Eglises d'Asie

Les organisations de l’Eglise catholique, ralenties par les conditions climatiques et le blocage des autorités, peinent à porter secours aux victimes du séisme

Publié le 01/04/2011




Une semaine après le séisme de magnitude 6,8 sur l’échelle de Richter qui les a frappés au soir du 24 mars, les victimes du tremblement de terre survenu dans le nord-est de la Birmanie manquent cruellement d’aide et certains villages isolés de cette région montagneuse n’ont pas encore été atteints par les équipes de secours.Le tremblement de terre, dont l’épicentre a été localisé dans le district de Tachilek, de l’Etat Shan (1), …

… près de la frontière birmano-thaïlandaise, a été suivi de plusieurs répliques dans la nuit du 24 mars ainsi que la journée suivante. Il a été ressenti jusqu’en Chine et plus particulièrement en Thaïlande où il a fait un mort et des dégâts matériels.

 

En Birmanie, les chiffres officiels du 25 mars annonçaient 75 morts, plus d’une centaine de blessés, 244 maisons, dix monastères et neuf bâtiments publics détruits. Les premières ONG présentes sur le terrain ont quant à elles rapidement dénoncé une sous-évaluation du nombre des victimes par le gouvernement, l’armée birmane bloquant les accès aux villages sinistrés et exigeant de se charger elle-même du comptage des morts ainsi que de la distribution des aides.

 

Cette attitude des autorités birmanes rappelle le précédent du blocage de l’aide humanitaire par le gouvernement lors du cyclone Nargis en 2008 (2). Le journal dissident The Irrawaddy rapporte que 700 blessés transportés à l’hôpital de Tachilek le 26 mars ont été évacués dès le lendemain dans des camps militaires, afin de les soustraire aux journalistes et aux organisations humanitaires qui commençaient à arriver dans la région.

 

La zone montagneuse qui a été touchée par le séisme est située sur le territoire du diocèse catholique de Kengtung et c’est la Caritas locale, la Karuna Kengtung Social Service (KKSS), qui a été la première sur les lieux, témoignant de la détresse des survivants comme du chaos régnant dans les villages proches de l’épicentre, tels Tar Lay ou Mong Ling. Des sauveteurs évoquent sur des blogs Internet les huttes de fortune construites par les survivants devant leurs maisons détruites, les cadavres sous les gravats, l’armée birmane détournant les quelques vivres destinés aux sinistrés et l’administration tatillonne bloquant l’évacuation des blessés qui décèdent avant d’arriver à l’hôpital de Kyaingtong, seul de la région ayant résisté au séisme.

 

Selon le directeur de la KKSS, le P. Stephen Ano, l’ampleur de la catastrophe ayant été minimisée par les autorités, des moyens nettement insuffisants ont été affectés aux zones sinistrées où il évalue d’ores et déjà le nombre de morts à plus de 200. La principale difficulté à ce jour reste de fournir aux survivants un abri et de l’eau potable. La dysenterie a fait déjà son apparition et les secouristes distribuent du matériel de réhydratation orale et des comprimés de purification d’eau dans les villages qui leur sont accessibles. L’inquiétude grandit au fil des jours concernant les villages que, plusieurs jours après le séisme, les sauveteurs peinent toujours à atteindre. Dans certaines régions isolées que la destruction des infrastructures a coupées du monde, les glissements de terrain sont une menace supplémentaire pour les équipes de secours.

 

A Mong Lin, l’un des villages les plus frappés par la catastrophe, le P. Anthony Paul, curé de la paroisse, rapporte être « très inquiets pour la santé des victimes » dont les maisons ont été détruites et qui n’ont pour tout refuge que « des tentes de fortune, sans toit ni protection étanche ». De façon très inhabituelle pour la saison, une pluie persistante accompagnée d’une vague de froid rend les conditions de vie des sinistrés encore plus précaires. Craignant d’autres répliques, les habitants n’ont pas osé retourner dans les quelques bâtiments qui pourraient les abriter. L’église paroissiale de la Sainte-Trinité a été complètement détruite, ainsi que l’ensemble des bâtiments qui l’entouraient, dont le presbytère, la maison des étudiants et celle destinée aux prêtres âgés.

 

Quelques personnes des villages voisins ont apporté des couvertures, des ustensiles de cuisine et des médicaments, expliquent les Sœurs de la Charité, également présentes dans la paroisse, mais il est toujours impossible de se procurer de la nourriture. Avec l’arrivée de la Karuna Kengtung puis de la Croix-Rouge, un centre d’aide a été mis en place et d’autres équipes sont attendues en renfort, venant de Rangoun. Mais l’ONG protestante World Vision témoigne des mauvaises conditions climatiques et de l’état des routes qui ralentissent les secours, leur équipe ayant mis « cinq à six jours » pour faire le trajet de Rangoun à l’Etat Shan (3).

 

Les habitants de Jakuni, un village de l’ethnie lahu situé dans une zone particulièrement isolée, dénoncent quant à eux la volonté des autorités de bloquer tout secours qui pourrait leur être apporté. Selon World Vision, 85 personnes seraient mortes dans ce seul village et les survivants manquent de tout. L’un des habitants, Ca Mu, explique : « Nous, le peuple Lahu, nous ne sommes pas sur la liste fournies aux ONG qui viennent apporter leur aide dans la région. » Il ajoute que le gouvernement leur refuse toute aide et que l’armée confisque les quelques secours qui leur sont envoyés, en raison des liens que le village serait supposé entretenir avec certains groupes armés des ethnies wa et shan.

 

De son côté, l’Etat, désormais doté d’un nouveau président (4), a donné une forte publicité au déplacement de plusieurs ministres « pour réconforter les sinistrés » dans l’Etat Shan, mais ces derniers sont nombreux à affirmer sur Internet et sous couvert de l’anonymat, n’avoir reçu « aucune aide quelconque des autorités ».