Eglises d'Asie

L’Eglise catholique s’inquiète de l’afflux de réfugiés fuyant les combats entre les rebelles kachin et le gouvernement

Publié le 21/06/2011




Dans le nord-est de la Birmanie (Myanmar) où de violents combats opposent depuis le 9 juin dernier l’Armée indépendante kachin (Kachin Independence Army, KIA) (1) aux forces gouvernementales, les responsables de l’Eglise catholique ont fait part de leur vive inquiétude concernant les réfugiés qui fuient le conflit par milliers.Après une dizaine de jours où la plus grande opacité régnait sur les raisons du déclenchement des combats, le gouvernement s’est exprimé pour la première fois …

… fois le 18 juin dernier, par le biais du journal officiel New Light of Myanmar. Affirmant que les rebelles avaient « tiré les premiers », les autorités birmanes ont assuré n’avoir fait que défendre les employés chinois du complexe hydroélectrique actuellement en construction dans l’Etat kachin, sous le nom de Tarpein Hydropower Project. Ce projet, mis en place par le gouvernement birman et la compagnie chinoise China Power Investment Corporation, vise à construire de gigantesques barrages sur l’Irrawady afin de fournir en électricité le Yunnan ainsi que d’autres provinces du sud-ouest chinois (2). Depuis le début des travaux, les Kachin dénoncent les conséquences désastreuses qu’aura le projet pour l’environnement ainsi que pour leur propre survie, de nombreux village ayant été inondés pour la construction des barrages, laissant les habitants sans ressources et sous la menace des forces armées qui ont réinvesti la région afin de « sécuriser la zone du chantier » (3).

Toujours selon la version officielle, les rebelles kachin auraient menacé 215 employés chinois, avant de faire prisonniers deux officiers de l’armée, forçant les forces militaires birmanes à intervenir. En représailles, la KIA aurait détruit une vingtaine de ponts et une partie des structures de deux barrages hydroélectriques en cours de construction, a ajouté New Light of Myanmar.

La KIA accuse quant à elle le gouvernement de lui avoir début juin intimé l’ordre de quitter la région, et en particulier l’une de ses bases stratégiques se trouvant près des barrages en construction, rompant, à ses yeux, un accord tacite qui laissait sous son contrôle certaines zones de l’Etat kachin. Un important déploiement militaire aurait accompagné cette sommation, avec des tirs de mortiers et autres attaques à l’arme lourde contre la KIA, qui aurait riposté.

Alors que les deux parties se renvoient mutuellement la responsabilité d’avoir ouvert le feu les premiers, différents observateurs considèrent d’ores et déjà qu’il s’agit là des affrontements parmi les plus violents qui se soient produits depuis près vingt ans entre le gouvernement birman et les forces armées kachin. Après s’être étendus rapidement à l’ensemble de l’Etat kachin, les troubles ont ensuite gagné le nord-est du pays, près de la frontière thaïlandaise, où des accrochages entre l’armée birmane et la minorité des Shans ont été rapportés.

Le nombre des victimes comme des réfugiés fuyant le conflit reste encore aujourd’hui incertain, les estimations variant considérablement selon les sources. Une vingtaine de morts a été rapportée pour le premier jour des combats, mais le bilan s’alourdit au fur et à mesure que le conflit s’étend.

Quant aux déplacés civils, ils sont évalués entre 2 000 et 10 000 dans la seule région où ont éclaté les combats. Selon l’agence Kachin News Group (KNG), quelque 2 000 personnes seraient regroupées dans un camp géré par l’Organisation pour l’indépendance kachin (KIO), et 7 000 autres disséminés dans des camps de fortune à la frontière sino-birmane. Ces Kachin, de confession chrétienne (4), craindraient, outre le fait d’être pris dans les combats, d’être enrôlés de force par les militaires birmans qui affluent dans la région.

Aucune estimation fiable n’est possible également concernant les populations qui auraient traversé la frontière pour trouver refuge en Chine. Des sources kachin avancent des chiffres de plusieurs milliers de personnes, essentiellement des femmes, des enfants et des personnes âgées, qui se seraient réfugiées au Yunnan, à proximité de la frontière. Pékin dément de son côté les rumeurs de refoulement des populations birmanes et affirme que la frontière « est ouverte comme d’habitude » et que le gouvernement chinois n’envisage pas de « fournir des tentes et de la nourriture, qui ne sont pas nécessaires pour le moment ».

Cet afflux de réfugiés inquiète fortement les Eglises chrétiennes. Selon des informations émanant de l’agence Fides, dans le diocèse catholique de Myitkyina, situé dans la région de l’Etat kachin concernée, plus de 2 000 personnes ont fui les villages proches des barrages en construction, épicentre des combats, pour trouver refuge dans les églises. Les paroisses se sont mobilisées pour faire face à l’afflux des Kachin et leur procurer aide, nourriture et médicaments d’urgence. Un prêtre témoignant sous le couvert de l’anonymat raconte que les combats sont d’une extrême violence, les principales infrastructures détruites et les bombardements incessants.

Les activités de l’Eglise, déjà surveillées étroitement, sont rendues encore plus difficiles à exercer : quatre catéchistes catholiques du diocèse de Myitkyina ont été arrêtés par les militaires alors qu’ils se rendaient dans des villages isolés. Dans le diocèse de Banmaw, tout proche, l’Eglise a mis à disposition des réfugiés les provisions de nourriture des pensionnats, lesquels ont dû fermer en raison des combats.

Jeudi 16 juin, la KIA a demandé à la Chine d’intervenir en tant que pays tiers, afin d’encadrer d’éventuels pourparlers. Mais Pékin s’est contenté d’un bref communiqué, appelant les deux parties « au calme et à la retenue ». D’importants intérêts économiques étant en jeu dans cette région de l’Etat kachin qui abrite certains de ses projets les plus ambitieux (les barrages controversés comme des projets de pipe-line qui transporteront du gaz et du pétrole en Chine), le refus de Pékin n’a pas surpris.

Certains analystes soulignent que la tentative de reprise en main de la partie nord de l’Etat kachin par l’armée a suivi de peu la visite en Chine de Thein Sein, le nouveau chef de l’Etat birman, destinée à « resserrer la collaboration économique » entre les deux pays. Des pressions de la Chine afin que soit « sécurisée » la zone des grands barrages ne sont pas à écarter, affirment ces observateurs (5).