Eglises d'Asie

Shanxi : les autorités interviennent dans le fonctionnement du grand séminaire régional et bloquent la reprise des cours

Publié le 16/09/2011




Début septembre, après les vacances d’été, les cours auraient dû reprendre au séminaire régional du Shanxi, le grand séminaire de Montecorvino, installé à Xiazhuang, dans le diocèse de Taiyuan. Les quelque 70 séminaristes qui s’y préparaient au sacerdoce ont toutefois reçu instruction de rester chez eux dans l’attente d’une hypothétique reprise des cours, la direction du séminaire faisant l’objet d’un bras de fer …

… entre les évêques qui ont la tutelle de l’établissement et les autorités locales, qui veulent maintenir en place un recteur démis de sa fonction par les évêques.

L’origine des difficultés que rencontre le séminaire de Montecorvino remonte à l’an dernier, lorsqu’en septembre 2010, le recteur alors en poste, le P. Peter Wu Junwei, apprécié de tous au sein de l’Eglise locale, avait été ordonné évêque du diocèse de Xinjiang (Yuncheng), dans le Shanxi. Pour le remplacer, les évêques de la province avaient nommé le P. Anthony Chang Tongxi, un prêtre du diocèse de Taiyuan dont l’ordination remontait à 1989. Rapidement toutefois, le P. Chang, aujourd’hui âgé de 45 ans, n’a pas donné satisfaction. Selon des sources ecclésiales locales, tant sa conduite personnelle que sa gestion des finances du séminaire ont laissé à désirer. Il lui a de plus été reproché de se montrer trop proche des autorités locales.

C’est ainsi que, le 18 juin dernier, à la faveur d’un conseil d’administration, Mgr John Huo Cheng, évêque de Fenyang et président du conseil d’administration du séminaire, a annoncé que le P. Chang était démis de ses fonctions, la décision étant à effet immédiat. Avec quelques jours d’avance, il était aussi mis fin aux classes et les séminaristes étaient mis en vacances d’office pour la durée de l’été. Trois évêques et deux administrateurs diocésains ont pris part à ce conseil d’administration.

Selon les informations disponibles, le Bureau des Affaires religieuses du Shanxi s’est alors saisi de l’affaire, affirmant que le conseil d’administration n’avait pas autorité à agir sans accord officiel et que ses décisions contrevenaient par conséquent aux règlements sur les affaires religieuses. Instruction a été donnée à Mgr Huo de revenir sur ses actes et d’annuler toutes les mesures prises concernant le séminaire. L’évêque refusant, semble-t-il, d’obtempérer, les autorités ont décrété que les cours ne reprendraient pas comme convenu en ce début du mois de septembre.

Pour sa part, le P. Chang dément toute intervention des autorités dans cette affaire. « Je suis un prêtre catholique. J’obéis aux évêques. J’attends toujours que le conseil d’administration trouve une solution à cette situation et prenne une décision », a-t-il déclaré le 15 septembre à l’agence Ucanews (1). « Si le conseil d’administration estimait que je ne faisais plus l’affaire, il aurait dû me le faire savoir à l’avance, mais cela n’a pas été le cas », a-t-il ajouté, précisant que les accusations et les rumeurs qui circulent à son sujet sont fausses. Cependant, il affirme qu’il ne faut pas voir ces événements comme « une lutte de pouvoir ».

Pour les séminaristes et leurs enseignants (le séminaire compte huit professeurs à temps plein et cinq à temps partiel) ainsi que pour les prêtres du Shanxi, la querelle qui se développe est « triste et dommageable ». Un ancien élève du séminaire, devenu prêtre, renvoie dos à dos les parties en présence. « Le P. Chang peut ne pas être très souple dans son management du séminaire ni très transparent en matière financière, mais la décision du conseil d’administration a sans doute été hâtive », estime-t-il, tout en déplorant l’intervention du gouvernement dans l’affaire, laquelle « ne fait que compliquer la situation ».

Selon un autre témoignage, le danger qui désormais menace le personnel enseignant est d’être entièrement renouvelé au cas où le P. Chang retrouverait son poste avec l’aide des autorités. « Ce sont les séminaristes qui souffriront le plus de tout ceci », précise cette source. De plus, les évêques de la région hésiteront désormais à envoyer leurs jeunes en formation à Taiyuan, alors que jusqu’ici le séminaire avait bonne réputation. Déjà, sans attendre une éventuelle réouverture du grand séminaire, des étudiants suivent des cours dans leurs diocèses respectifs.

Pour un des responsables de l’Eglise dans le Shanxi, le gouvernement se doit d’autoriser la réouverture du séminaire : « Le conseil d’administration a statué et a décidé que le recteur ne convenait pas. Ce sont les évêques qui détiennent l’autorité pour diriger et orienter le séminaire ainsi que la formation des futurs prêtres. Ce sont là des affaires qui ne regardent que l’Eglise. »

Le grand séminaire de Montecorvino a été fondé dans les années 1930 par Mgr Agapitus Fiurentini, franciscain italien, vicaire apostolique du Nord-Shanxi. C’est lui qui a consacré le territoire à Mgr Giovanni da Montecorvino (Jean de Montcorvin) (1247-1328), franciscain et premier archevêque ayant vécu en Chine. Après avoir été fermé pendant près de soixante ans, le grand séminaire, qui dépend du diocèse de Taiyuan, a rouvert ses portes en 1985, avant de déménager en 2000 dans les locaux qu’il occupe actuellement à Xiazhuang, un quartier de la ville de Taiyuan.