Eglises d'Asie

Les responsables de l’Association patriotique réaffirment leur volonté de nommer des évêques sans le consentement de Rome

Publié le 18/05/2011




Dans un article daté du 14 mai dernier du Wen Wei Po, quotidien de Hongkong considéré comme proche de Pékin, les responsables de l’Association patriotique des catholiques chinois ont réaffirmé leur volonté de voir élus et ordonnés des évêques catholiques en Chine sans que ceux-ci aient nécessairement reçu de mandat pontifical. Afin de pourvoir les sièges épiscopaux actuellement vacants et pour le bien de l’évangélisation en Chine, …

… onze candidats à l’épiscopat attendent leur ordination, a affirmé Mgr Fang Xingyao, président de l’Association patriotique, dans les colonnes du quotidien hongkongais. Ceux-ci ont été élus et il ne reste plus à la Conférence des évêques de Chine qu’à donner son accord pour organiser les ordinations, a précisé l’évêque « officiel » de Linyi (Shandong) (1).

 

Toujours selon le journal de Hongkong, Anthony Liu Bainian, qui est le véritable « homme fort » à la tête des instances « officielles » de l’Eglise en Chine (2), a été plus direct, en déclarant le 13 mai que le Vatican n’avait pas à intervenir dans le processus d’élection et d’ordination des évêques en Chine, mais, tout au contraire, devait reconnaître et apporter son soutien aux évêques élus. Il a rappelé que l’Eglise de Chine avait coupé les liens politiques et économiques qui la reliaient au Vatican et que la politique d’autonomie en matière religieuse se traduisait par des élections et des ordinations épiscopales décidées en Chine seule. Selon Liu Bainian, l’un des onze candidats à l’épiscopat a déjà été ordonné et installé : il s’agit de Mgr Liang Jiansen, ordonné le 30 mars dernier pour le diocèse de Jiangmen, dans le Guangdong (3). Dix autres ont été élus et attendent de voir leur élection validée par les instances de la Conférence des évêques « officiels ». Liu Bainian a réaffirmé que les ordinations épiscopales en Chine étaient menées pour répondre aux besoins de l’Eglise en matière d’évangélisation ; pour se faire, le mode de sélection normal des évêques était donc l’élection, laquelle était suivie de l’ordination, un processus qui n’appelait pas un éventuel accord du pape.

 

Pour les observateurs, cette réaffirmation de la politique de Pékin sur l’Eglise catholique, par la voix des responsables de l’Association patriotique, intervient dans un contexte marqué par un double raidissement. D’un point de vue général, depuis plusieurs mois, on assiste à un durcissement policier du régime, toute voix considérée comme libérale, d’où qu’elle vienne, étant sévèrement réprimée (4). D’un point de vue interne à l’Eglise catholique, l’ordination illégitime – menée sans mandat pontifical – de l’évêque de Chengde (novembre 2011) et la Huitième Assemblée nationale des représentants catholiques (décembre 2011) ont signifié la volonté de Pékin d’imposer, éventuellement par la contrainte, des évêques non approuvés par Rome à la tête de certains diocèses. Dans les mois à venir, soulignent les observateurs, les responsables de l’Association patriotique vont organiser des cérémonies d’ordination pour les dix évêques élus. Certaines de ces cérémonies seront groupées, plusieurs évêques (dans le Sichuan et le Hubei) étant ordonnés le même jour, et elles mêleront sans doute des candidats à l’épiscopat dont certains auront reçu l’assentiment de Rome et d’autres qui se seront vus refuser le mandat pontifical. Pour ordonner ces nouveaux évêques, les autorités chinoises sélectionneront sans doute des évêques dont certains sont en communion avec Rome et d’autres qui ne le sont pas, plaçant ainsi les premiers face à des choix cornéliens.

 

Par ailleurs, nouvelle manifestation du caractère sensible du lien avec Rome et l’Eglise universelle, la tombe d’un évêque « clandestin » a été partiellement démolie par les autorités dans le Henan. Le 23 avril dernier, lors de la Vigile pascale, Mgr Peter Li Hongye, évêque de Luoyang, était décédé en pleine messe d’une attaque cardiaque. Agé de 91 ans, l’évêque était à la tête d’un diocèse où la très grande majorité des prêtres et des fidèles refusaient de voir leurs activités contrôlées par l’Association patriotique. Après la messe de funérailles, célébrée le 29 avril, l’évêque avait été inhumé dans le cimetière de son village natal, en pleine campagne. Un petit dôme surmonté d’une croix avait été érigé au-dessus de sa tombe. Selon des sources locales, les autorités du district, craignant de voir le cimetière devenir un lieu de pèlerinage, ont ordonné la destruction de l’édifice et, le 8 mai, une pelleteuse a détruit le dôme et la croix, laissant toutefois intactes la pierre tombale et la tombe elle-même. Pour les catholiques locaux, la tristesse de voir la croix abattue se mêlait au soulagement de pouvoir continuer à rendre hommage à leur évêque, nommé par Rome mais non reconnu par Pékin.