Eglises d'Asie

ONG et mouvements chrétiens accentuent leur pression pour que soit mise en place une commission d’enquête de l’ONU sur les crimes de guerre en Birmanie

Publié le 16/09/2011




Dans un communiqué envoyé à l’agence Fides et daté du 13 septembre, différentes ONG, dont l’International Bar Association’s Human Rights Institute (IBAHRI), le Burma Lawyers’ Council, Christian Solidarity Worldwide, ont demandé la création urgente d’« une commission d’enquête transparente, impartiale et indépendante » par les Nations Unies pour enquêter sur les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis en Birmanie…

… Parmi les signataires se trouvent des membres du groupe de travail « Droits de l’homme » (COHOM ) du Conseil européen, qui doit statuer incessamment sur le sujet, avec les avis d’experts tels Tomas Ojea Quintana, rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme en Birmanie, ainsi que des représentants de la FIDH (Fédération internationale des droits de l’homme) ou encore d’Human Rights Watch.

Amnesty International pour sa part, a fustigé l’Union européenne pour son « attentisme », regrettant que seuls douze Etats (dont la France) aient accepté d’apporter leur soutien actif à cette demande d’une enquête diligentée par l’ONU.

Les faits sont connus et les accusations réitérées depuis de longues années : meurtres, tortures, enlèvements, viols, recrutements d’enfants soldats, travaux forcés, déplacements de population, emprisonnements arbitraires. Des exactions qui, selon des sources locales non officielles, continuent d’être perpétrées, en particulier à l’encontre des minorités ethniques et religieuses.

Le 13 septembre dernier, le département d’Etat américain, dans son rapport annuel sur la liberté religieuse dans le monde, a de nouveau placé la Birmanie sur la liste des pays dont la « situation est particulièrement préoccupante ». Quelques mois auparavant, le pays avait déjà été classé parmi les trois pays les plus touchés par le trafic d’êtres humains et l’esclavage.

Le gouvernement birman multiplie pourtant ces derniers temps les démonstrations de bonne volonté destinées à montrer à la communauté internationale que le « processus de démocratisation » du nouveau régime « civil » mis en place en mars dernier à l’issue d’élections qualifiées de mascarade par les observateurs étrangers, est en marche. Aux remontrances des Nations Unies et à sa demande d’enquête sur les « crimes de guerre et crimes contre l’humanité », le président Thein Sein oppose le fait qu’il vient tout juste d’instituer deux nouvelles commissions, l’une consacrée aux droits de l’homme et l’autre aux minorités ethniques.

Selon une source de l’agence Fides, la population ne nourrit guère d’espoir au sujet de ces deux nouvelles commissions dont les membres sont connus pour être des proches du régime. Le quotidien d’Etat New Light of Myanmar a indiqué que cet organe serait composé de quinze anciens ambassadeurs et responsables gouvernementaux.

Le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a averti officiellement la Birmanie le 8 septembre dernier que les réformes initiées récemment (dont la création de la commission nationale des droits de l’homme) étaient des signes encourageants mais ne pouvaient faire oublier le fait que plus de 2 000 prisonniers politiques étaient toujours sous les verrous, ce qui ne pouvait qu’ébranler la confiance de la communauté internationale (1).

La création de ces deux commissions, largement médiatisées par le gouvernement birman, est intervenue peu de temps après la visite du 21 au 25 août dernier de Tomas Ojea Quintana, rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme en Birmanie. Bien qu’il ait été autorisé à pénétrer sur le territoire birman après plus d’un an de refus d’obtention de visa (2) et ait pu rencontrer la chef de file et symbole de l’opposition Aung San Suu Kyi (3), le rapporteur spécial des Nations Unies avait néanmoins réitéré que persistaient dans le pays de « sérieux problèmes de droits de l’homme ».

Concernées au premier chef par les violations des droits de l’homme actuellement stigmatisées par la communauté internationale, les communautés chrétiennes de Birmanie évitent cependant avec prudence de prendre part aux débats. Si les responsables des Eglises n’ont pas hésité à certains moments cruciaux – comme ce fut le cas à la veille de la désignation du président par le Parlement en janvier dernier – à rappeler les discriminations que subissent les chrétiens, notamment ceux appartenant à des minorités ethniques, seuls quelques catholiques, sous couvert de l’anonymat, prennent le risque de s’exprimer sur la demande de commission d’enquête, ou encore la « réconciliation nationale » symbolisée par la reprise officielle du dialogue entre Aung San Suu Kyi et le gouvernement. « Le gouvernement nous berce de belles paroles mais, dans les faits, la répression continue », confie un prêtre, qui ne souhaite pas être cité.

Les dissidents en exil quant à eux, ne cachent pas leur scepticisme, déclarant qu’il ne s’agit que de manœuvres politiques du gouvernement destinées à endormir la méfiance de la communauté internationale afin d’obtenir la levée des sanctions contre la Birmanie, de s’assurer la présidence de l’ASEAN (Association des Nations d’Asie du Sud-Est) en 2014, et surtout d’éviter la mise en place d’une commission d’enquête diligentée par l’ONU sur les crimes de guerre et crimes contre l’humanité.