Eglises d'Asie

Le Premier ministre rencontrera le pape à Castel Gondolfo le 18 juillet et évoquera sans doute l’établissement de relations diplomatiques

Publié le 05/07/2011




Le 18 juillet prochain, dans le cadre d’un déplacement en Europe, le Premier ministre de la Fédération de Malaisie, Najib Razak, sera reçu en audience par Benoît XVI au palais apostolique de Castel Gondolfo, la résidence d’été du pape située au sud de Rome. La visite a été annoncée du côté malaisien comme une « visite privée » et a été confirmée au Saint-Siège, …

 … où le service de documentation de Radio Vatican a précisé que, si durant le mois de juillet le pape ne présidera pas les audiences générales du mercredi, une audience était inscrite à l’agenda pour le Premier ministre malaisien (1).

Selon le site Internet The Malaysian Insider du 4 juillet, une source proche du gouvernement indique que la visite est « privée » dans la mesure où le Saint-Siège et la Malaisie n’entretiennent pas de relations diplomatiques. Najib Razak sera toutefois accompagné du ministre des Affaires étrangères ainsi que de l’archevêque catholique de Kuala Lumpur, Mgr Murphy Pakiam. Selon cette même source, l’entretien entre le pape et le Premier ministre pourrait notamment porter sur l’établissement plein et entier de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la Malaisie. Pour l’heure, le Saint-Siège n’est représenté en Malaisie que par un « délégué apostolique », Mgr Leopoldo Girelli, qui réside à Singapour, et dont les visites en Malaisie, du fait de son titre, ne peuvent s’adresser qu’à l’Eglise locale. Si les deux Etats décidaient d’établir des relations diplomatiques pleines et entières, le Saint-Siège serait représenté auprès du gouvernement malaisien par un « nonce apostolique » (2).

Selon les commentateurs politiques locaux, en demandant à être reçu par le pape, le Premier ministre cherche à améliorer son image et celle de son parti, l’UMNO, mises à mal au sein de la communauté chrétienne par les polémiques récurrentes concernant l’usage du mot ‘Allah’ par les chrétiens dans leurs publications en langue malaise. On se souvient que la section en bahasa malaysia de l’hebdomadaire de l’archidiocèse catholique de Kuala Lumpur avait reçu une injonction judiciaire à cesser de paraître tant que le mot ‘Allah’ y serait utilisé pour dire ‘Dieu’ ; des polémiques semblables ont longuement bloqué l’importation dans le pays de bibles en malais imprimées en Indonésie (3). Le 31 décembre 2009, l’Eglise catholique a eu gain de cause devant la Haute Cour de Kuala Lumpur mais l’affaire doit encore être jugée en appel. Selon ces mêmes commentateurs, une photo du Premier ministre en compagnie du pape permettrait ainsi au pouvoir en place de faire valoir, auprès de la minorité chrétienne, de la situation apaisée des relations entre l’Etat et l’Eglise.

Par ailleurs, l’entourage du Premier ministre a fait savoir que Najib Razak tenait à rendre visite au pape pour mettre ses pas dans ceux de son prédécesseur et mentor, le Dr Mohamad Mahathir. En juin 2002, un peu plus d’un an avant de quitter le pouvoir, celui qui fut la figure politique majeure de ces dernières décennies avait en effet été reçu en audience par Jean-Paul II, devenant le premier chef de l’exécutif malaisien à être reçu en visite au Saint-Siège. A l’issue de la rencontre, Mahathir avait déclaré que les discussions entre lui et le pape avaient porté « principalement sur l’Asie du Sud-Est et la Malaisie et la façon dont la Malaisie progressait. Nous avons aussi parlé de la liberté religieuse en Malaisie et ils [le pape, le secrétaire d’Etat et le secrétaire pour les relations avec les Etats] ont semblé plutôt satisfaits de la situation en Malaisie » (4).

Politiquement, la position du Premier ministre Najib Razak est tout sauf assurée à l’approche des élections générales qui auront lieu au plus tard en 2013. Le 16 avril dernier, la coalition au pouvoir a réussi à conserver sa majorité des deux tiers à Sarawak, Etat de la partie orientale de la Malaisie, sur l’île de Bornéo, où les chrétiens, majoritairement protestants, sont fortement implantés, mais l’opposition a obtenu deux fois plus de sièges qu’en 2006. Dans la Malaisie actuelle, où un peu plus de moitié des 28 millions sont musulmans et cohabitent avec des minorités ethniques et religieuses fortes, les équilibres politiques sont en voie de refondation. Au mois de juin dernier, lors de son congrès, le PAS (Parti Islam Se-Malaysia), principal parti islamique, a mis sous le boisseau son ordre du jour fondamentaliste pour adopter une ligne plus ouverte, mettant en avant la nécessité de construire un « Etat social » et insistant sur sa volonté de combattre la corruption, le racisme et les abus de pouvoir. Si certains observateurs locaux voient là une opération de relations publiques du PAS, d’autres, issus notamment de la société civile et des communautés non musulmanes, espèrent que, grâce à cette nouvelle orientation, il sera possible de construire en Malaisie une alternative politique sérieuse au Front national (le Barisan National dominé par l’UMNO), aux affaires depuis 54 ans. Le souhait est que le PAS, en s’alliant avec le People’s Justice Party (Parti Keadilan Rakyat) et le Democratic Action Party (DAP, expression de la composante chinoise de la société), puisse former une coalition (5) qui s’engage à garantir les droits de tous les citoyens malaisiens, sans distinction de religion, d’ethnie ou de culture.

Entre 55 et 60 % des 28 millions de Malaisiens sont d’ethnie malaise et de religion musulmane. Les minorités ethniques (Chinois : 26 %, Indiens : 8 % et autochtones) comprennent des communautés religieuses minoritaires : adeptes de la religion chinoise traditionnelle (24 %), chrétiens (8 %, dont 900 000 catholiques), hindous (7 %), bouddhistes (6 %), sikhs (2 %), animistes et autres.