Eglises d'Asie – Pakistan
Annoncée comme criminelle, la mort d’un pèlerin lors du grand pèlerinage marial national serait en réalité accidentelle
Publié le 12/09/2011
Le P. Ashraf Gill supervise pour l’Eglise catholique la sécurité de ce qui est le principal évènement de masse des catholiques du Pakistan. Chaque année, depuis un peu plus de soixante ans, les catholiques prennent la route de Mariamabad, localité du diocèse de Faisalabad située à 80 km au sud-ouest de Lahore. Selon la tradition, les prières des pèlerins y sont particulièrement exaucées, notamment à l’occasion de la fête de la nativité de la Vierge, célébrée le 8 septembre. Cette année, le cœur du pèlerinage avait lieu lors des journées du 9, 10 et 11 septembre et une foule estimée à 1,5 million de personnes y a pris part. Aux catholiques se mêlent nombre de protestants ainsi que des non-chrétiens, comme des sikhs, des hindous et surtout des musulmans. L’usage veut que chacun gagne Mariamabad à pied, au moins pour les derniers kilomètres.
Selon le Pakistan Christian Post, dont les informations ont ensuite été repris par des médias à l’étranger, un chrétien âgé de 25 ans, Sunil Masih, a été kidnappé et tué par des musulmans sur la route qui l’emmenait vers Mariamabad. Le jeune homme aurait quitté un instant le groupe avec qui il cheminait et aurait été retrouvé quelque temps après mort, le corps portant des marques de blessures profondes. Le décès criminel aurait été maquillé en accident de la circulation, le corps de Sunil Masih ayant été écrasé par un camion.
A l’agence Ucanews (1), le P. Ashraf Gill a affirmé que ces informations étaient fausses. Si Sunil Masih a malheureusement bien trouvé la mort à l’occasion du pèlerinage de Mariamabad, les allégations selon lesquelles sa mort est criminelle et a fait l’objet d’un maquillage pour la faire passer pour accidentelle ne sont pas vraies. « Des accidents se produisent partout », a déploré le P. Gill, expliquant que lui-même comme les autorités locales attribuaient le décès de Sunil Masih a un accident de la route.
Les foules qui se pressent à Mariamabad sont considérables, a encore souligné le prêtre catholique, et la tradition qui veut que l’on se rende dans « la ville de Marie » à pied entraîne, bien malgré elle, des accidents mortels chaque année. « Un certain nombre de pèlerins recourent à des drogues tandis qu’ils cheminent à pied ou en vélo, précise encore le P. Ashraf Gill. Nous demandons aux pèlerins de s’en tenir à la récitation du rosaire et d’éviter de se faire remarquer sur le bord des routes. » Il ajoute encore que le pèlerinage est propice à la propagation de rumeurs. Ainsi, cette année, le bruit, infondé, a couru que six jeunes catholiques de Rawalpindi avaient disparu sur la route les menant à Mariamabad.
Une fois sur place, dans le village de tentes qui se dresse autour du sanctuaire marial, l’Eglise catholique veille à faire respecter au mieux l’ordre et la sécurité. Des lots de marijuana ont ainsi été confisqués aux portes d’entrée du site. Il semble en effet que l’usage de stupéfiants soit assez répandu et, cette année, des équipes formées de catéchistes, de jeunes et de femmes ont été spécialement missionnées afin de repérer les comportements suspects. Selon le Rév. Javed Masih, pasteur pentecôtiste, « les deux tiers des pèlerins fument de la marijuana ou consomment de l’alcool frelaté. Chaque matin, nous commençons par visiter les tentes des adolescents afin de les sensibiliser aux méfaits de la drogue et de l’alcool ».
En prévention du risque d’attentat – un tel rassemblement chrétien fréquenté par des musulmans étant une cible facile pour les islamistes –, la sécurité a également été renforcée d’un point de vue policier. L’introduction sur le site d’armes à feu ou simplement de l’équivalent local de cocotte-minute (qui pourrait servir à dissimuler une bombe) avait été interdite. Des portiques détecteurs de métaux avaient été placés aux points d’entrée – bien que des témoins rapportent avoir vu ces matériels ne pas être en état de marche. Les coupures de courant étaient fréquentes.
Malgré la mort tragique de Sunil Masih et un climat sécuritaire plus pesant qu’à l’accoutumée, l’affluence au pèlerinage a toutefois été, une fois encore, très forte. Le nonce apostolique au Pakistan, le vénézuélien Edgar Pena Parra, a présidé la procession inaugurale, le 9 septembre, en présence de quatre évêques du Pakistan. Plus tard, des pèlerins ont témoigné devant la foule de la manière dont ils avaient vu leurs prières exaucées à Mariamabad.