Eglises d'Asie

Alors que le Saint-Siège vient d’annoncer l’excommunication de l’évêque illégitime de Shantou, ordonné sans mandat pontifical, Pékin prépare une nouvelle ordination illicite

Publié le 18/07/2011




La réponse du Saint-Siège à l’ordination épiscopale illicite – menée sans mandat pontifical – du 14 juillet dernier pour le diocèse de Shantou (1), dans le Guangdong, n’aura pas traîné : dès le 16 juillet, Rome a fait savoir par un communiqué que le P. Joseph Huang Bingzhang était excommunié. Même si le mot « excommunication » ne se trouve dans le texte du Vatican, la sanction est bien celle prévue « par le canon 1382 du Code de droit canonique » (2).

De leur côté, les autorités chinoises ont fait savoir que les ordinations épiscopales se poursuivraient en Chine comme prévu. Après les trois ordinations illicites de ces derniers mois, un nouvel évêque illégitime devrait être ordonné dans les jours prochains, pour le diocèse de Harbin cette fois-ci, dans le nord-est du pays.

La sanction annoncée le 16 juillet à l’encontre du P. Huang est la seconde excommunication latae sententiae que Rome rend ainsi publique contre un évêque chinois ordonné de manière illicite. Le 4 juillet, une même excommunication avait été prononcée contre le P. Lei Shiyin, ordonné sans mandat pontifical évêque de Leshan le 29 juin 2011 (3). Pour les deux prêtres, les effets de cette sanction sont identiques : non-reconnaissance par le Saint-Siège de leur qualité d’évêque et absence d’autorité pour « gouverner la communauté catholique diocésaine ». Dans le cas du P. Huang, il est précisé que Rome ne pouvait approuver sa candidature, le diocèse de Shantou étant déjà pourvu d’un évêque légitime (en la personne de Mgr Pierre Zhuang Jianjian, nommé en 2006 et aujourd’hui âgé de 81 ans). Il est aussi signifié que le P. Huang avait été invité « à plusieurs reprises » à ne pas accepter son ordination épiscopale.

Concernant les évêques qui ont ordonné le P. Huang ou qui ont pris part à la cérémonie du 14 juillet, le communiqué du 16 juillet précise que « certains des évêques contactés par les autorités civiles » pour l’ordination ont « exprimé leur volonté de ne pas [y] participer, adoptant également des formes de résistance ». Pour Rome, cette résistance est « méritoire aux yeux de Dieu et appréciée par l’Eglise entière ». Il est donc sous-entendu que ces évêques parmi les huit qui ont pris part à la cérémonie du 14 juillet ne seront pas sanctionnés une fois que Rome aura été dûment et précisément informé par les intéressés eux-mêmes des résistances qu’ils auront tenté d’opposer à Pékin.

On peut aussi noter qu’au regard du communiqué du 4 juillet, celui du 16 juillet désigne « les autorités civiles » comme étant les instigatrices des manœuvres et pressions qui ont abouti à cette ordination du 14 juillet. Le texte du Saint-Siège poursuit d’ailleurs en « réaffirmant » le droit des catholiques chinois « de pouvoir agir librement, en suivant leur propre conscience et en demeurant fidèles au successeur de Pierre et en communion avec l’Eglise universelle ». Il se conclut par le fait que, si le pape souhaite que « les difficultés actuelles puissent être surmontées au plus vite », il « déplore une fois encore la façon dont est traitée l’Eglise en Chine ».

Selon les dernières informations disponibles, il semble que les autorités chinoises préparent à nouveau une autre ordination illicite. Après Chengde en novembre 2010, Leshan le 29 juin 2011 et Shantou ce 14 juillet, ce serait au tour du diocèse de Harbin – dont le territoire officiel couvre toute la province du Heilongjiang – de se voir doté d’un évêque « officiel » dépourvu de mandat pontifical (dans cette province, il existe un évêque non officiel, Mgr Wei Jingyi, en charge du diocèse de Qiqihar, figure connue de la communauté « clandestine » pour ses efforts de réconciliation avec les « officiels »). Agé de 47 ans, le P. Joseph Yue Fusheng est « administrateur » du diocèse depuis plusieurs années. Suffisamment proche du pouvoir pour avoir été désigné pour être l’un des vice-présidents de l’Association patriotique des catholiques chinois en décembre dernier à Pékin, il a été récemment élu évêque de Harbin au cours d’une de ces élections dont les résultats sont connus d’avance des autorités. Rome lui a déjà fait savoir que sa candidature à l’épiscopat n’était pas approuvée par le pape.

Selon différents observateurs, cette nouvelle ordination illicite sera l’occasion de voir jusqu’où les autorités chinoises sont prêtes à aller pour contraindre des évêques à la fois reconnus par Rome et par Pékin à participer à une telle cérémonie. Déjà, l’ordination du 14 juillet a donné lieu à des scènes rocambolesques où l’on a pu voir la police aller chercher manu militari des évêques partis se cacher pour échapper aux autorités.

Pour l’ordination de Harbin, Pékin cherchera très certainement à enrôler l’évêque « officiel » – et reconnu par Rome – de Shenyang, Mgr Paul Pei Junmin. Agé de 43 ans, cet évêque, qui est le métropolitain des trois provinces du Nord-Est, dont fait partie celle du Heilongjiang, a lui aussi été élu en décembre dernier pour être l’un des vice-présidents de l’Association patriotique, devra faire preuve d’une détermination forte pour ne pas être contraint de se rendre à Harbin pour la cérémonie d’ordination. Il sera sans doute aidé en cela par ses prêtres, lesquels s’étaient déjà mobilisés avec succès pour faire bloc autour de sa personne afin qu’il n’aille pas à Shantou le 14 juillet. Ce type de réaction est encourageant, font valoir des observateurs à Hongkong, car, dans le contexte tendu de ces derniers mois, chaque catholique de Chine est amené à se positionner et on peut constater que, souvent, les fidèles comme les prêtres osent désormais affirmer qu’ils ne veulent pas entretenir de rapports avec les évêques qui sont ordonnés en-dehors de la communion avec l’Eglise universelle.

Cependant, le blog « Catholiques en Chine » (4) que Fides, l’agence d’information de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, a mis en ligne en anglais et en chinois afin d’offrir à l’internaute chinois un espace d’information et de dialogue, a été bloqué dès le premier jour de sa mise en ligne en Chine continentale.