Eglises d'Asie – Chine
Dans le diocèse de Shantou, l’élection d’un candidat à l’épiscopat s’est déroulée dans un climat de fortes pressions
Publié le 13/05/2011
Dans le cadre des structures « officielles » de l’Eglise catholique en Chine, le mode de désignation des candidats à l’épiscopat est celui de l’« élection », formule non reconnue par le Saint-Siège. Au sein d’un diocèse dont le siège épiscopal est à pourvoir, les prêtres du diocèse, certaines religieuses et certains responsables laïques sont appelés à voter pour désigner le candidat qui sera ensuite proposé à l’épiscopat. Toutefois, on constate que ces élections sont le plus souvent « arrangées », des pressions extrêmement fortes étant exercées sur les votants pour que leur choix se porte sur le candidat unique choisi par les autorités. Selon les informations disponibles, c’est ce qui s’est passé à Shantou le 11 mai.
Un total de 72 bulletins a été déposé dans l’urne à Shantou ce 11 mai : ceux de 15 prêtres, cinq religieuses, deux séminaristes et 50 laïcs. Une seule candidature était proposée aux votants, celle du P. Joseph Huang Bingzhang, les votants devant donc se prononcer pour ou contre cette candidature. Le résultat a été 66 votes pour et trois contre, avec trois abstentions.
« Nous avons été escortés par des officiers de la Sécurité publique jusqu’au lieu du scrutin », a rapporté l’un des prêtres votants, précisant que le nombre des « aides » en civil était plus élevé que le nombre des votants eux-mêmes (2). D’autres votants ont décrit l’intensité des pressions qui ont été exercées sur eux afin que cette élection assure une forte majorité au candidat choisi par les autorités. L’un d’eux avoue ainsi avoir voté « contre sa conscience » mais « pour ne pas mettre en danger ses proches », des menaces de représailles ayant été formulées contre sa famille.
Le diocèse de Shantou présente la particularité d’être une chrétienté dynamique et en croissance. Or, depuis plusieurs années déjà, les responsables des Affaires religieuses de la province du Guangdong manœuvrent afin de faire du P. Huang le prochain évêque « officiel » de ce diocèse. Shantou n’est pourtant pas un siège épiscopal vacant : en 2006, le pape a nommé évêque de Shantou un des doyens du presbyterium local, le P. Zhuang Jianjian. Ordonné secrètement, désormais âgé de 81 ans, Mgr Zhuang Jianjian n’est reconnu par les autorités chinoises que comme « prêtre officiel ». Or, depuis le début de l’année 2011, Mgr Zhuang, qui jusque lors gardait discrète sa qualité épiscopale, agit désormais au grand jour comme évêque. Les autorités, qui n’apprécient pas, ont renforcé la surveillance policière autour de sa personne. En avril dernier, lors de la Semaine sainte, elles l’ont ainsi empêché d’exercer tout ministère pastoral. Mgr Zhuang n’a, bien entendu, pas pris part au vote du 11 mai.
Outre les mesures de privation de liberté prises à l’encontre de Mgr Zhuang, la police a accentué les pressions sur les prêtres de Shantou. Sur les vingt prêtres « officiels » du diocèse, cinq n’ont pas participé au vote : trois ont été placés sous étroite surveillance policière, le quatrième s’est caché et le cinquième a été placé en détention dans un bureau de la Sécurité publique.
Les prêtres du diocèse de Shantou, outre le fait que leur diocèse a déjà un évêque en la personne de Mgr Zhuang, s’inquiètent également des traits de personnalité du P. Huang. Né en 1967, entré au séminaire en 1985, ordonné prêtre en 1991, le P. Huang passe pour être « ambitieux » et « aimant le pouvoir ». Curé de la cathédrale Saint-Joseph, il a été choisi en 1998 pour entrer comme député à l’Assemblée nationale populaire – où il siège toujours et effectue son troisième mandat (3). Il est aussi président de l’Association patriotique du Guangdong et, en décembre dernier à Pékin, il a été élu pour être l’un des vice-présidents de l’Association patriotique au plan national (4).
Ailleurs qu’au Guangdong, d’autres « élections » sont en train d’être organisées pour que les sièges épiscopaux vacants soient prochainement pourvus de candidats choisis par Pékin. Ainsi, dans le Sichuan, les délégués du diocèse de Chengdu ont « voté » en faveur du candidat à l’épiscopat, le P. Simon Li Zhigang. Ce dernier a été élu avec 41 voix sur 45 suffrages exprimés. Avec cette élection, les cinq sièges épiscopaux du Sichuan sont désormais tous pourvus d’un candidat. Certains observateurs s’attendent à ce que les autorités chinoises organisent désormais une cérémonie commune d’ordination. La difficulté est que, sur les cinq candidats, deux seulement ont été reconnus par Rome. Parmi les trois autres, au moins un ne pourra obtenir de mandat pontifical.
Au total, à l’heure actuelle, une douzaine d’ordinations épiscopales sont en préparation en Chine populaire. Certaines ont reçu l’assentiment de Rome, d’autres non. Interrogé par l’agence Ucanews, un « observateur de l’Eglise proche du Vatican » s’interroge sur l’objectif recherché par Pékin en sélectionnant des candidats à l’épiscopat qui ne sont pas acceptables par Rome. « Ces candidats savent qu’ils ne pourront pas être approuvés [par le pape] mais, malgré cela, ils organisent leur élection puis, sans doute, leur ordination. Quel profit retirent-ils, eux-mêmes ou les autorités, à attiser ainsi les tensions ? »
Le 1er avril dernier, à Rome, le secrétaire de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, Mgr Savio Hon Tai-fai, s’interrogeait dans une interview au quotidien L’Avvenire sur « la véritable envie [de Pékin] de trouver un accord avec le Saint-Siège » (5).