Eglises d'Asie

Mort suspecte d’un missionnaire sud-coréen œuvrant auprès des réfugiés nord-coréens

Publié le 30/09/2011




 Le 21 août dernier, un missionnaire protestant sud-coréen œuvrant auprès des Nord-Coréens réfugiés dans les provinces chinoises frontalières avec la Corée du Nord est mort subitement, apparemment foudroyé par un violent poison. La nouvelle a été révélée par le JoongAng Ilbo, l’un des principaux quotidiens sud-coréens, …

 … et la version anglaise de celui-ci, dans son édition du 9 septembre, indique que l’implication d’agents secrets nord-coréens est fortement soupçonnée dans ce qui serait un assassinat ciblé (1).

La victime, identifiée uniquement sous le patronyme de « M. Kim », était âgée de 47 ans. Le 21 août, elle attendait un taxi devant un grand magasin de Dandong, ville située aux bords du fleuve Yalu, qui marque la frontière entre la Chine et la Corée du Nord, lorsqu’elle s’est effondrée, inconsciente. Immédiatement transporté à l’hôpital, « M. Kim » est mort peu après. Un peu plus tard, les autorités chinoises ont déclaré que la cause du décès était un suicide. Toutefois, selon une source proche de l’affaire que cite le journal sud-coréen, « l’hôpital a établi que la victime était décédée suite à un empoisonnement mais les autorités ont voulu présenter sa mort comme résultant d’un suicide ». La famille de la victime aurait par ailleurs informé la police chinoise que M. Kim ne souffrait d’aucune affection ou maladie et qu’étant profondément croyant, il n’avait aucune raison de mettre fin à ses jours.

Moins de 24 heures plus tard, un autre ressortissant sud-coréen, dont l’identité n’a pas non plus été révélée, a subi une tentative d’empoissonnement, heureusement non fatale. Agé de 59 ans, engagé lui aussi dans l’aide aux Nord-Coréens réfugiés en Chine, l’homme a été piqué à la taille à l’aide d’une aiguille alors qu’il sortait d’un établissement de bains publics de Yanji, ville située non loin de la frontière avec la Corée du Nord dans la province du Jilin. Après s’être effondré dans la rue, l’homme a été transporté à l’hôpital où il a pu être soigné. Selon le récit qu’il a fait de son agression aux autorités consulaires sud-coréennes, quelqu’un l’aurait approché par derrière alors qu’il se penchait pour ouvrir la portière de sa voiture et lui aurait planté une aiguille à hauteur de la taille. Les médecins ont confirmé que l’homme avait été victime d’une tentative d’empoisonnement.

Aucun élément matériel tangible ne permet d’incriminer d’éventuels agents nord-coréens déployés en territoire chinois, mais, selon le journal sud-coréen, les autorités sud-coréennes nourrissent de forts soupçons (2). « Cela peut très bien être une attaque délibérée afin de réduire au silence des missionnaires qui viennent en aide aux Nord-Coréens », explique « une source proche des enquêteurs sud-coréens ». Au ministère sud-coréen des Affaires étrangères, on reste très discret sur ces deux affaires, mais ordre a été donné au consulat sud-coréen de Shenyang, capitale du Liaoning, « de demander fermement aux autorités compétentes du gouvernement chinois d’assurer la sécurité des ressortissants sud-coréens dans les provinces frontalières (avec la Corée du Nord) et de prendre toutes les mesures nécessaires afin de prévenir tout nouvel incident de ce type ».

Dans le cas de la mort de « M. Kim », les médecins de l’hôpital auraient proposé à la famille de la victime de procéder à une deuxième autopsie, mais celle-ci aurait décliné l’offre, estimant que l’affaire était close, et a demandé le rapatriement rapide de la dépouille mortelle pour une incinération sans délai. Selon un membre du consulat sud-coréen de Shenyang, « la famille ne voulait pas faire de bruit autour de cette affaire par crainte de mettre d’autres personnes en danger ».

Du côté chinois de la frontière entre la Corée du Nord et la Chine, dans les deux provinces du Jilin et du Liaoning où une minorité d’origine coréenne est fortement implantée, la présence des réfugiés nord-coréens suscite d’intenses trafics. Une grande partie d’entre eux, surtout les femmes, y est exploitée. Pour leur venir en aide, des réseaux se sont mis en place où sont notamment actifs des Eglises chrétiennes sud-coréennes, principalement protestantes mais aussi catholique. Leur action vise soit à leur permettre de gagner un pays tiers avant une émigration définitive en Corée du Sud, soit à leur éviter de tomber dans des circuits où ils seront exploités, avant de repartir en Corée du Nord chargés de biens ou de devises qui font défaut en Corée du Nord. Pour une partie des Eglises protestantes engagées dans ces réseaux, il ne s’agit que de mettre en œuvre une aide humanitaire. Pour d’autres, il s’agit de contribuer à prêcher l’Evangile en Corée du Nord où aucune liberté religieuse n’existe, une entreprise qui n’est pas sans risque.

En novembre 2010, un Américain d’origine coréenne, Jun Young-su, âgé de 60 ans, a été arrêté en Corée du Nord et emprisonné pour avoir cherché à faire connaître la religion chrétienne dans ce pays. Il a été remis en liberté et expulsé vers son pays en mai dernier, « pour raisons humanitaires ». Le 24 décembre 2009, un autre Américano-Coréen, Robert Park, 28 ans, était arrêté en Corée du Nord après avoir traversé à pied le fleuve Tumen, gelé à cette époque de l’année, une bible à la main. Le jeune missionnaire évangélique était expulsé peu après (3). D’autres cas sont plus tragiques. En janvier 2000, le Rév. Kim Dong-shik, un pasteur sud-coréen, était kidnappé à Yanji et transféré en Corée du Nord. Aucune nouvelle de lui n’a depuis transpiré et tout porte à croire qu’il est mort (4). Pour ce qui concerne les Nord-Coréens eux-mêmes, les organismes de défense des droits de l’homme et de la liberté religieuse basés en Corée du Sud ou ailleurs dans le monde rapportent régulièrement des cas d’exécutions : en 2009, une chrétienne âgée de 33 ans, Ri Hyon-ok, était exécuté en place publique pour avoir distribué des bibles ; l’an dernier, trois responsables d’une communauté chrétienne clandestine ont été eux aussi passés par les armes.

Aucune statistique fiable n’existe sur l’ampleur des communautés chrétiennes en Corée du Nord.