Eglises d'Asie

Henan : un évêque « clandestin » âgé de 90 ans a été installé comme évêque « officiel » pour le diocèse de Nanyang

Publié le 01/07/2011




 Le 30 juin dernier, Mgr Joseph Zhu Baoyu, âgé de 90 ans, a été installé en tant qu’évêque « officiel » du diocèse de Nanyang, dans la province du Henan. La particularité de cette installation tient au fait que, jusqu’ici évêque « clandestin », Mgr Zhu est devenu évêque « officiel » alors même qu’il avait présenté sa démission au pape, qui l’avait acceptée, pour raison d’âge l’an dernier…

 … et que sa décision de rejoindre la partie « officielle » de l’Eglise provoque des divisions au sein du clergé local.

Pour la messe d’installation de l’évêque, le 30 juin au matin dans la cathédrale Saint-Joseph à Nanyang, les fidèles étaient peu nombreux à s’être déplacés. Une cinquantaine d’entre eux seulement étaient présents, la cérémonie étant présidée par Mgr Yang Xiaoting, évêque « officiel » de Yan’an (dans le Shaanxi), et l’un des vice-présidents de la Conférence des évêques « officiels ». Une trentaine de prêtres du diocèse et des diocèses voisins étaient également présents.

Selon ses propres explications, Mgr Zhu a accepté d’être installé officiellement à la tête du diocèse dans le but de favoriser le retour à l’Eglise de propriétés confisquées durant la tourmente révolutionnaire, notamment lors de la Révolution culturelle (1966-1976). Un prêtre, qui soutient la démarche de l’évêque, précise que Mgr Zhu sera désormais en bien meilleure position pour négocier le retour de ces biens immobiliers dans le giron de l’Eglise, ce qui « bénéficiera aussi au travail d’évangélisation ».

Il semble toutefois que la décision de Mgr Zhu ne fasse pas l’unanimité au sein du clergé de Nanyang, un diocèse où la composante « clandestine » de l’Eglise est majoritaire. L’évêque coadjuteur « clandestin », Mgr Peter Jin Lugang, ainsi que la moitié des 21 prêtres du diocèse auraient exprimé leur opposition à cette démarche, qu’ils estiment manigancée par les autorités et sans aucune garantie de résultat quant au retour dans l’Eglise des biens immobiliers autrefois confisqués. De plus, les informations disponibles indiquent que le Saint-Siège n’a pas été informé de la décision de Mgr Zhu. Signe de ces tensions, le jour de l’installation, les autorités ont fait en sorte que seuls les prêtres favorables à Mgr Zhu soient présents dans la cathédrale, les autres ayant été tenus à distance. Le 30 juin, il a ainsi été interdit à Mgr Jin de quitter l’église paroissiale où il réside.

Né à Nanyang en 1921, Mgr Zhu a été ordonné prêtre en 1957, à un moment où la pression des autorités communistes pour fonder l’Association patriotique des catholiques chinois était maximale. Un an plus tard, il était arrêté et condamné à une peine de rééducation par le travail. Libéré en 1967, autorisé à retourner chez lui, le P. Zhu recommença dans la plus grande discrétion à administrer les sacrements, avant d’être à nouveau arrêté et condamné pour « crimes contre-révolutionnaires » en 1981, à une époque où, paradoxalement, les religions recommençaient à avoir droit de cité. Remis en liberté à la fin des années 1980, le P. Zhu avait repris un ministère pastoral, avant d’être ordonné dans la clandestinité évêque de Nanyang en 1995.

Selon certains observateurs, l’installation « officielle » de Mgr Zhu sur le siège de Nanyang évoque la situation du diocèse de Baoding, dans le Hebei. A Baoding, bastion des « clandestins », la décision prise fin 2009 par l’évêque coadjuteur « clandestin » du lieu, Mgr Francis An Shuxin, d’adhérer à l’Association patriotique locale avait suscité de vives polémiques, certains estimant que l’évêque posait là un geste emblématique, ouvrant à la voie à une réconciliation des parties « clandestines » et « officielles » de l’Eglise en Chine, d’autres estimant que l’évêque avait commis une erreur de jugement en se laissant manipuler par des autorités soucieuses de diviser l’Eglise pour mieux l’affaiblir (1).

Par ailleurs, l’ordination illicite – car menée sans l’accord du pape –, le 29 juin dernier, du P. Paul Lei Shiyin pour le siège épiscopal de Leshan (province du Sichuan) n’a pas, pour l’heure, suscité de réaction publique du Saint-Siège. On se souvient que, le 11 juin, Rome avait rappelé les sanctions encourues en cas d’ordinations illicites, à savoir l’excommunication pour l’ordinand et les évêques consécrateurs (2). Le 29 juin, devant un millier d’invités et de représentants des autorités, en l’église Notre-Dame du Rosaire à Emeishan, le P. Lei a reçu l’épiscopat des mains de Mgr Fang Xingyao, évêque de Linyi et président de l’Association patriotique, en présence de six autres évêques, tous « officiels » et reconnus par Rome (3). Dans le même temps, plus au nord, dans le Hebei, un important déploiement de forces de police empêchait tout attroupement autour de l’église où aurait avoir lieu l’ordination épiscopale du P. Joseph Sun Jigen. Elu pour devenir évêque coadjuteur « officiel » du diocèse de Handan, le P. Sun avait reçu le mandat pontifical mais continuait, tout comme ses prêtres et les fidèles, de refuser la présence à la messe d’ordination de Mgr Guo Jincai, évêque illégitime du diocèse de Chengde. Face à ce refus, les autorités ont annulé la cérémonie d’ordination et, depuis, maintiennent au secret le P. Sun (4). Sur le site Internet du diocèse, on a pu lire une note demandant le retour du prêtre et un appel au gouvernement l’invitant à ne pas s’ingérer dans la cérémonie d’ordination. Dans le pays, via Internet, des catholiques ont appelé au jeûne et à la prière, invoquant notamment Pierre et Paul, le 29 juin étant célébré dans l’Eglise comme la solennité des deux apôtres.