Eglises d'Asie – Chine
A la veille de l’ordination épiscopale de l’évêque coadjuteur de Yibin, Mgr Paul Lei Shiyin, sous le coup d’une peine d’excommunication, annonce sa participation à la cérémonie
Publié le 29/11/2011
… qui, lui, a reçu du Saint-Siège le nécessaire mandat pontifical. Des informations non confirmées à ce jour mais crédibles indiquent que Mgr Lei Shiyin sera l’un des deux évêques co-consécrateurs à se tenir aux côtés de l’évêque consécrateur, Mgr Chen Shizhong, qui, à l’âge de 95 ans, est l’évêque en titre du diocèse de Yibin.
Interrogé sur le fait que la présence d’un évêque excommunié à une cérémonie d’ordination épiscopale d’un candidat ayant reçu l’assentiment du pape pourrait représenter une difficulté pour l’Eglise de Chine, Mgr Lei Shiyin, dont le diocèse de Leshan, au Sichuan, jouxte celui de Yibin, a répondu que « les Eglises sœurs devaient se soutenir et développer une compréhension mutuelle » (3). Il a ajouté : « Nous agissons de manière rationnelle en fonction de ce que nous pensons bénéfique au développement de l’Eglise. Notre Eglise est adulte et n’est pas – contrairement à ce qui est dit à l’étranger – manipulée. »
Le même jour, à Rome, en réponse à la question d’un journaliste au sujet de l’ordination épiscopale du P. Luo Xuegang, le directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, le P. Federico Lombardi, a déclaré que cette ordination serait « un encouragement pour la communauté catholique » (4). Il ajoutait aussi : « Si l’ordination a lieu, je souhaite évidemment que les normes de l’Eglise catholique soient respectées, c’est-à-dire que les fidèles soient informés de l’approbation du candidat par le Saint-Siège et qu’aucun évêque illégitime ne participe à la célébration liturgique. »
Demain, le 30 novembre, l’église Sainte-Marie à Yibin verra donc, selon toute vraisemblance, se dérouler une cérémonie d’ordination épiscopale en présence d’un évêque illégitime. Face à une telle perspective, on peut s’interroger sur l’attitude que les uns et les autres adopteront. Au sein de la province du Sichuan et ailleurs dans le pays, des évêques font savoir qu’ils renoncent à faire le voyage de Yibin pour participer à la messe d’ordination ; d’autres déclarent qu’ils iront. Selon des observateurs proches des réalités ecclésiales chinoises, il se pourrait que l’on assiste à la répétition de ce qui s’est produit le 29 juin dernier dans le diocèse de Handan, au Hebei (5). Là aussi, un nouvel évêque coadjuteur devait être ordonné en communion avec Rome et les autorités voulaient imposer la présence d’un évêque illégitime à la célébration d’ordination, Mgr Guo Jincai, ordonné sans mandat pontifical pour le diocèse de Chengde (Hebei) le 20 novembre 2010. Afin de contourner la difficulté, les membres du diocèse de Handan avaient fait en sorte de maintenir « en lieu sûr » le vieil évêque en titre, âge de 89 ans, ainsi que le futur évêque, « en retraite spirituelle » durant les jours précédant l’ordination. Et celle-ci fut menée dans la plus grande discrétion, loin des yeux de la police et des autorités, peu avant le jour et l’heure prévus pour la cérémonie elle-même. Le même type de scénario pourrait donc se répéter à Yibin, à ceci près que les autorités chinoises ont, depuis, fait savoir que toute ordination menée en catimini serait considérée comme nulle et non avenue et devrait être « recommencée » en public à la date et dans les lieux prévus.
Sur les blogs et les réseaux sociaux fréquentés par les catholiques en Chine, les commentaires vont bon train au sujet de ce qu’il pourra se passer le 30 novembre à Yibin. Certains écrivent que la présence de Mgr Lei Shiyin à l’ordination du P. Luo Xuegang est un geste voulu par Pékin qui n’a pas apprécié pas de voir l’évêque excommunié. D’autres citent une déclaration de juin dernier du Conseil pontifical pour les textes législatifs relative au canon 1382, à propos du fait qu’une personne excommuniée devrait s’abstenir de célébrer les sacrements, « sous peine de perpétuer un acte moralement illicite et donc sacrilège ». De l’étranger, un commentateur écrit que, si Pékin était désireux de renouer le dialogue avec Rome, Mgr Lei Shiyin devrait s’abstenir de participer à la cérémonie de Yibin.
Plus fondamentalement, des catholiques chinois s’interrogent sur la solidité ecclésiale de certains des prêtres de l’Eglise de Chine d’aujourd’hui. Ils mettent en avant le fait que peu d’éléments permettent de distinguer entre des personnalités comme Mgr Lei Shiyin et le P. Luo Xuegang. Certes, soulignent-ils, la candidature à l’épiscopat de Mgr Lei a été refusée par le Saint-Siège « pour des raisons très graves et attestées » et il ne semble pas que le dossier du P. Luo soit entachée de telles « fautes », mais les deux hommes partagent tous deux une forte proximité avec les instances « patriotiques » qui permettent à Pékin d’exercer son contrôle sur l’Eglise. Ces catholiques notent ainsi que, le mois dernier à Pékin, le P. Luo a pris part à un programme de formation destiné à quelque 160 cadres des instances patriotiques et qu’il y a prononcé un discours nettement en faveur de l’autonomie de l’Eglise de Chine dans le choix et l’ordination de ses futurs évêques. Ces catholiques s’interrogent sur le fait de savoir si le P. Luo approuvait véritablement le contenu de ses propos ou ne cherchait qu’à donner le change aux autorités afin de s’assurer que, près de deux ans après son élection comme évêque de Yibin en janvier 2010, son ordination épiscopale aurait bien lieu le 30 novembre 2011.
Quelle que soit la tournure que prendra la cérémonie d’ordination du P. Luo, des observateurs font remarquer qu’au cas où la messe ne se déroule pas conformément « aux normes de l’Eglise », le Saint-Siège pourra toujours s’abstenir de faire parvenir au futur évêque coadjuteur de Yibin l’anneau épiscopal et la croix pectorale que Rome envoie en pareille occasion. Ces dernières années, des évêques en Chine n’ont reçu cet anneau et cette croix que plusieurs années après leur ordination épiscopale, signe pour le Saint-Siège qu’ils n’étaient pas jusqu’à cette date-là en pleine communion avec le Saint Père.