Eglises d'Asie – Chine
La répression en cours n’épargne pas l’Eglise catholique, qui rapporte des actes de torture et des pressions sur son clergé « clandestin »
Publié le 06/05/2011
Les médias internationaux se sont fait l’écho des difficultés que rencontrent à Pékin les fidèles de l’Eglise domestique protestante de Shouwang (1). En ce qui concerne l’Eglise catholique, la Commission ‘Justice et paix’ du diocèse de Hongkong rapporte que près d’une vingtaine de membres du clergé catholique de la province du Hebei sont actuellement détenus. Emprisonnés en dehors de tout cadre légal, ils ont été, pour certains d’entre eux, torturés et tous ont eu à subir des sessions d’« éducation politique », au cours desquelles des pressions sont exercées sur eux visant à les faire adhérer aux instances « patriotiques » qui contrôlent la partie « officielle » de l’Eglise catholique en Chine.
La province du Hebei semble être l’une des provinces où les pressions sont les plus fortes. Le 8 avril dernier, le P. Joseph Chen Hailong, un prêtre catholique âgé de 29 ans, ordonné en 2009, a été interpellé par une dizaine de policiers en civil alors qu’il allait rendre visite à des paroissiens. Appartenant à la partie « clandestine » du diocèse de Xuanhua, il avait la charge d’un secteur paroissial sur les localités de Yanqing et Yongning, deux banlieues de Pékin. Selon des sources ecclésiales locales, le P. Chen était surveillé depuis plusieurs semaines par la police de Xuanhua, qui attendait un prétexte pour l’arrêter. Emmené dans un premier temps dans un hôtel de Yanqing, le P. Chen y a été interrogé par des fonctionnaires des Affaires religieuses avant d’être transféré vers un lieu inconnu. Sa famille ne cache pas son inquiétude, le jeune prêtre étant de santé fragile.
Du même diocèse de Xuanhua, des informations inquiétantes font état des mauvais traitements endurés par un prêtre « clandestin » de 40 ans. Le 13 janvier dernier, le P. Peter Zhang Guangjun a été arrêté par la Sécurité publique. Les sources disponibles font état d’au moins une session de privation de sommeil qui aurait duré cinq jours et d’insultes répétées. Le prêtre a été brièvement relâché lors du Nouvel An lunaire après que sa famille eut intercédé en sa faveur et promis son retour en détention après les festivités traditionnelles. Ses proches ont dû laisser une voiture en gage le temps de son retour au domicile familial et, dès le 8 mars, le P. Zhang était de nouveau emprisonné, des témoignages rapportant qu’il était à nouveau soumis à des mauvais traitements.
Dans le diocèse de Zhengding, un prêtre placé sous l’autorité de l’évêque « clandestin » du lieu, Mgr Julius Jia Zhiguo, a été arrêté à la mi-mars. Le P. Wang Lifang a été interpellé après avoir été attiré dans un piège : appelé à venir administrer les derniers sacrements à un malade, il s’est retrouvé confronté à des policiers en civil qui l’attendaient. Là encore, son lieu de détention et les charges qui lui sont reprochées sont inconnus.
Selon des sources ecclésiastiques locales, la multiplication des arrestations dans le Hebei laisserait penser qu’une campagne a été lancée par les autorités visant à contraindre les éléments « clandestins » du clergé à rejoindre les communautés « officielles ». Les sessions d’« éducation politique » visent à briser psychiquement et intellectuellement les prêtres réfractaires à ces mots d’ordre, analyse un observateur cité par l’hebdomadaire du diocèse de Hongkong (2).
La Commission ‘Justice et Paix’ du diocèse de Hongkong a demandé les autorités du Hebei et leur a demandé de « cesser de persécuter » les catholiques de cette province, notamment dans le district de Zhangjiakou (qui comprend les diocèses de Xuanhua et de Xiwanzi) où la police et les Affaires religieuses semblent particulièrement mobilisées. Depuis 2007, plus de vingt prêtres ont été arrêtés en dehors de tout cadre légal, emprisonnés, torturés et soumis à des sessions de rééducation, dénonce la commission diocésaine, qui demande à Pékin de respecter la liberté religieuse et de libérer tous les prêtres encore sous les verrous (y compris les PP. Li Huisheng et Ren He, du diocèse de Xiwanzi).
Toujours au sujet du Hebei, on peut ajouter qu’aucune nouvelle ne filtre quant au sort et à l’état de santé de deux évêques : Mgr Su Zhemin (Su Zhimin), évêque « clandestin » du diocèse de Baoding, disparu depuis son arrestation, le 8 octobre 1997, et Mgr Shi Enxiang, évêque « clandestin » du diocèse de Yixian, arrêté à Pékin le 13 avril 2001, un Vendredi saint. Pour ces deux évêques, les temps de détention se chiffrent en décennies.
A ces difficultés rencontrées par la partie « clandestine » de l’Eglise en Chine, on peut ajouter que la volonté de contrôle des autorités chinoises sur l’Eglise se vérifie aussi au sein des communautés « officielles », comme en témoignent les difficultés rencontrées à propos des nominations épiscopales (3). Enfin, dernier exemple en date du durcissement du contrôle sur l’Eglise, très récemment, un missionnaire français s’est vu interdire l’entrée sur le continent chinois, sans possibilité à l’avenir de redemander un visa.
Aux Etats-Unis, le 28 avril dernier, lors de la publication de son rapport annuel, la Commission américaine sur la liberté religieuse dans le monde a dénoncé « les graves violations » de la liberté religieuse constatées en Chine populaire. Les actions ciblant les bouddhistes tibétains, les musulmans ouïghours, les adeptes du Falungong, les Eglises domestiques protestantes, les catholiques « clandestins » y étaient détaillées. Le 4 mai, à Pékin, une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a déclaré : « Nous conseillons à la soi-disant Commission américaine sur la liberté religieuse dans le monde d’abandonner ses préjugés, de respecter les faits et de cesser d’intervenir dans les affaires intérieures de la Chine. »