Eglises d'Asie

L’évêque de Trincomalee-Batticaloa s’impatiente face au maintien en détention de milliers d’anciens combattants

Publié le 14/09/2011




Le 13 septembre, Mgr Kingsley Swampillai, évêque de Trincomalee-Batticaloa, diocèse catholique situé sur la côte est du Sri Lanka, a reçu une délégation de parents d’anciens combattants suspectés d’avoir appartenu au LTTE (Tigres de libération de l’Eelam tamoul), la rébellion tamoule défaite en mai 2009. L’évêque a reçu de leurs mains une pétition adressée au président du pays, Mahinda Rajapaksa, demandant que les milliers de personnes emprisonnées ou retenues dans des camps de « réhabilitation » soient fixés sur leur sort…

… Mgr Kingsley Swampillai a assuré ses hôtes de son soutien à leur cause et il a appelé le gouvernement à trouver sans délai une solution à cette question. Soit vous leur rendez la liberté car ils n’ont rien fait, soit vous les mettez en examen pour avoir commis des crimes sous les couleurs du LTTE, a déclaré en substance l’évêque catholique à l’attention des autorités. « Nous suggérons au gouvernement que, dans l’hypothèse où des preuves de culpabilité soient réunies à l’encontre de ces anciens combattants, des procédures judiciaires soient engagées sans délai », a précisé Mgr Swampillai, ajoutant que l’indécision dans laquelle étaient maintenus ces hommes était notamment préjudiciable à leurs foyers, leurs épouses et leurs enfants restant démunis en l’absence du chef de famille.

Depuis la défaite militaire de la rébellion tamoule, le sort des populations civiles déplacées par les combats s’est peu à peu amélioré, même si de très nombreux Tamouls vivent encore, notamment dans la province du Nord, dans des conditions très précaires. Quant aux plusieurs milliers d’hommes retenus prisonniers – les estimations varient de 3 000 à 5 000 détenus –, très peu d’informations sont disponibles. Le gouvernement met en scène des séjours très médiatisés d’« ex-rebelles réhabilités » dans la partie sud du pays, mais aucun contact non-officiel avec ces hommes n’est possible.

Le 7 septembre dernier, Amnesty International a publié un rapport critiquant vertement les manquements et la faiblesse du travail accompli par la Lessons Learnt and Reconciliation Commission (LLRC), mise en place après la défaite des Tigres. « Depuis près de deux ans, le gouvernement sri-lankais se sert de la LLRC pour empêcher l’ouverture d’une enquête internationale indépendante (1), a déclaré le directeur d’Amnesty International pour l’Asie-Pacifique. Les autorités la décrivent comme un mécanisme fiable pour établir les responsabilités, rendre la justice et promouvoir la réconciliation. En réalité, ce mécanisme est totalement bancal tant au plan de son mandat et de sa composition que de son fonctionnement » (2).

Dans la capitale Colombo, des voix se font entendre pour dénoncer la vision nationaliste cinghalaise qui est celle de l’équipe actuellement au pouvoir. Ainsi, le 3 septembre, à l’occasion du 40ème anniversaire du Centre pour la société et la religion, un institut animé par la congrégation des Oblats de Marie immaculée, Mgr Norbert Andradi, secrétaire de la Conférence des évêques catholiques du Sri Lanka, n’a pas hésité à affirmer que la paix et le respect des droits des minorités étaient illusoires près de deux ans après la fin d’une guerre civile longue de près de trente ans. « Les droits des minorités ne sont pas respectés par la majorité. Au sein de celle-ci, la plupart n’accepte pas l’idée d’un pays plurilingue (anglais, cinghalais, tamoul), plurireligieux (bouddhiste, hindou, musulman et chrétien) et multiculturel (cinghalais, tamoul et musulman )(3) », a-t-il déclaré, ajoutant qu’aucune paix durable ne pourrait être trouvée tant que le passé ne serait pas apuré. « Nous devons faire face à notre passé et à nos blessures. Nous pouvons apprendre des erreurs passées. Toutefois, on ne peut que constater que l’ouverture au débat d’idées et à l’expression d’opinions divergentes va en diminuant », a-t-il encore ajouté, appelant à « remettre en question la relation qui unit politiciens et forces de sécurité ».

Quelques semaines auparavant, le cardinal Malcolm Ranjith, archevêque de Colombo et principale figure de l’Eglise catholique au Sri Lanka, avait appelé à une paix durable au sanctuaire marial de Madhu, situé non loin de Mannar. Pour le 15 août, fête de l’Assomption de la Vierge, le sanctuaire de Madhu (qui est considéré comme un symbole de l’unité des Sri-Lankais car il est fréquenté par des hommes et des femmes appartenant aux différentes religions présentes dans l’île) accueillait plus de 200 000 pèlerins.

Dans son homélie, Mgr Malcolm Ranjith demandait que les droits des Tamouls et des musulmans soient protégés. « Nous devons nous défaire de cette idée tenace que la minorité est une menace pour la majorité », a expliqué le cardinal, cinghalais d’origine. « Même après trente années de guerre, nous continuons de raisonner avec une pensée cloisonnée, faites de séparations liées à l’appartenance religieuse, ethnique, de caste ou de croyance. Les armes se sont tues, la guerre est finie mais nous avons aujourd’hui à mener une guerre contre notre propre égoïsme communautaire. C’est là un combat bien plus difficile à gagner que la guerre menée avec des bombes et des fusils. Nous devons nous unir pour résoudre la question du séparatisme », a-t-il poursuivi, sans éluder la nécessité pour le Sri Lanka de se tourner vers la communauté internationale afin de faire la lumière sur les atteintes aux droits de l’homme commises durant les années de guerre. « Si nous rejetons tout (ce qui vient de l’extérieur), nous, qui formons un petit pays, serons complètement isolés. Nous n’avons pas à craindre les pressions internationales visant la recherche de la vérité », a-t-il conclu.