Eglises d'Asie

Hebei : les autorités préparent l’ordination épiscopale d’un candidat qui n’a pas reçu – et ne pourra pas recevoir – de mandat pontifical

Publié le 24/06/2011




Peu après que le Saint-Siège a rappelé sans ambiguïté les sanctions prévues par le Code de droit canonique en cas d’ordinations épiscopales illicites (1), les autorités chinoises préparent activement l’ordination épiscopale d’un candidat qui n’a pas reçu – et ne pourra pas, comme le souligne une source proche du Vatican, recevoir « d’un point de vue canonique » – le nécessaire mandat pontifical. Cette ordination devrait avoir lieu le 29 juin prochain et concerne le siège épiscopal de Leshan, diocèse de la province du Sichuan.

Selon diverses sources ecclésiales, il semble que les autorités chinoises au Sichuan tiennent particulièrement à maintenir cette date malgré sa proximité avec le 1er juillet, jour où le pays célébrera avec faste le 90ème anniversaire de la fondation du Parti communiste chinois. Pour ce candidat non approuvé par Rome, la date choisie du 29 juin sera également celle où, dans la province du Hebei, l’Eglise tentera malgré l’opposition des autorités d’ordonner à l’épiscopat un candidat ayant reçu l’approbation du Saint-Siège (2). Cette date est en effet hautement symbolique, l’Eglises célébrant le 29 juin la solennité de saint Pierre et saint Paul apôtres, fête où le pape rassemble autour de lui les archevêques récemment nommés pour leur remettre le pallium, cette étole de laine vierge qui symbolise l’unité des évêques autour du siège de Pierre.

Le candidat de Pékin, le P. Paul Lei Shiyin, est un personnage puissant au sein de l’Eglise du Sichuan. Ordonné prêtre en 1991, il est élu en 2010 pour succéder à Mgr Matthieu Luo Duxi, décédé en 2009 à l’âge de 90 ans (3). Sur un collège de 31 électeurs (16 prêtres diocésains, quatre religieuses, un séminariste et dix laïcs), il a réuni 27 voix. Membre de la Conférence consultative politique du peuple chinois (qui tient lieu de deuxième Chambre au Parlement chinois), il est devenu l’un des vice-présidents de l’Association patriotique des catholiques chinois, au niveau national, à la faveur de la Huitième Assemblée nationale des représentants catholiques, réunie en décembre dernier à Pékin (4). Au Sichuan, il a la haute main sur les finances de l’Eglise catholique et il est réputé pour être financièrement prospère, proche de son frère qui gère des affaires immobilières.

Après son élection, lorsqu’il a été question pour Rome de confirmer ce choix, le Saint-Siège a fait savoir aux autorités chinoises que le pape ne pouvait pas le reconnaître comme futur évêque de Leshan et que les raisons de cette décision étaient connues du gouvernement chinois. Selon différentes sources ecclésiales, « la raison objective » qui empêche le P. Lei de recevoir le mandat pontifical est « connue de tous », du P. Lei lui-même comme des évêques, des prêtres et des laïcs du Sichuan ainsi que des plus hautes autorités des structures « officielles » de l’Eglise en Chine. Dans ce contexte, on ne peut que se demander pourquoi le gouvernement et les structures « officielles » de l’Eglise s’obstinent à promouvoir un candidat qui a posé des actes en contradiction avec la tradition de l’Eglise et le droit canon, interrogent ces mêmes sources qui poursuivent en exprimant le souhait que les autorités chinoises cessent d’utiliser la nécessité, réelle, de nommer des évêques pour les sièges épiscopaux vacants afin de promouvoir des objectifs politiques.

Pour certains catholiques du Sichuan, il est encore possible que les autorités se décident à repousser l’ordination du P. Lei. En effet, celles-ci ont désormais conscience qu’un tel geste ne pourra qu’être mal perçu par les fidèles et pourrait provoquer des troubles au sein de la communauté catholique. Déjà, des laïcs ont averti qu’ils étaient prêts à manifester devant la cathédrale pour dire leur opposition à l’ordination épiscopale du P. Lei. Or, à l’approche de l’anniversaire du 1er juillet, les autorités souhaitent tout sauf des troubles.

Quant aux évêques qui seraient appelés à ordonner évêque le P. Lei, il semble qu’ils fassent l’objet de pressions. Depuis le 21 juin, jour où les obsèques du P. Simon Li Zhigang ont été célébrées (5), les évêques et les administrateurs apostoliques qui y ont pris part ne sont pas retournés à leurs domiciles respectifs. Il est à craindre qu’ils aient été réunis dans un lieu tenu secret où les autorités cherchent à les « convaincre » de consacrer évêque le P. Lei. A Pékin, lors d’une réunion les 18 et 19 juin derniers, les plus hauts responsables des Affaires religieuses ont redit aux principaux responsables de la Conférence des évêques « officiels » et à ceux de l’Association patriotique que la Chine se montrait résolue à continuer de choisir elle-même les évêques de l’Eglise de Chine.

Tandis qu’outre l’ordination du P. Lei, d’autres ordinations épiscopales sans mandat pontifical sont en préparation, notamment pour le diocèse de Harbin (province du Heilongjiang) et celui de Shantou (province du Guangdong) (6), des prêtres en Chine s’exprimant sous le sceau de l’anonymat affirment que le Saint-Siège ne doit plus hésiter à dire clairement que les prêtres ne doivent plus concélébrer la messe aux côtés des évêques illégitimes ou qui ont pris part à des ordinations illicites et que les fidèles ne doivent plus assister aux eucharisties célébrées par ces prélats. « Trop d’évêques et de prêtres cherchent à la fois à plaire au gouvernement chinois et au Saint-Siège. S’ils savaient le prix à payer – l’excommunication –, ils y réfléchiraient à deux fois », déclare l’un d’entre eux à l’agence Ucanews (7).