Eglises d'Asie

Les chrétiens restent prudents quant à la reprise du dialogue entre Aung San Suu Kyi et le gouvernement

Publié le 18/08/2011




 Interrogés sur la reprise du dialogue entre l’opposante Aung San Suu Kyi et le gouvernement en place, différents responsables chrétiens répondent qu’il est trop tôt pour se prononcer et préfèrent se cantonner à un attentisme prudent.

 A en juger par les discours tenus en public, la « réconciliation nationale » est l’objectif recherché par toutes les parties en présence. Le 13 novembre dernier, devant la foule considérable qui l’attendait devant le quartier général de la LND (Ligue nationale pour la démocratie), officiellement dissoute, Aung San Suu Kyi, tout juste libérée de sept années de résidence surveillée, avait appelé les Birmans à œuvrer pour le bien de leur pays. « Ne soyons pas déçus par la situation présente du Myanmar mais aujourd’hui marchons ensemble sur le chemin qui nous mènera à la démocratie », avait-elle déclaré. Plus récemment, le 12 août, à l’issue de leur deuxième entrevue, le ministre du Travail U Aung Kyi et l’opposante ont publié un communiqué évoquant une « coopération constructive » entre les deux parties, le gouvernement appelant Aung San Suu Kyi à se joindre aux efforts visant à la « réconciliation nationale » dans le pays.

Le contexte politique actuel demeure toutefois très incertain. Depuis les élections décriées de novembre dernier, la junte du généralissime Than Shwe s’est autodissoute et a passé la main, fin mars, à un gouvernement présenté comme « civil » mais entièrement contrôlé par les militaires. La libération de la lauréate du prix Nobel de la paix a toutefois ouvert la voie à une reprise du dialogue entre le gouvernement et l’opposition même si la marge de manœuvre de cette dernière semble étroite. Le 12 août, le ministre de l’Information Kyaw Hsan a enjoint l’opposante d’enregistrer officiellement la LND comme parti politique – ce qui reviendrait à reconnaître la légitimité du gouvernement. Aung San Suu Kyi n’a pas donné suite à cette demande, se contentant d’élargir l’espace de liberté qui lui était alloué.

Ainsi, le 14 août, Aung San Suu Kyi a quitté Rangoun pour la première fois depuis sa remise en liberté afin d’effectuer un déplacement qualifié par ses proches de « politique ». Malgré les mises en garde du régime quant à sa sécurité (1), l’opposante, accompagnée par des journalistes, des diplomates et des membres de son parti, s’est rendu à Bago (ex-Pegu), à 80km au nord-est de Rangoun, où plusieurs milliers de ses partisans l’ont accueillie dans une pagode. L’opposante a ensuite inauguré deux bibliothèques et rencontré une organisation de jeunes. Que ce soit par le biais d’une lettre ouverte au président, publiée à la mi-juillet, ou d’un communiqué daté du 11 août, Aung San Suu Kyi met l’accent sur l’unité nationale. Dans sa lettre, elle a offert son aide au chef de l’exécutif pour parvenir à un cessez-le-feu entre l’armée et les groupes ethniques qui ont récemment repris les armes (les Kachin et les Karen). Dans le communiqué du 11 août, elle a appelé la Birmanie et ses partenaires chinois à réexaminer le projet de barrage actuellement en construction dans l’Etat Kachin afin d’éviter « des conséquences qui pourraient mettre en danger des vies et des habitations » (2).

Dans ce contexte éminemment incertain, les responsables chrétiens restent prudents. Interrogé par l’agence Ucanews (3), un pasteur protestant confie sous le sceau de l’anonymat : « Il est urgent d’attendre et de voir ce qui va se passer. Le gouvernement ‘civil’ peut simplement chercher à s’attirer les bonnes grâces de l’opinion internationale, en vue d’obtenir la levée des sanctions internationales et dans la perspective de 2014, lorsque la Birmanie assumera la présidence de l’ASEAN (Association des Nations du Sud-Est asiatique). »

Un responsable catholique, qui requiert aussi l’anonymat, ne se montre pas plus disposé à se prononcer. Selon lui, les deux rencontres entre Aung San Suu Kyi et le ministre du Travail ainsi que le déplacement de l’opposante à Bagu sont seulement le signe des quelques changements introduits depuis la mise en place, en mars dernier, du gouvernement civil. La liberté d’expression s’est quelque peu améliorée, les autorités se montrent un peu plus réceptives aux avis émis par la population, mais les progrès s’arrêtent là. « Beaucoup doutent de la capacité du président (Thein Sein) à diriger le pays. Il y a bien quelques signaux positifs de changement mais les progrès sont trop lents », explique ce responsable qui s’interroge sur les desseins réels des autorités.