Eglises d'Asie

Yunnan : des ordinations sacerdotales problématiques

Publié le 14/03/2012




Le 26 mars prochain, dans l’église de Dali, dont l’architecture s’inspire des temples de la minorité ethnique bai, trois séminaristes recevront l’ordination sacerdotale et deviendront prêtres de l’Eglise catholique pour la province du Yunnan, où le nombre des prêtres – une vingtaine au total – est faible. Mais ces ordinations seront conférées par un évêque illégitime, non reconnu par Rome, Mgr Joseph Ma Yinglin.

Depuis que la hiérarchie de l’Eglise catholique en Chine a été instituée en 1946, ce sera la première fois que le diocèse de Dali sera le cadre d’une ordination presbytérale. Toutefois, le siège épiscopal de Dali étant vacant depuis 1948 et son territoire ayant été agrégé au sein de l’unique diocèse « officiel » de Kunming (1), les autorités chinoises ont prévu que Mgr Joseph Ma Yinglin, évêque « officiel » de Kunming – qui est aussi le président de la Conférence des évêques « officiels » au plan national –, ordonne prêtres les trois diacres en question. Le 30 avril 2006, Mgr Ma Yinglin avait été ordonné évêque au titre du diocèse de Kunming sans mandat pontifical, ce qui avait fait de lui un évêque illégitime, sans pouvoir canonique sur son diocèse.

Les questions que posent ces ordinations sacerdotales sont nombreuses. La première d’entre elles a trait au nombre des séminaristes qui recevront les ordres le 26 mars prochain. Sur les six qui avaient reçu le 30 novembre 2011 l’ordination diaconale des mains de Mgr Ma Yinglin dans l’église de Lunmeiyi, seuls trois d’entre eux seront ordonnés prêtres. Déjà, à l’époque, des interrogations avaient surgi quant au degré de liberté qui avait été laissé par les autorités chinoises à ces séminaristes d’être ordonnés par un évêque illégitime. Près de quatre mois plus tard, les informations disponibles indiquent que seuls trois de ces six diacres vont être ordonnés prêtres, à savoir Liu Zhibin, un Tibétain, Li Jiaoquan, un Miao, et Pai Zaonan, un Jingpo. Qu’en est-il des trois autres ? Refusent-ils de recevoir l’ordination sacerdotale des mains d’un évêque illégitime ? Font-ils l’objet de pressions, voire de mesures de rétorsion pour cet éventuel refus ? Aucune information n’a filtré à ce sujet, sinon que la police est venue visiter les familles de certains séminaristes pour exercer des pressions sur ces derniers.

Quant aux conséquences canoniques et pastorales de ces futures ordinations, elles sont multiples. Ordonnés par un évêque illégitime, qui de ce fait ne peut poser d’actes de gouvernement valides ni même célébrer les sacrements, les futurs prêtres se retrouveront dans une situation délicate sur le plan canonique. D’un point de vue pastoral, les attentes des fidèles du diocèse de Dali sont fortes. Avec environ 80 000 catholiques, appartenant pour la plupart à sept des minorités ethniques qui peuplent le Yunnan, le diocèse de Dali est pauvre en prêtres. A l’heure actuelle, seulement trois d’entre eux y exercent leur ministère, épaulés par trois religieuses. La diversité des langues et des cultures ainsi que les distances entre les paroisses dans un pays de montagne rendent l’apostolat difficile d’un strict point de vue humain. « Chaque année, un prêtre parcourt jusqu’à 60 000 km pour visiter les communautés », précise une source citée par l’agence Ucanews (2). Toutefois, malgré la pénurie de prêtres, une bonne partie des fidèles, à l’image de ce que l’on peut constater dans d’autres régions de Chine, répugnent aujourd’hui à travailler avec un clergé illégitime.

Avant les ordinations diaconales du 30 novembre dernier, Mgr Ma Yinglin avait été personnellement prévenu par Rome qu’il n’était pas souhaitable qu’il préside à ces ordinations. On peut penser qu’à l’approche des ordinations sacerdotales du 26 mars, le même type de mise en garde lui a été adressé par Rome et qu’il lui a été conseillé d’agir ainsi que l’ont fait d’autres évêques illégitimes, lesquels ont envoyé leurs séminaristes être ordonnés en-dehors de leur diocèse par un évêque en communion avec Rome. Il semble que Mgr Ma n’ait pas pu – ou pas voulu – agir ainsi.

Selon une source citée par Ucanews, si le droit de l’Eglise doit être pris en compte dans cette affaire, il est aussi nécessaire de comprendre le contexte local dans lequel l’Eglise du Yunnan est plongée. En effet, il est très improbable que le Bureau des Affaires religieuses autorise un évêque « officiel » mais légitime, extérieur au Yunnan, à venir à Dali pour présider les ordinations du 26 mars. Parce que les autorités chinoises cherchent à imposer Mgr Ma Yinglin à la tête de l’Eglise en Chine, elles ne l’affaibliront certainement pas en acceptant la venue au Yunnan d’un évêque en communion avec Rome. « Certaines personnes et organisations à l’étranger ne comprennent pas notre situation et tendent à se livrer à des commentaires irréalistes. La solution définitive à ce problème sera trouvée le jour où le Saint-Siège légitimera Mgr Ma », explique cette source anonyme appartenant à la partie « officielle » de l’Eglise.