Eglises d'Asie

Arrestation de catholiques aborigènes sous de fausses accusations afin de les exproprier

Publié le 04/05/2011




Trois aborigènes catholiques appartenant à l’ethnie santal (1) ont été arrêtés le 30 avril dernier à Jaborhat, dans le diocèse de Dinajpur, au nord-ouest du pays, sur la plainte d’un agriculteur musulman les accusant de lui avoir volé sa récolte de pommes de terre. Pour les habitants de la région ainsi que selon leurs responsables religieux, toutes obédiences confondues, …

… il est toutefois évident que Palton Murmu, Chhoyla Murmu et Rubel Kisku sont innocents des accusations qui ont été portées contre eux. Selon l’agence Ucanews, qui relaye cette information (2), le même propriétaire terrien serait également responsable de l’arrestation, en février dernier, de sept membres d’une autre ethnie aborigène pour des motifs similaires.

 

Abdul Jalil, l’agriculteur musulman, accuse les trois Santals chrétiens d’avoir dérobé, avec l’aide de complices, une grande quantité de pommes de terre dans ses champs, pour un montant de 80 000 takas (740 euros). Mais pour l’ensemble de la communauté locale, il s’agit en réalité d’un règlement de compte concernant un litige sur la propriété des terres.

 

« Depuis cinq ou six ans, Abdul Jalil s’est emparé de différents terrains appartenant aux aborigènes, explique Mohammad Noor, responsable du parti communiste local. A plusieurs reprises, nous avons essayé de résoudre le conflit de façon rationnelle, mais il refuse ne serait-ce que d’en discuter. » Il explique encore que les aborigènes avaient récemment annoncé posséder des documents prouvant que le bien foncier controversé leur appartenait, ce qui, selon lui, a poussé le propriétaire musulman à prendre les devants en portant plainte contre eux afin de pouvoir faire main basse sur leur terres.

 

Du côté hindou, des voix se sont également élevées pour dénoncer les « fausses accusations » contre les trois Santals emprisonnés. Daghda Mohon Roy, qui préside l’Union Council (municipalité) du lieu, en veut pour preuve son témoignage oculaire : « Je suis allé voir le champ en question et il n’y avait absolument aucune plantation de pommes de terre ! », a confirmé le notable hindou, dans une déclaration déposée lundi 2 mai au poste de police.

 

L’Eglise catholique, quant à elle, a assuré les trois chrétiens emprisonnés de son soutien actif : « Il y a des musulmans ici qui méprisent les aborigènes et vont jusqu’à fabriquer de faux documents de propriété pour les expulser de leurs terres ancestrales. Ils pensent qu’il n’y aura personne pour leur venir en aide. Mais nous avons toujours été là pour défendre les droits des aborigènes et nous continuerons de le faire, pour ce cas-là comme pour tous les autres », a déclaré le P. Anthony Sen, secrétaire de la Commission ‘Justice et Paix’ du diocèse de Dinajpur.

 

L’Eglise catholique, en forte croissance au Bangladesh ces dernières années malgré sa représentation minoritaire (3), est particulièrement active auprès de la communauté santal, qui souffre au sein de la société bangladaise de fortes discriminations. Selon des sources ecclésiastiques locales, 50 000 des 225 000 Santals du Bangladesh sont chrétiens, parmi lesquels on compte 70 % de catholiques.

 

Depuis quelques mois, les revendications des peuples indigènes du Bangladesh sont en constante augmentation, parallèlement à la multiplication des expropriations forcées de leurs terres. Le 6 avril dernier, dans le diocèse de Mymensingh, voisin de celui de Dinajpur, différentes ethnies vivant dans la jungle du Madhupur ont manifesté leur colère suite à la récente décision d’un comité parlementaire de révision de la Constitution de classer les communautés indigènes non comme des « groupes aborigènes », comme elles le réclamaient depuis des années, mais dans la catégorie des « minorités ethniques » (4).

 

Dénonçant cette décision comme étant « une violation de la déclaration des droits des peuples indigènes de 2007 (5) », les aborigènes avaient rappelé que la situation ne cessait de se détériorer et que « le ministère des Forêts [du Bangladesh] bafouait leurs droits sur leurs terres ancestrales en multipliant les expulsions de leurs communautés en vue de créer des parcs naturels », auxquelles se rajoutaient les expropriations effectuées par des particuliers. Selon les médias locaux, en cinq ans seulement, 8 100 hectares de la forêt du Madhupur ont été illégalement saisis par des personnes influentes, de grands propriétaires ou le ministère des Forêts.