Eglises d'Asie – Birmanie
Amnistie de prisonniers : l’Eglise catholique et les ONG rappellent que la plupart des détenus politiques sont toujours derrière les barreaux
Publié le 15/10/2011
… la présence de prisonniers politiques parmi l’ensemble des amnistiés, l’évêque a cependant tenu à préciser qu’il était nécessaire de vérifier dans la durée la « volonté réelle » du nouveau gouvernement de libérer tous les prisonniers d’opinion qui sont encore dans les geôles birmanes.
Mgr Po Ray a également déclaré que l’Eglise attendait des autorités comme de tous les citoyens qu’ils demeurent unis dans un même désir de compréhension mutuelle et oeuvrent ensemble au développement du pays. « Aussi longtemps que nous en serons au stade de la confrontation, nous n’obtiendrons ni la paix ni la prospérité. Ce sera sans fin. Les deux parties, le gouvernement et l’opposition, doivent arriver à se réconcilier et, si possible, apprendre à travailler ensemble, afin de construire, étape après étape, notre avenir », a-t-il expliqué à l’agence Ucanews.
Sur les quelque 6 400 détenus libérés, essentiellement « âgés, malades, handicapés ou qui ont purgé leur peine avec bonne conduite » selon les termes utilisés par la télévision d’Etat, les prisonniers de conscience ne sont que quelques centaines. Des chiffres qui diffèrent selon les sources ; les amnistiés politiques seraient 300 pour les responsables de l’administration pénitentiaire, ou plutôt entre 200 et 220 selon l’Assistance Association of Political Prisoners Burma (AAPP), une ONG basée en Thaïlande (1). Le 13 octobre, l’organisation a rappelé dans un communiqué que les dissidents les plus influents étaient restés derrière les barreaux, selon le procédé habituel aux autorités birmanes consistant à amnistier une poignée de prisonniers politiques tout en maintenant en détention ceux qui constituent une véritable menace.
Un « oubli », également souligné par Human Rights Watch (HRW), Info Birmanie et Amnesty International qui ont appelé les autorités birmanes à « la remise en liberté immédiate et sans condition de tous les prisonniers de conscience ». Après une première amnistie en mai dernier de 14 000 prisonniers, dont seulement 47 détenus politiques – un « geste » qualifié de symbolique mais totalement insuffisant par la communauté internationale – , le nombre de prisonniers de conscience libérés en octobre avait été espéré plus conséquent.
« Les autorités birmanes vont peiner à convaincre qu’elles veulent réellement s’engager sur la voie de la démocratie », analyse pour sa part Info Birmanie, soulignant le petit nombre de leaders politiques libérés et le choix de ces derniers, comme le très populaire humoriste Zarganar (2). Arrêté en juin 2008, il avait été condamné à 59 ans de prison pour avoir critiqué l’attitude de la junte après le passage du cyclone Nargis, qui avait coûté la vie à plus de 140 000 personnes. L’association a également regretté que le gouvernement n’ait donné aucune indication quant aux conditions de libération des dissidents dont on ignore si elles leur permettront de se présenter aux élections, de participer à des réunions ou de reprendre leur engagement social, sans risquer d’être de nouveau emprisonnés.
Le P.Christopher Raj, directeur de la Karuna (Caritas) du diocèse de Lashio, semble craindre que cette récente amnistie ne soit destinée qu’à séduire la communauté internationale. Faisant remarquer que la majorité des prisonniers relâchés mercredi dernier ne semblent pas aussi « dangereux » pour le pays que les autorités le prétendent, il confirme que les plus importants détenus politiques sont toujours derrière les barreaux (3). « Je veux croire que le gouvernement ouvrira un peu plus grand la porte de la démocratie, s’il constate que la situation s’améliore », espère-t-il.
Avec une unanimité parfaite, la communauté internationale a salué de son côté les « progrès » réalisés par la Birmanie, sans manquer d’émettre également les mêmes réserves que les organisations de défense des droits de l’homme. Ainsi, le 13 octobre, le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, s’est félicité de la libération de « plusieurs prisonniers politiques », mais a invité fermement le gouvernement birman à amnistier rapidement l’ensemble des prisonniers de conscience, comme il s’y était engagé.
A sa suite, les Etats-Unis, mais aussi le Canada, le Danemark, l’Australie ou encore l’Union européenne ont rappelé que la libération de tous les détenus politiques faisait partie des conditions préalables à la levée des sanctions internationales contre Naypyidaw, au même titre que la mise en place de réformes profondes dans les domaines politique, économique, social et judiciaire (4).