Eglises d'Asie

Après l’ordination de Leshan, les autorités préparent, pour le diocèse de Shantou, une nouvelle ordination illicite

Publié le 07/07/2011




Après l’ordination, le 29 juin dernier, de l’évêque de Leshan, ordination illicite qui a entraîné l’excommunication par le pape du nouvel évêque (1), les autorités chinoises préparent l’ordination de l’évêque de Shantou. La cérémonie doit avoir lieu le 14 juillet prochain. Là encore, le candidat à l’épiscopat n’a pas reçu de mandat du Saint-Père et se prépare donc à être ordonné de manière illicite, s’exposant ainsi à une peine d’excommunication.

L’ordination du futur évêque de Shantou, diocèse dynamique de la province du Guangdong, n’est pas une surprise : élu le 11 mai dernier à l’issue d’un scrutin entièrement verrouillé par les autorités, le P. Joseph Huang Bingzhang est le candidat du gouvernement depuis des années (2). Né en 1967, membre depuis 1998 de l’Assemblée nationale populaire, membre dirigeant de l’Association patriotique au Guangdong et au niveau national, il est connu pour être proche du pouvoir. Sa candidature pour le siège de Shantou a été refusée par le Saint-Siège, notamment du fait que le siège épiscopal de Shantou n’est pas vacant mais est pourvu depuis 2006, année où le pape a nommé le P. Zhuang Jianjian évêque du lieu. Ordonné secrètement, âgé de 81 ans, Mgr Zhuang n’est reconnu par les autorités que comme prêtre – et non comme évêque.

La date de l’ordination comme évêque du P. Huang Bingzhang ne constitue pas, elle aussi, une surprise. Ce type de cérémonie s’organise longtemps à l’avance mais la confirmation que cette ordination aura bien lieu le 14 juillet intervient dans le contexte particulier créé par le communiqué publié à Rome le 4 juillet. Ce jour-là, la Salle de presse du Saint-Siège avait rendu publique une déclaration informant du fait que le Saint-Siège avait excommunié le P. Lei Shiyin, ordonné illicitement – car sans le nécessaire mandat pontifical – évêque du diocèse de Leshan le 29 juin. Quant aux sept évêques – qui tous étaient reconnus comme tels par Rome – ayant pris part à la cérémonie, il était précisé qu’ils s’étaient exposés d’eux-mêmes aux « graves sanctions canoniques » prévues par le droit de l’Eglise en pareille circonstance (3).

Selon un prêtre catholique basé hors de Chine et très au fait des réalités de l’Eglise de Chine, la déclaration romaine du 4 juillet a adressé « un message clair » aux prêtres pressentis pour l’épiscopat en Chine ainsi qu’aux évêques amenés à ordonner à l’épiscopat ces prêtres. Accepter ou conférer l’épiscopat sans mandat pontifical entraîne une peine d’excommunication qui ne peut être levée que par le Saint-Père en personne après un examen attentif des motifs et des circonstances qui ont amené ces prêtres et ces évêques à accepter ou à conférer l’épiscopat.

Un expert en droit canon cité par l’agence Ucanews (4) ajoute que l’explicitation publique par le Saint-Siège des peines encourues en cas d’ordination sans mandat pontifical était nécessaire, sauf à considérer que l’Eglise qui est en Chine ne fait pas partie de l’Eglise universelle mais qu’au nom du respect de soi-disant « caractéristiques chinoises » l’Eglise de Chine est une Eglise établie et contrôlée par le gouvernement chinois. Désormais, chacun sait « qui tire les ficelles » et peut constater que les évêques, pris à titre individuel ou collectivement au sein de la Conférence des évêques « officiels », ne sont pas libres d’agir dans des domaines qui ne relèvent pourtant que de la stricte sphère religieuse, explique cet expert. Dans la Chine d’aujourd’hui, soumettre les prêtres et les évêques à des pressions considérables pour qu’ils se plient à la volonté du pouvoir n’est pas acceptable, souligne-t-il encore.

Depuis Hongkong, Kwun Ping-hung, observateur de longue date des réalités ecclésiales chinoises, estime qu’avec les événements de ces derniers jours, les parties en présence sont au pied du mur. Chacun, que ce soit le Saint-Siège ou Pékin, campe sur ses positions, l’Eglise réaffirmant la nécessité pour le pape de nommer les évêques et les autorités chinoises réaffirmant que l’Eglise de Chine doit être dirigée de manière autonome. On peut donc s’attendre à une aggravation des tensions, conclut-il.

Au sein de la communauté des fidèles, l’ordination de Leshan et l’excommunication qui a suivi font l’objet de très nombreux commentaires. Les forums sur Internet indiquent que, très largement, les catholiques chinois apprécient que le Saint-Siège ait choisi la voie de la clarté et de la fermeté face aux membres du clergé qui se compromettent avec les autorités. Selon des témoignages recueillis sur place, les évêques qui ont pris part à l’ordination illicite du 29 juin ont été fraîchement accueillis par leurs prêtres, une fois de retour dans leurs diocèses respectifs.