Eglises d'Asie

Yunnan : contre leur volonté, des séminaristes ont été ordonnés diacres par Mgr Ma Yinglin, évêque non reconnu par Rome

Publié le 02/12/2011




Le 30 novembre dernier, le jour même où se déroulait un peu plus au nord dans la province du Sichuan une ordination épiscopale controversée (1), une autre cérémonie avait lieu dans le Yunnan. A environ 150 km au sud-est de Kunming, chef lieu de la province du Yunnan, Mgr Ma Yinglin, évêque « officiel » et non reconnu par Rome, a ordonné diacres en vue du sacerdoce six séminaristes. Selon des informations fiables communiquées à Eglises d’Asie, …

 … les pressions auxquelles ont été soumis ces séminaristes pour accepter d’être ainsi ordonnés par un évêque illégitime font douter du degré de liberté qui leur a été laissé.

La cérémonie a été organisée dans l’église de Lunmeiyi, petit village du district de Honghe, situé dans le sud-est du diocèse de Kunming. Cinq des six diacres ordonnés sont yunnanais, originaires des diocèses que compte la province du Yunnan (Kunming, Dali et Zhaotong, rassemblés, pour la partie « officielle » de l’Eglise catholique, en un seul et unique diocèse de Kunming) ; ils sont issus des « minorités nationales » (deux Tibétains, un Miao, un Yi et un Jingpo), le sixième étant un Han originaire de la province du Shanxi. Les cinq séminaristes yunnanais ont achevé leur formation au grand séminaire régional de Chengdu, dans le Sichuan, à la fin du printemps dernier, le séminariste du Shanxi ayant, quantà lui, été formé à l’étranger.

Pour ces jeunes séminaristes, avant la cérémonie du 30 novembre, la question du lieu de leur ordination diaconale et de l’évêque chargé de leur conférer cette ordination a dû constituer un cas de conscience délicat. En effet, le 30 avril 2006, Mgr Ma Yinglin a été ordonné évêque au titre du diocèse de Kunming sans mandat pontifical, ce qui faisait de lui évêque illégitime, sans pouvoir canonique sur son diocèse (2). Très proche des autorités chinoises, Mgr Ma a de plus été « élu » en décembre 2010 président de la Conférence des évêques « officiels » et l’un des vice-présidents de l’Association patriotique des catholiques chinois (3).

Le 13 avril 2008, Mgr Ma Yinglin avait déjà ordonné deux prêtres mais ceux-ci n’étaient pas originaires du Yunnan. Ces dernières années, des séminaristes issus du Yunnan ont choisi de quitter le pays ou de partir dans d’autres provinces de Chine pour y être ordonnés par un autre évêque que Mgr Ma.

Selon des sources bien informées, à l’approche de la cérémonie du 30 novembre, Mgr Ma avait été personnellement prévenu que de nouvelles ordinations seraient très mal vues par le Saint-Siège, Rome ne pouvant accepter que l’évêque illégitime agisse en qualité d’évêque de Kunming. Passant outre ces avertissements, Mgr Ma a néanmoins choisi d’ordonner ces six séminaristes.

Pour ces six futurs prêtres (des sources ecclésiastiques évoquent la date de février 2012 pour l’ordination presbytérale), avoir été ordonnés diacres par un évêque illégitime signifie s’exposer à une double difficulté, pastorale et canonique. Pastorale car, ayant reçu le sacrement de l’ordre des mains d’un évêque qui n’est pas en communion avec Rome, ils risquent de se voir rejetés par une partie importante des fidèles. Canonique car rien n’indique que les dispositions du droit de l’Eglise ont été respectées lors de la cérémonie du 30 novembre. En effet, l’ordinaire du diocèse de Kunming reconnu par le Saint-Siège n’est pas Mgr Ma, mais le P. Zhang Wenchang, administrateur apostolique « clandestin ». Très âgé, proche sans doute de la mort, ce dernier est hospitalisé à Kunming depuis plusieurs semaines et lui seul aurait pu signer les nécessaires « lettres dimissoriales » pour les remettre à un évêque en communion avec Rome. Les « lettres dimissioriales » sont ce courrier par lequel un évêque ou un administrateur diocésain autorise un autre évêque à conférer les ordres sacrés à l’un de ses diocésains (4).

Toujours d’un point de vue canonique, il n’est pas possible d’assurer que les sacrements conférés le 30 novembre sont valides. En effet, dans le cas d’une ordination diaconale, c’est au séminariste d’en faire la demande, à charge, le cas échéant, pour son évêque de l’accepter. Or, pour certains des six séminaristes, certaines mesures précédant l’ordination diaconale semblent avoir été à l’encontre du respect de la conscience individuelle des ordinants : ceux-ci n’ont été prévenus de leur ordination qu’une dizaine de jours à l’avance ; on leur a fait alors clairement comprendre qu’un refus d’être ordonné par Mgr Ma ou une demande de délai pour réflexion serait très mal venus ; à peine prévenus, les futurs diacres ont été envoyés en retraite durant sept jours avec interdiction de communiquer avec le monde extérieur jusqu’au jour même de leur ordination.

Enfin, si la cérémonie a eu lieu dans la bourgade de Lunmeiyi et non à Kunming, c’est notamment du fait que la grande ville qu’est Kunming ne compte plus aucune église depuis que Mgr Ma a fait détruire les deux lieux de culte catholique qui s’y trouvaient. Au titre d’une opération immobilière, les deux églises ont été rasées et le futur centre qui abritera une nouvelle église tarde à voir le jour. En attendant, les prêtres du diocèse qui résident à Kunming vivent à l’hôtel et, pour les célébrations liturgiques, une salle des fêtes est louée chaque dimanche.