Eglises d'Asie

A la grande inquiétude des ONG internationales, la Birmanie annonce le rapatriement des Rohingya réfugiés au Bangladesh

Publié le 07/12/2011




Le 6 décembre dernier, à l’occasion d’une visite à Naypyidaw du Premier ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina, le président Thein Sein a donné l’assurance que la Birmanie acceptait le retour sur son sol des Rohingya réfugiés au Bangladesh. L’annonce pourrait laisser entrevoir un début de solution au sort dramatique que connaissent ces réfugiés, à ceci près que très peu de détails ont filtré quant aux procédures qui entoureront ces opérations de rapatriement et…

 … qu’aucune garantie n’a été donnée quant à l’accueil qui sera réservé à ces réfugiés une fois de retour en Birmanie.

D’une durée de trois jours, la visite d’Etat que le Premier ministre bangladais vient d’achever en Birmanie avait été annoncée en octobre dernier, au moment où Naypyidaw avait déclaré être prêt à étudier la question du rapatriement des réfugiés rohingya. Les changements rapides qui sont intervenus en Birmanie ces derniers mois ont en effet laissé espérer de nouvelles perspectives à une question qui, jusqu’ici, demeurait politiquement sensible et tragique d’un point de vue humanitaire. En avril dernier, la Thaïlande avait ouvert la voie en annonçant qu’elle allait rapatrier en Birmanie quelque 150 000 réfugiés, parmi lesquels des Rohingya, installés dans des camps à la frontière entre les deux pays, au motif que la Birmanie était désormais « sur la voie de la démocratie » (1).

« Nous réintégrerons tous les réfugiés rohingya présents au Bangladesh après le processus individuel de vérification et dans la mesure où ils rempliront les critères fixés par les deux pays », a déclaré Thein Sein, selon une dépêche de l’agence officielle birmane. Pour Phil Robertson, directeur pour l’Asie de Human Rights Watch, une telle annonce soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. En effet, note-t-il, « le Bangladesh a sciemment failli à toutes ses obligations en matière d’accueil des réfugiés (rohingya) » et surtout le cœur du problème demeure, à savoir « les violations systématiques des droits de l’homme que les Rohingya endurent en Birmanie ». Phil Robertson dénonce un accord passé entre les deux pays en marge de la communauté internationale : « Plutôt que de travailler avec les Nations Unies et la communauté internationale, ces deux gouvernements ont conclu un accord dont on ne sait rien et qui laisse ‘dans le noir’ toutes les violations des droits fondamentaux que les Royingya ont endurées. »

Au nombre d’environ un million, les Rohingya, ethnie minoritaire de Birmanie, de langue indo-européenne et de religion musulmane, vivent à la frontière du Bangladesh, dans la partie nord de l’Etat de l’Arakan (sud-ouest de la Birmanie). Ils sont fortement discriminés par les Arakanais, qui sont eux de langue lolo-birmane et de religion bouddhiste. L’ostracisme dont ils sont victimes dans leur pays remonte à l’indépendance de 1948. Les Rohingya ayant fourni des supplétifs à l’armée britannique lors de sa conquête du pays au XIXème siècle, ils furent de fait assimilés aux colonisateurs, faisant dès lors office de bouc émissaire tout désignés.

En 1978, 200 000 Rohingya étaient forcés par les autorités à migrer au Bangladesh, avant d’être rapatriés massivement par l’UNHCR. En 1982, un décret leur imposa de prouver que leurs ancêtres étaient établis en Birmanie avant la colonisation britannique, faute de quoi leur citoyenneté leur serait déniée. De fait, les musulmans rohingya devenaient des apatrides dans leur propre pays. Après le coup d’Etat de la junte en 1988, des opérations de nettoyage ethnique furent lancées contre les Rohingya et, aux offensives armées, s’ajoutèrent de violentes discriminations : travail forcé, confiscation des terres et, en 2005, interdiction de se marier ou de se déplacer sans accord des autorités. Privés de travail, d’accès à l’éducation, aux soins ou à l’aide alimentaire, les Rohingyas ont pris le chemin de l’exil, vers les pays frontaliers dans un premier temps (Chine, Laos, Thaïlande et surtout Bangladesh), tentant ensuite de gagner des pays à forte présence musulmane (Inde, Pakistan, Malaisie ou même Arabie Saoudite où ils mènent une vie de clandestins).

Au Bangladesh, Dacca a autorisé l’UNHCR à intervenir dans le district de Cox’s Bazar et l’institution onusienne a pu accorder un statut de réfugiés à 28 000 d’entre eux, mais, depuis 1993, le gouvernement n’a pas permis l’enregistrement de nouveaux arrivants. Le nombre de ces derniers est aujourd’hui estimés entre 250 000 et 300 000 et leur sort est unanimement estimé comme étant l’un des pires parmi les populations réfugiées à travers le monde. Abus (y compris sexuels), rapatriements forcés et pauvreté absolue sont leur lot commun, soulignent les ONG qui interviennent auprès d’eux.

Interrogé par l’agence Ucanews (2), Nural Haq, un Rohingya âgé de 19 ans qui est né en exil à Cox’s Bazar, indique que lui et sa famille ne retourneront en Birmanie que si Naypyidaw garantit leur sécurité. « Nous ne reviendrons dans notre pays que si le gouvernement nous assure que nous pouvons y vivre en paix. Nos droits fondamentaux doivent être assurés », affirme-t-il.

Dans l’immédiat, des informations faisant état de l’arrivée récente de boat-people rohingya un peu au nord de l’île de Phuket, en Thaïlande, laissent à penser que la situation des Rohingya en Arakan ne s’améliore pas en dépit des changements institutionnels constatés dans le pays. Le 4 décembre, une embarcation chargée de 54 Rohingya a ainsi accosté près de l’île de Ra ; quelques jours auparavant, le 24 novembre, c’était un bateau avec 92 Rohingya à bord qui atteignait les rives thaïlandaises. A chaque fois, l’armée thaïlandaise, qui a pris en charge ces réfugiés, n’a fourni aucune information quant à leur sort (3).

Parmi les nations qui dénonçaient le plus vigoureusement les mauvais traitements faits aux Rohingya, que ce soit en Birmanie ou dans les camps de réfugiés au Bangladesh ou en Thaïlande, figuraient les Etats-Unis. Il semble toutefois que les réformes en cours en Birmanie ont atténué les critiques américaines et qu’à l’occasion du voyage de la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton en Birmanie, les 1er et 2 décembre derniers, le sujet n’ait pas été mis en avant.