Eglises d'Asie

L’Eglise catholique s’implique dans la réconciliation interreligieuse en participant à la fête bouddhiste du Vesak

Publié le 20/05/2011




L’Eglise catholique au Sri Lanka, dans une démarche de réconciliation prônée par ses responsables religieux et en particulier l’archevêque de Colombo, s’est associée aux activités caritatives des bouddhistes à l’occasion de la fête du Vesak. Pour la communauté bouddhiste au Sri Lanka, le Vesak est l’événement le plus important de l’année, célébrant …

… tout à la fois la naissance, l’illumination et la mort du Bouddha. Les célébrations ont revêtu cette année un faste tout particulier, le bouddhisme theravada du Sri Lanka (1) fêtant selon son calendrier, ses 2 600 ans d’existence. La date du Vesak elle-même, diffère selon les pays ; au Sri Lanka la fête s’étale sur deux jours à partir de la pleine lune de mai, soit pour l’année 2011, les 17 et 18 mai dernier.

L’Eglise catholique, souscrivant à la tradition bouddhique qui laisse une large place à l’aumône et à la charité pendant le temps du Vesak, a incité ses fidèles à « aller vers leurs frères bouddhistes » en mettant en pratique ce qui rejoignait leurs propres valeurs.

A l’instar des associations bouddhistes qui dressent pour l’occasion de grandes tables où sont mis à disposition des passants des boissons et de la nourriture, des groupes de catholiques ont proposé des repas aux milliers de pèlerins qui se rendaient dans les principaux lieux de vénération du Bouddha durant les deux jours de la fête.

A Rotawawa, dans le diocèse de Kandy – la ville sacrée située au centre du pays et abritant le célèbre temple de la dent du Bouddha – les jeunes de l’église Saint-Antoine avaient collecté de quoi acheter de la nourriture et des boissons en lavant les voitures dans la rue. Sur un stand de fortune, ils ont offert à plus de 2 000 pèlerins des plats végétariens et des boissons rafraîchissantes. « C’est un bon moyen de faire tomber progressivement les barrières de défiance, de ressentiment et de peur qui persistent encore » entre les différentes communautés, explique Gayan Sanjaya, 23 ans, qui est à la tête du groupe des jeunes de la paroisse Saint-Antoine.

Ces initiatives, fortement encouragées par les responsables chrétiens, ont fleuri un peu partout dans le pays. A la veille du Vesak, Jehan Perera, directeur du National Peace Council, une ONG sri-lankaise interreligieuse oeuvrant en faveur de la réconciliation, expliquait à l’agence Ucanews, qu’en participant à la fête du Vesak, les chrétiens témoignaient des valeurs communes qu’ils partageaient avec les bouddhistes. « Au Sri Lanka, nous avons besoin de ces valeurs dans cette période difficile de l’après-guerre (…) En tant que chrétiens nous nous devons de soutenir nos frères bouddhistes à vivre ces valeurs, et ce d’autant plus qu’elles sont aussi les nôtres », a ajouté le militant chrétien.

Le cardinal Malcolm Ranjith, archevêque de Colombo, avait pour sa part appelé les catholiques à montrer leur solidarité envers leurs frères bouddhistes pendant les fêtes du Vesak en s’abstenant notamment de boire de l’alcool et de manger de la viande.

Pendant les deux jours sacrés du Vesak, la vente d’alcool et de viande est interdite par décret, le pays tout entier vit au rythme des cérémonies et des célébrations festives ; pour rappeler l’illumination du Bouddha, sont disposées partout dans les rues des lanternes de papier, et pour symboliser sa libération sont relâchés des oiseaux, des insectes … et même des prisonniers. Ne dérogeant pas à la tradition, le 17 mai dernier, le président Mahinda Rajapakasa a annoncé avoir libéré 858 détenus (pour fautes mineures ou ayant presque achevé leur peine) par grâce présidentielle, en raison du double anniversaire du Vesak et des 2600 ans de l’illumination du Bouddha.

Le chef de l’Etat a par ailleurs proclamé une année du Vesak le samedi 14 mai dernier, afin de célébrer de façon exceptionnelle les 2600 ans du bouddhisme. Officiellement ouverte le 17 mai 2011, l’année du Vesak s’achèvera à la pleine lune de l’année suivante soit le 6 mai 2012. Le président sri-lankais n’a pas manqué de souligner la concomitance des fêtes du Vesak et de la « semaine de la Victoire », qui commémore pour la deuxième année consécutive, la fin de la guerre civile. Le 18 mai 2009 s’achevait en effet l’un des plus longs conflits séparatistes d’Asie avec l’écrasement de la rébellion des Tigres tamouls par l’armée sri-lankaise dans un bain de sang, entraînant la mort de milliers de civils (2). Le Sri Lanka qui se défend actuellement d’une accusation de crimes de guerre par les Nations Unies (3), a organisé comme l’année précédente la célébration de cette semaine commémorative de « la victoire sur le mal » comme le définit la propagande officielle sur le site de la Sri Lanka Army, alternant parades militaires et cérémonies bouddhistes en l’honneur des « Héros de la Guerre ».

Cette association dans une même célébration triomphale du pouvoir en place et du bouddhisme, n’est pas sans inquiéter les défenseurs des droits des Tamouls, qui rappellent que dans les territoires du nord dévastés par le conflit, la situation des populations tamoules continue de se dégrader. Les milliers de civils récemment réinstallés, doivent faire face depuis la fin de la guerre à une « bouddhisation » et une « cinghalisation » forcées, dont les effets se font plus particulièrement sentir en ce mois anniversaire où l’Etat sri lankais célèbre sa victoire. Les évêques des diocèses Mannar et de Jaffna ont dénoncé régulièrement ces derniers mois, les violations persistantes des droits de l’homme, l’occupation militaire et un climat de peur et de violence qui est en constante augmentation. Le 18 mai, alors que débutait officiellement les cérémonies gouvernementales de la « semaine de la Victoire », des messes pour les victimes civiles étaient célébrées un peu partout dans les territoires tamouls du Nord, comme à Jaffna, Vavuniya ou Kilinochchi, qui furent le théâtre de combats sanglants. Lors de la messe commémorative qui s’est tenue en la cathédrale de Jaffna, Mgr Thomas Savundaranayagam, après avoir rappelé le souvenir des nombreux prêtres et religieuses tués pendant le conflit, a procédé à l’ordination de cinq nouveaux prêtres, dans une démarche « d’espoir et de renouveau » (4).