Eglises d'Asie

Destruction du centre Gosha-e-Aman : les évêques chrétiens dénoncent les « mensonges du gouvernement »

Publié le 20/01/2012




Les responsables des Eglises chrétiennes, catholique comme protestantes, ont qualifié de « mensongères » les récentes déclarations des autorités locales destinées à justifier la saisie et la démolition du centre caritatif Gosha-e-Aman à Lahore. Ils ont annoncé que les manifestations qui durent depuis près de deux semaines se poursuivraient tant que l’Etat persisterait dans son attitude « totalitaire ».

Le 15 janvier dernier, le ministre des Minorités du Pendjab, Kamran Michael, déclarait que la destruction de l’institution s’était faite sur ordre du gouvernement provincial, afin de récupérer des biens d’Etat qui avaient été détournés par des « éléments criminels ». « J’ai également reçu pour instruction de céder à l’Eglise des terrains pour ses actions caritatives, et de faire reconstruire une école et une maison d’accueil pour les personnes âgées », avait encore précisé le ministre. Toute cette agitation est le fruit d’un malentendu, et les chrétiens auront été mal-informés, avait-il conclu.

Cette déclaration faisait suite au grand mouvement de protestation mené par les chrétiens de Lahore depuis la saisie et la destruction par les autorités d’une institution d’accueil gérée conjointement par l’Eglise catholique et la Caritas Pakistan le 10 janvier dernier (1). Sur l’ordre du responsable de district mais « sans aucun document officiel », la police avait démoli les bâtiments au bulldozer, exproprié les familles qui y vivaient, détruit les bibles et des objets religieux, avant de saisir « au nom de l’Etat » le matériel « éducatif » comme les ordinateurs, l’ensemble de la propriété et des terrains adjacents.

Le centre Gosha-e-Aman abritait, outre une maison d’accueil et une école de couture fondées il y a une cinquantaine d’années, une maison de retraite, un établissement scolaire de filles, un couvent et une chapelle datant du XIXe siècle.

Dès le lendemain, des milliers de chrétiens avaient manifesté à Lahore, bloquant les rues menant aux décombres de l’ancien centre, pour dénoncer les « manœuvres criminelles » des autorités du Pendjab et les « violations des droits des minorités religieuses ». Le P. Emmanuel Yousaf Mani, président de la Commission ‘Justice et Paix ’ de la Conférence des évêques catholiques du Pakistan, avait annoncé l’intention de l’Eglise de déposer un recours devant la Haute Cour de Lahore contre la « saisie illégale » de l’un de ses biens dont elle possédait tous les titres de propriété remontant à 1887, lorsque les bâtiments appartenaient à la Lahore Charitable Association. « Portez des brassards noirs si vous en avez. Le gouvernement lui-même est devenu un voleur de terres », a déclaré le prêtre à la foule qui depuis le 10 janvier poursuit ses manifestations devant l’institution détruite.

Le 16 janvier dernier, en réaction aux propos du ministre des Minorités du Pendjab, les évêques catholiques et protestants ont organisé une grande manifestation qui, selon l’agence Ucanews, a rassemblé plus de 2 000 personnes. Mgr Sebastian Shah, évêque auxiliaire catholique de Lahore, et Mgr Alexander John Malik, évêque anglican de Lahore (Eglise du Pakistan), ont dénoncé vigoureusement les affirmations de Kamran Michael : « Le gouvernement prétend que personne ne possédait ce terrain et qu’il s’y pratiquait des activités illicites ! C’est un incroyable tissu de mensonges ! Et l’Etat ne s’est jamais engagé à nous fournir un quelconque terrain !», s’est emporté Mgr Malik.

« Nous continuerons à protester jusqu’à ce que le gouvernement rende les terrains qu’il nous a pris et qu’il ait payé pour tous les préjudices commis. Nous n’avons pas peur et nous nous battrons jusqu’au bout pour faire reconnaître nos droits », a déclaré le P. Morris Jalal, l’un des nombreux prêtres qui se relayent auprès des manifestants pour protester devant les ruines du centre Gosha-e-Aman ou devant le Club de la presse de Lahore.

Mgr Mano Rumalshah, ancien évêque de l’Eglise du Pakistan pour le diocèse de Peshawar, a demandé, quant à lui, que ceux qui avaient profané la chapelle, les croix, les bibles et autres objets religieux soient poursuivis et sanctionnés. « Une seule feuille du Coran déchirée a entraîné l’incendie de plusieurs villes et villages, a t-il rappelé. Nous demandons des excuses pour la profonde blessure qui nous a été infligée. »

Les jeunes de l’Eglise catholique ont également participé au mouvement de protestation, proposant notamment de lancer une grande campagne de sensibilisation par SMS sur les téléphones mobiles. Le P. Ashraf Gill, qui dirige la section jeunesse de l’archidiocèse de Lahore, a fait part des nombreuses manifestations prévues, ainsi que des rassemblements de prière œcuméniques ou encore des envois de pétitions et de déclarations de soutien, dont certaines, affirme-t-il, circulent déjà au sein d’associations internationales en faveur des droits de l’homme ou à l’ONU.