Le 29 octobre dernier, Benoît XVI nommait à la tête du diocèse de Dinajpur, le P. Sebastian Tudu, alors vice-recteur du grand séminaire du Saint-Esprit à Dhaka et directeur diocésain des Œuvres pontificales missionnaires (OPM). Le nouvel évêque avait exprimé avoir « été effrayé par une telle responsabilité, mais avoir également reçu tant de soutien de la part des fidèles que des ordres religieux du diocèse que cela [lui] avait donné la force de s’engager dans cette nouvelle mission » dont il avait accueilli la nouvelle comme « aussi incroyable qu’inattendue ».
Né le 17 juin 1967 à Changura, sur le territoire même du diocèse où il sera nommé évêque, Sebastian Tudu est issu de l’ethnie santal, l’une des minorités aborigènes les plus marginalisées et déconsidérées du Bangladesh (1). Après avoir effectué ses études secondaires à la St. Philip’s High School de Dinajpur, il a poursuivi sa formation à Dhaka avant d’entrer au grand séminaire du Saint-Esprit de la capitale bangladaise. Ordonné prêtre en 1999 pour le diocèse de Dinajpur, il a exercé en paroisse jusqu’en 2003, année où il est parti à Rome préparer un doctorat en missiologie à l’Université pontificale urbanienne. Revenu au Bangladesh, il est devenu vice-recteur et professeur au grand séminaire du Saint-Esprit à Dhaka.
Dans cette région du nord du pays que couvre le diocèse de Dinajpur, les Santal représentent l’ethnie dominante et une part importante de la petite communauté catholique du Bangladesh. Selon le P. Anthony Sen, secrétaire de la Commission ‘Justice et Paix’ de Dinajpur, les catholiques représentent à peine plus de 0,2 % de la population du diocèse (2). Au Bangladesh, les chrétiens toutes confessions confondues ne sont que 2 % sur une population musulmane à 80 %.
L’Eglise a toujours été particulièrement active auprès de la communauté santal, qui souffre au sein de la société bangladaise de fortes discriminations. Les premiers missionnaires dans la région furent des baptistes américains au début du XIXe, suivis par les missionnaires catholiques des PIME en 1855. Ces derniers, toujours très présents dans l’encadrement ecclésiastique, furent les premiers évêques du diocèse érigé en 1927 (dans le nord-est de l’Inde à l’époque).
Les nombreuses conversions de Santal ces dernières décennies doivent certainement beaucoup à la très forte implication de l’Eglise dans les domaines éducatifs, médicaux, sanitaires ou encore juridiques avec la défense des droits et de la culture des aborigènes. L’Eglise diocésaine s’est même engagée dans l’organisation régulière de fêtes traditionnelles ou de commémorations comme le Santal Revolt Day, qui célèbre l’insurrection manquée de 1855, l’un des symboles les plus forts de la revendication identitaire santal (3). Selon des sources ecclésiastiques locales, plus de 50 000 des 225 000 Santals du Bangladesh seraient chrétiens aujourd’hui, parmi lesquels on compterait 70 % de catholiques.
Dans ce diocèse en pleine croissance, la nomination du P. Sebastian Tudu est un pas de plus dans la reconnaissance de la place des Santal au sein de la communauté catholique de Dinajpur, dont elle est devenue la principale caractéristique. Quant au dynamisme de la communauté aborigène au sein de l’Eglise, il a été attesté tout récemment par l’ordination du premier prêtre santal missionnaire en septembre dernier (4). Le jeune P. Lucas Marandy a été envoyé au Brésil, au titre de la Société de Saint François Xavier pour les Missions étrangères.
Les objectifs que le nouvel évêque s’est fixé pour son ministère sont les mêmes que ceux qu’il poursuivait déjà en tant que prêtre, avec l’accès à l’éducation comme fer de lance. « L’Eglise a toujours choisi de créer des écoles pour tous ceux qui n’avaient pas les moyens d’y aller. Aujourd’hui, il est clair que l’éducation est un point crucial pour le développement du Bangladesh et de sa société tout entière », a déclaré Mgr Sebastian Tudu, qui connaît bien les besoins de son diocèse, en particulier ceux « des pauvres et des marginalisés ».
Le nouvel évêque de Dinajpur, bien que décidé à faire avancer la reconnaissance des droits des aborigènes, lesquels sont régulièrement spoliés de leurs terres ou victimes de violences de la part des communautés musulmanes (5), se veut néanmoins « au service de tous » désirant œuvrer encore davantage « en faveur de la paix et de l’harmonie entre les différentes communautés ».