Eglises d'Asie

Visite très encadrée de la chancelière allemande à la cathédrale de Canton

Publié le 06/02/2012




Le 4 février, au troisième et dernier jour de sa cinquième visite en Chine, la chancelière allemande Angela Merkel a effectué une visite à la cathédrale catholique de Canton où, accompagnée d’un imposant service de sécurité, elle a rencontré l’évêque « officiel » du lieu, Mgr Joseph Gan Junqiu. Les médias chinois avaient reçu pour consigne de ne pas faire état de cette partie du programme du chef du gouvernement allemand.

Selon Mgr Gan, l’annonce par les services chinois de la visite d’Angela Merkel ne lui avait été faite que tardivement, le 1er février. Une fois la visite passée, d’une durée de 35 minutes, Mgr Gan a déclaré qu’il avait eu le sentiment qu’Angela Merkel, de confession protestante, était « une chrétienne fervente » et avait à cœur de comprendre les politiques sociales et religieuse de la Chine. La chancelière l’avait interrogé « sur son diocèse et l’Eglise catholique dans la province du Guangdong, demandant entre autres le nombre des catholiques, leurs âges, leurs professions et quels genres d’activités ils pratiquaient en dehors de l’assistance aux offices ». L’évêque a décrit les différents services sociaux que son diocèse avait organisés pour les personnes âgées, les malades et les pauvres. « Elle m’a encouragé à ouvrir davantage d’organisations caritatives, comme des jardins d’enfants ou des maisons de retraite, afin de promouvoir l’harmonie sociale, la liberté et l’égalité », a précisé Mgr Gan à la presse.

L’évêque, âgé de 48 ans, qui est reconnu par Rome et accepté par Pékin, n’a cependant donné aucun détail quant à un éventuel échange que la chancelière aurait pu avoir avec lui au sujet des pressions auxquelles il a été soumis par les autorités chinoises en juillet dernier afin de prendre part à l’ordination d’un évêque illégitime (1). Mgr Gan a seulement précisé qu’Angela Merkel, si elle ne l’avait pas directement interrogé au sujet de « la liberté religieuse », lui avait toutefois demandé s’il jouissait de sa liberté d’expression. La chancelière « m’a demandé si je pouvais m’exprimer librement, si quelqu’un me disait ce que je devais dire ou ne pas dire, par exemple lors de mes homélies dominicales. Je lui ai répondu en toute sincérité que je prêchais selon la Bible et en lien avec la vie quotidienne des gens et les réalités sociales », a encore ajouté l’évêque.

Ce n’est pas la première fois qu’Angela Merkel rencontre un évêque chinois ; lors d’une visite en 2006, elle avait eu un entretien avec l’évêque « officiel » de Shanghai, le polyglotte et germanophone Mgr Jin Luxian. Mais, selon certains analystes politiques en Allemagne et à Hongkong, il semblerait que le fait de rendre visite à un évêque catholique est une manière pour la chancelière de critiquer indirectement les nombreuses limitations que Pékin met à l’exercice de la liberté religieuse.

D’autres analystes mettent en avant une visite symbolique mais qui ne changera rien à la politique religieuse chinoise. Ils rappellent que Mo Shaoping, avocat célèbre pour avoir pris la défense de dissidents harcelés par la police, a été empêché de rencontrer, comme cela était prévu, la chancelière le 3 février et que celle-ci n’a pas pu non plus rencontrer, comme elle le souhaitait, la rédaction du Nanfang Zhoumo, hebdomadaire cantonais réputé pour sa hardiesse éditoriale.

Enfin, la chronique de la visite de la chancelière à Canton ne dit pas si Mgr Gan a introduit Angela Merkel à certains détails de l’histoire de sa cathédrale. Connue sous le nom de la « maison de pierre » (shishi), la cathédrale du diocèse, édifiée de 1863 à 1888 sur un plan inspiré de celui de l’église Sainte-Clotilde à Paris, a souffert des aléas de l’Histoire à de nombreuses reprises. Lors de sa dernière grande campagne de rénovation (2004-2007), financée à 80 % par la municipalité de Canton (2), les commanditaires du chantier ont tenu à ne pas en effacer les marques. Ainsi, les grilles qui se trouvent en avant de l’édifice portent toujours les deux lettres « ME » pour « Missions Etrangères » de Paris (les MEP ayant été très présents localement de la seconde partie du XIXe siècle jusqu’en 1949) et, derrière le maître-autel, sur un mur, des inscriptions datant de la Révolution culturelle (1966-1976) ont été préservées : « Longue vie au président Mao » et « La classe des travailleurs doit diriger en tout ».