’importateur qui aurait négligé de fournir tous les papiers réglementaires. Une explication officielle dont nul n’était dupe, les autorités interdisant depuis des années l’emploi du nom d’Allah dans les textes chrétiens, prétendant que cela pourrait troubler les musulmans qui pourraient être amenés à se convertir au christianisme. En revanche, il n’y a aucun problème pour les textes en anglais.

 

Cette déclaration de la Fédération, très inhabituelle, montrait bien le degré d’exaspération croissante aujourd’hui dans les communautés chrétiennes, au sujet de la polémique, qui dure depuis des années, sur l’utilisation du terme ‘Allah’ par des non-musulmans, bien qu’il soit attesté que ce mot, à l’origine pré-islamique, ait toujours été employé par les chrétiens de langue malaise pour dire « Dieu ».

 

Le 31 décembre 2009, à l’issue d’une longue bataille juridique, opposant le gouvernement fédéral et le journal catholique Herald (1), la Haute Cour de Kuala Lumpur avait tranché en faveur du droit constitutionnel des non-musulmans à user du terme ‘Allah’. Le ministère de l’Intérieur avait fait appel de la décision du tribunal mais, à ce jour, l’échéancier de procédure n’a toujours pas été fixé. L’annonce du verdict avait provoqué la colère de nombreux musulmans et de groupes d’extrémistes avaient attaqué onze églises, clamant leur colère contre les chrétiens (2). L’Eglise catholique avait dû exhumer un ancien dictionnaire latin-malais datant de plus de 400 ans afin de prouver l’ancienneté de l’usage du mot ‘Allah’ par les chrétiens dans le pays.

 

Cependant, l’annonce de la restitution des bibles confisquées s’est accompagnée, ce mardi 15 mars, d’une déclaration du Premier ministre dans laquelle celui-ci assure les musulmans que « leurs intérêts ne seront pas mis en danger dans une affaire qui est en train d’être jugée sur le droit constitutionnel des non-musulmans à utiliser le terme Allah ».

 

Le « geste en faveur de la paix religieuse » fait par le gouvernement de Malaisie a donc été accueilli favorablement mais prudemment par les chrétiens. Une méfiance qu’exprime le Rév. Hermen Shastri, du Conseil des Eglises de Malaisie, qui a déclaré saluer la décision des autorités mais demander à ce que l’on puisse garantir aux chrétiens qu’ils puissent obtenir la Bible dans quelque langue que ce soit.

 

Un peu moins des deux tiers des 28 millions de Malaisiens sont des Malais – qui, comme tels, sont considérés comme étant musulmans –, 25 % sont d’origine chinoise et 8 % d’origine indienne. Aux côtés de minorités bouddhistes et hindoues, la part des chrétiens dans la population se monte à 9 %, dont 3,5 % de catholiques (3).