Eglises d'Asie

Nouvelles tensions à l’approche des ordinations épiscopales du 29 juin

Publié le 27/06/2011




Le 29 juin prochain, deux ordinations épiscopales devaient avoir lieu en Chine populaire. Mais si l’un des candidats, le P. Sun, avait reçu l’approbation du Saint-Siège, l’autre, le P. Lei, s’était vu refuser le nécessaire mandat pontifical. A deux jours des cérémonies, la tension est montée d’un cran, les autorités ne voulant pas de la première ordination tout en préparant activement la seconde.

Dans la province du Hebei, le diocèse de Handan se prépare depuis plusieurs mois déjà à l’ordination de son futur évêque coadjuteur, le P. Joseph Sun Jigen (1). A l’approche de la date choisie, qui dans le calendrier liturgique correspond à la solennité des apôtres Pierre et Paul, le P. Joseph Sun était parti se retirer pour une retraite spirituelle dans la province voisine du Henan. Le 26 juin, dès la retraite finie, le P. Sun, qui était accompagné du P. John Huai Jianting, chancelier du diocèse de Handan, a été invité à monter à bord d’un véhicule de la Sécurité publique. Lorsqu’il a été clair que la voiture n’avait pas pour destination Handan, le chancelier a tenté – en vain – de sauter en marche. Il a alors été placé dans une autre voiture tandis que le P. Sun était emmené jusqu’à Shijiazhuang, chef-lieu du Hebei. En apprenant ces événements, le vieil évêque en titre de Handan, Mgr Stephen Yang Xiangtai, 89 ans, a fait un arrêt cardiaque et a été emmené d’urgence à l’Hôpital Dazhong, tenu par des religieuses catholiques. A ce jour, aucune information n’a filtré quant à son état de santé. En apprenant ces nouvelles, des sœurs de la Mère de Notre Seigneur, une congrégation féminine diocésaine, ont entamé un jeûne et organisé une adoration perpétuelle du Saint-Sacrement afin de prier pour le diocèse.

Il ne fait guère de doutes à l’heure actuelle que l’ordination épiscopale ne pourra pas avoir lieu comme prévu le 29 juin. Le P. Sun, qui semble-t-il est en bonne santé, est toujours retenu dans une résidence de la police à Shijiazhuang, où il est l’objet d’une surveillance constante.

Il semble que le gouvernement voulait imposer à la cérémonie d’ordination la présence de Mgr Joseph Guo Jincai, l’évêque du diocèse de Chengde ordonné sans mandat pontifical en novembre dernier (2). Les prêtres de Handan avaient fait savoir qu’ils trouvaient cette présence inopportune et avaient insisté pour que la bulle papale portant la nomination comme évêque du P. Sun soit lue en chaire lors de la messe d’ordination. En réponse, la Conférence des évêques « officiels » n’a pas publié l’autorisation nécessaire à l’ordination du 29 juin qui se trouve, de fait, reportée sine die.

Parallèlement, la Conférence des évêques « officiels » a confirmé que l’ordination du futur évêque du diocèse de Leshan aurait bien lieu le 29 juin comme prévu (3). Les noms des évêques consécrateur et co-consécrateurs ont été publiés : il s’agit de Mgr Johan Fang Xingyao, président de l’Association patriotique des catholiques chinois, ainsi que de Mgr Peter Fang Jianping, évêque de Tangshan, et Mgr Paul He Zeqing, évêque de Wanzhou (Wanxian). Tous trois sont reconnus en tant qu’évêques par Rome mais tous trois sont également connus pour être sensibles aux pressions que les autorités n’ont pas dû manquer d’exercer sur eux afin qu’ils acceptent d’ordonner évêque le P. Paul Lei Shiyin.

Selon un prêtre du diocèse de Leshan, cité par l’agence Ucanews (4), « le P. Lei va devenir l’évêque légitime de Leshan au regard du gouvernement et des institutions chinoises. Nous espérons que le Saint-Siège approuvera son ordination. Quoi qu’il en soit, cette dernière se déroulera selon les usages et les conditions qui prévalent dans le pays ». Selon le P. Joseph Yang Yu, le récemment nommé porte-parole de la Conférence épiscopale et de l’Association patriotique, les structures de l’Eglise en Chine, après avoir « mené des recherches approfondies », ont estimé que « le P. Lei était ferme et pieux dans sa foi et jouissait d’une haute estime parmi ses prêtres et les fidèles », facteurs qui faisaient du P. Lei le candidat le plus à même d’assumer l’épiscopat pour Leshan.

Des sources ecclésiales très informées des réalités de l’Eglise en Chine avaient pourtant souligné que la candidature du P. Lei pour le siège de Leshan avait été rejetée par le Saint-Siège du fait d’« une raison objective et connue de tous ».

Pour Anthony Lam Sui-ki, chercheur au Centre d’études du Saint-Esprit à Hongkong, suit de près les affaires de l’Eglise de Chine ; selon lui, il est « tragique » que certains prêtres chinois refusent de se conformer à la discipline de l’Eglise et se prêtent ainsi aux manœuvres des autorités pour placer à la tête des sièges épiscopaux vacants des candidats qui leur conviennent.

Les 18 et 19 juin derniers, une réunion au sommet s’était tenue à Pékin. Wang Zuo’an, chef de l’Administration d’Etat des Affaires religieuses, s’était adressé à une réunion du Front uni à laquelle étaient présents les principaux responsables de l’Association patriotique et de la Conférence des évêques « officiels ». Il y avait alors tenu des propos très durs quant à la nécessité pour l’Eglise de Chine de nommer et d’ordonner elle-même ses évêques. Le 23 juin, l’agence de presse gouvernementale Xinhua citait le P. Yang Yu, porte-parole des structures « officielles » de l’Eglise, qui expliquait qu’en termes de pastorale et d’évangélisation, il était urgent que des évêques soit placés à la tête des 40 sièges épiscopaux actuellement vacants (sur un total de 97). Pour cela, les ordinations des évêques devaient être menées « sur la base des conditions nationales et des nécessités du travail pastoral et d’évangélisation ». Aucune mention de la nécessité d’un éventuel mandat pontifical n’avait été prononcée.