Eglises d'Asie

POUR APPROFONDIR – Nouvel accroc aux relations sino-vaticanes

Publié le 03/11/2011




Les ordinations illicites – car menées sans l’accord de Rome – ces derniers mois en Chine populaire n’en finissent pas de créer des remous au sein de la communauté catholique chinoise. Le 9 septembre 2011, l’agence Ucanews a mis en ligne le texte ci-dessous, rédigé par un prêtre « du nord de la Chine » qui a souhaité rester anonyme. La traduction est de la rédaction d’Eglises d’Asie.

Un article a été récemment publié sur « L’Eglise catholique en Chine », le site Internet nouvellement mis en ligne de l’Association patriotique des catholiques chinois (APCC) et de la Conférence des évêques catholiques de Chine (CECC), à propos de l’envoi par ces deux organismes officiels et non reconnus par Rome d’une délégation de 21 religieuses à Hongkong le 29 août dernier aux fins d’échanges et de formation.

Ce voyage a été organisé « à l’invitation de l’Institut catholique pour la religion et la société (CIRS) du diocèse de Hongkong ». Avant que les religieuses ne partent, certains des plus hauts responsables de l’Association patriotique et de la Conférence épiscopale les ont rencontrées pour une discussion chaleureuse, selon les termes du compte-rendu du 30 août. (NLDR : D’après l’annuaire catholique 2011 du diocèse de Hongkong, le CIRS est une organisation indépendante du diocèse de Hongkong.) Sur le même site, on peut aussi lire que le P. Luke Tsui Kam-Yiu du diocèse de Hongkong a emmené, le 9 août, une délégation de 16 membres du CIRS visiter les bureaux de l’Association patriotique et de la Conférence épiscopale à Pékin.

Alors que le cardinal Zen Ze-Kiun avait manifesté dans les rues à la tête d’un groupe de catholiques hongkongais pour demander à Pékin la liberté religieuse en Chine, le P. Tsui, quant à lui, emmène un groupe de catholiques visiter les lieux mêmes où les ordinations épiscopales illicites ont été décidées et organisées !

L’Eglise de Hongkong me laisse décidément perplexe. Le Vatican a prononcé l’excommunication des PP. Paul Lei Shiyin, de Leshan, et Joseph Huang Bingzhang, de Shantou, qui ont reçu la consécration épiscopale sans mandat du pape respectivement le 29 juin et le 14 juillet 2011. Les conséquences de ces deux ordinations ne vont sans doute pas affecter la terre entière, mais au sein de l’Eglise universelle, ce devrait être une préoccupation pour tous les évêques, prêtres et fidèles qui sont en lien avec l’Eglise de Chine !

Le Saint-Siège a émis le souhait que tous les évêques impliqués dans ces ordinations se repentent publiquement devant leurs prêtres et leurs fidèles. Or, le diocèse de Pékin, sous la conduite de Mgr Joseph Li Shan, reconnu par Rome, semble agir à l’inverse de ce qui est attendu de lui. Après être revenu de l’ordination de Leshan, l’évêque s’est consacré à ses activités diocésaines en bénissant notamment une grotte dédiée à Marie dans deux paroisses.

Selon le journal du diocèse de Pékin, un groupe d’évêques arrivés à Pékin après un voyage d’études à Harbin a concélébré une messe à la cathédrale de l’Immaculée Conception le 23 août. La célébration était présidée par Mgr Li et une dizaine d’« évêques » ont concélébré. Parmi eux figuraient Johan Fang Xingyao, Joseph Ma Yinglin, Vincent Zhan Silu, Joseph Guo Jincai, Joseph Huang Bingzhang et Paul Lei Shiyin. Tous ces ecclésiastiques, hormis Mgr Fang qui était le principal célébrant des ordinations de Leshan et Shantou, ont été illicitement ordonnés.

La plupart des catholiques estiment que cette célébration du 23 août est une provocation à l’égard du Vatican. Or, au même moment, un groupe de religieuses arrivent à Hongkong sous la bannière de l’Association patriotique et de la Conférence épiscopale pour une visite d’études et d’échanges !

Je ne peux m’empêcher de me souvenir qu’après l’ordination illicite de Chengde et la Huitième Assemblée nationale des représentants catholiques, le vice-président de la l’Association patriotique, Liu Yuanlong, se rendit en visite à Taiwan en janvier dernier accompagné d’une délégation de représentants des différentes religions reconnues en Chine populaire. Il délivra une invitation au cardinal Paul Shan Kuo-hsi, né sur le continent, à visiter son pays natal. C’était la seconde invitation que ce dernier recevait, Wang Zuo’an, le directeur de l’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses, lui en ayant déjà remis une pareille invitation en septembre 2010.

Pourtant, quand le voyage du cardinal Shan se précisait, en juin dernier, il a été la seule personnalité religieuse de Taiwan à ne pas obtenir de visa pour Pékin et il dut finalement annuler son voyage. Il y a là une énigme dont la logique nous échappe !

Je fais référence à cet épisode dans la mesure où, dans le contexte créé par l’ordination illicite de Chengde et la tenue de la Huitième Assemblée nationale des représentants catholiques, l’Eglise de Taiwan a pris sur elle de jouer le rôle d’intermédiaire entre Pékin et le Saint-Siège, de « bâtisseur de ponts » entre les deux parties, afin de « briser la glace ».

Ainsi, dans l’impasse que connaissent à nouveau les relations sino-vaticanes après les ordinations de Leshan et de Shantou, le CIRS joue le rôle d’intermédiaire. Toutefois il ne me semble pas que ce soit cette fois pour briser la glace mais bien plutôt pour œuvrer en faveur des ordinations illicites !

La majorité des catholiques chinois se relèvent difficilement et dans le silence de la blessure qui a été portée à leur cœur de croyants par les événements de ces derniers mois. Ils attendent que leurs pasteurs se repentent publiquement au nom de leur Foi. Ils endurent la souffrance que leur ont infligée les mascarades mises en scène par l’Association patriotique et la Conférence épiscopale.

D’un autre côté, certains évêques qui ont participé aux ordinations illicites continuent « leur mascarade » et ne manifestent pas clairement leur repentir. Quant aux religieuses qui servent de faire-valoir, elles ont commencé leur visite avec un cœur « reconnaissant » !

Comme prêtre en Chine, je ne peux m’empêcher de poser la question : qui tient encore fermement à la Foi ? Qui dit non aux ordinations illicites ?