Eglises d'Asie

L’Eglise catholique et les ONG lancent un appel à la communauté internationale pour la réinstallation des déplacés dans leurs villages

Publié le 03/10/2011




Si le gouvernement sri-lankais, sous la pression internationale, vient d’annoncer très officiellement la fermeture prochaine des derniers camps de déplacés, les « Internally Displaced Persons » (IDPs) dénoncent le fait qu’il leur est refusé d’être réinstallés dans leurs villages d’origine.

Colombo, qui fait face depuis la fin de la guerre civile en mai 2009 (1) à de sévères critiques concernant sa gestion de la réhabilitation des réfugiés, a annoncé il y a quelques jours la construction d’un gigantesque « village » à Kombavil, dans le district de Mullaitivu, destiné à accueillir tous les civils tamouls déplacés qui vivent depuis plus de deux ans dans le grand camp de « Manik Farm ». L’annonce de la fermeture prochaine du camp a précédé de peu la nouvelle de cette réinstallation qui a été accueillie avec stupeur et incompréhension par les 2 000 familles qui attendaient de revenir dans leurs villages d’origine.

« Nous venons tous de différents villages de la région de Puthukudyiruppu où nous étions pêcheurs ou agriculteurs », ont expliqué auprès de l’agence AsiaNews le 28 septembre dernier, des déplacés de Manik Farm. « Dans ce village [de Kombavil], il n’y a aucune possibilité de pêcher ou de cultiver quoi que ce soit, c’est en pleine jungle. Il n’y a pas de moyens de gagner sa vie, pas d’infrastructures sanitaires ni même d’eau courante, pas d’école, pas de lieu de culte. Nos enfants devront aller dans un autre village pour aller à l’école et il n’y a aucun moyen de transport. » Une jeune veuve, Shantha, confirme qu’aucun déplacé n’envisage d’avoir « enduré toutes ces années de souffrances dans les camps » pour se retrouver déraciné de nouveau. « Mon mari est mort dans les bombardements en 2009, dit-elle. J’ai trois enfants en bas âge. Je veux retourner chez moi, dans ma maison, et reconstruire ma vie dans mon village, entourée de ceux que je connais. »

Mais ce qui inquiète encore davantage les quelque 8 000 IDPs du camp de Manik Farm est qu’une fois la « réinstallation » à Kombavil achevée, les ONG ne seront plus autorisées à les aider et que toute aide humanitaire sera supprimée. Dans les camps, rappellent les déplacés tamouls, « c’est grâce aux ONG que nous avons pu survivre. Le gouvernement n’envoyait que des portions de lentilles et de riz crus avec un peu d’huile de palme. Cela arrivait de façon irrégulière et sans eau pour cuire les rations ; nous ne pouvions rien en faire. Comment survivrons-nous avec ça ? ».

Dans les déclarations officielles qui ont suivi son annonce, le gouvernement a argué du fait que la région où vivaient les Tamouls aujourd’hui réfugiés à Manik Farm avait été le théâtre de la dernière et plus destructrice phase de la guerre civile, et qu’elle n’était pas encore totalement déminée ni « nettoyée » des cadavres restés prisonniers des décombres laissés par les bombardements. Cette région, toujours interdite d’accès aux civils et contrôlée par l’armée, est également celle que les Nations Unies demandent avec insistance à Colombo d’ouvrir aux experts internationaux mandatés pour enquêter sur d’éventuels « crimes de guerres et crimes contre l’humanité » qui auraient été commis tant par les Tigres tamouls que les forces armées sri-lankaises (2).

Dans le district tout proche de Mannar, qui fait également partie des zones dévastées par la guerre civile, ce sont plus de 300 familles qui ont été empêchées dernièrement de revenir dans leur village de Mullikkulam par l’armée sri-lankaise qui y a installé à la place un camp militaire. Les 4 500 habitants, majoritairement catholiques, de Mullikkulam avaient été forcés de fuir les combats en septembre 2007. Le P. Rasanayagam, l’un des prêtres du village, rapporte que la Sri Lanka Navy avait, dans les premiers temps, permis aux déplacés de venir en certaines occasions revoir leurs maisons et prier dans l’église. Mais, tout dernièrement, l’accès même au village leur a été refusé, Mullikkulam étant désormais devenu un centre stratégique de l’armée sri-lankaise.

Le 13 septembre dernier, afin de protester contre cette confiscation du village de Mullikkulam par les forces armées, près de 2 000 personnes ont effectué une marche silencieuse à Mannar. Comptant dans leurs rangs des militants des droits de l’homme, des responsables chrétiens, des hommes politiques tamouls, des réfugiés et Mgr Rayappu Joseph, évêque catholique de Mannar, les manifestants ont remis aux autorités locales une pétition à l’intention du président Mahinda Rajapakasa. Dénonçant la militarisation de vastes zones du nord du pays et la non-réinsertion des déplacés, les signataires de la pétition ont demandé au président sri-lankais de permettre aux habitants de Mullikkulam de retourner vivre dans leur village d’origine, reprendre leur travail, célébrer le culte dans leurs églises et pouvoir scolariser leurs enfants. Ils ont également appelé la communauté internationale à se mobiliser afin de faire cesser les violations des droits de l’homme que subissent les Tamouls dans le cadre de leur réinstallation.