Eglises d'Asie

Un prêtre catholique condamne les éleveurs de porcs qui recourent aux stéroïdes pour « doper » la viande qu’ils mettent sur le marché

Publié le 07/04/2011




Dans la province du Zhejiang, un prêtre catholique, curé de paroisse, a lancé un appel aux catholiques qui travaillent dans l’agro-alimentaire ou qui élèvent des porcs afin de les encourager à ne pas recourir à des pratiques frauduleuses dans le cadre de leur travail. « Frauder est contraire à l’enseignement de l’Eglise », plaide le P. Lu, tandis qu’un nouveau scandale touchant la viande de porc a récemment éclaté dans la province.

Des tests sanitaires ont récemment mis en évidence la mise sur le marché de milliers de tonnes de viande porcine contaminée au clenbuterol hydrochloride, un stéroïde utilisé pour empêcher l’accumulation de graisses dans les tissus animaux. Connu en Chine sous le nom de « poudre de viande maigre », cet additif provoque une hausse artificielle de la masse musculaire des animaux ; peu coûteux et facile à mettre en œuvre, il semble qu’il soit largement utilisé par une bonne partie des éleveurs de porcs dans le pays, en dépit du fait que ce composant chimique peut être mortel pour l’homme et figure parmi les additifs alimentaires interdits. Ces dernières années, des scandales ont régulièrement fait surface à propos de l’usage de ce stéroïde dans les élevages porcins. En 2006, plus de 300 personnes sont tombées malade après avoir mangé de la viande de porc contaminée au clenbuterol ; début 2009, ce sont 70 personnes qui ont été malade dans le Guangdong pour la même raison ; en mars dernier, 72 personnes ont été traduites en justice dans le Henan pour avoir commercialisé du porc contaminé.

 

En février 2009, à la suite notamment du scandale du lait frelaté à mélamine, qui a rendu près de 300 000 enfants malade et en a tué six, la Chine a voté une loi sur la sécurité alimentaire, qui est entrée en vigueur en juin 2009. Depuis, les autorités chinoises ne cessent d’annoncer l’ouverture de très nombreuses enquêtes sur des cas d’infractions dans les élevages et l’industrie agro-alimentaire. Concernant la viande porcine, le ministère de l’Agriculture a déclaré il y a quelques semaines que des contrôles approfondis viseraient la production chinoise durant les douze prochains mois.

 

Dans les campagnes chinoises, la tentation d’améliorer le « rendement » des exploitations agricoles est forte, rapportent à l’agence Ucanews des paysans catholiques (1). Dans le Shaanxi, dans le Gansu et dans le Xinjiang, des catholiques témoignent du fait que le clenbuterol est largement utilisé depuis au moins une décennie et qu’eux-mêmes y ont eu recours jusqu’à ce que leurs curés leur disent de ne plus le faire.

 

Dans le Shaanxi, Peter Wang fait commerce de maïs pour l’alimentation animale ; il affirme qu’en dépit de la tentation, il n’a jamais vendu de grains frelatés. « Dieu nous a donné une intelligence et une âme afin que nous vivions une vie qui ait du sens. Sous aucun prétexte, nous ne devons produire des substances dangereuses et les écouler en trompant les clients, sous le motif de faire plus d’argent », explique un autre paysan catholique, originaire du Shandong.

 

Pour la plupart des catholiques interrogés sur cette affaire de viande porcine contaminée, le règlement du problème passe par une double action. Les pouvoirs publics doivent renforcer la législation et les contrôles, mais c’est aussi à l’Association des consommateurs de Chine, organisme placé sous la tutelle de l’Administration d’Etat de l’Industrie et du Commerce, de contribuer à garantir la mise sur le marché de produits sains, expliquent-ils.

 

Dans le Shaanxi, un certain Joseph s’interroge : « Je me demande si de telles fraudes sont rendues possibles du fait de la faiblesse de la législation et des contrôles ou bien du fait que la conscience morale fait défaut dans ce pays ? » Tout en améliorant la supervision de ce secteur crucial de l’économie – la viande de porc est omniprésente dans l’alimentation en Chine – et en imposant de plus lourdes peines à ceux qui enfreignent la législation, ce catholique estime nécessaire de « faire remonter le niveau éthique de [ses] concitoyens par une meilleure éducation ». « Faire fi des principes moraux au profit des gains financiers n’aboutira qu’à ruiner l’image de la Chine », conclut-il.

 

Selon les observateurs, le relatif anonymat derrière lequel se retranchent le P. Lu et les catholiques laïques qui témoignent au sujet de ces affaires de fraudes alimentaires, s’explique par une prudence bien compréhensible. D’une part, il est peu fréquent d’entendre des responsables d’Eglise se prononcer en public sur des sujets non directement liés à l’Eglise catholique ; d’autre part, les autorités chinoises ne font pas preuve de sévérité uniquement envers les « dissidents » réclamant la démocratie politique. Au début du mois de novembre 2010, Zhao Lianhai a été condamné à deux ans et demi de prison ferme. Citoyen ordinaire, sa seule « faute » a été de prendre la tête des familles victimes du scandale du lait à la mélamine. Père d’un enfant empoisonné, il luttait pour une meilleure indemnisation des familles, celles-ci ne pouvant pas faire face aux frais médicaux nécessaires à leurs enfants. Il avait fondé un site Internet jieshibaobao.com (‘bébés avec des calculs rénaux’) destiné à informer les parents sur les problèmes de santé de leurs enfants ayant consommé du lait frelaté. Il a été condamné pour « incitation au désordre social ».