Eglises d'Asie

Tibet : appel à l’intervention des Nations Unies après la 28e immolation par le feu d’un Tibétain

Publié le 16/03/2012




Mercredi 14 mars, Jamyang Palden, un moine bouddhiste âgé d’une trentaine d’années, s’est immolé par le feu à Rangwo (district de Rebkong), dans la province chinoise du Qinghai. La nouvelle, rendue publique par Free Tibet et The International Campaign for Tibet, a été confirmée peu après par Xinhua, l’agence gouvernementale. Cette dernière tentative de suicide par le feu, la deuxième dans le Qinghai (ancien Amdo tibétain), a été suivie d’une manifestation pacifique spontanée de plusieurs centaines de moines et d’habitants de Rangwo, appelant au retour du dalai lama et à la « liberté pour le Tibet ».

L’auto-immolation s’est produite mercredi dernier, devant le monastère de Rangwo, sur une place toujours comble à cette heure de la matinée en raison de sessions de prière. Jamyang Palden s’est aspergé d’essence avant de s’enflammer en criant : « Laissez revenir Sa Sainteté ! Liberté pour le Tibet et la langue tibétaine ! ». Les forces de sécurité sont intervenues pour disperser violemment la foule entourant le jeune moine et l’emmener à l’hôpital, celui-ci ayant survécu à sa tentative. Les versions divergent quant à la suite des événements : selon l’agence Xinhua, les autorités seraient actuellement « en discussion » avec la famille du blessé – qui est dans état grave -, pour le transférer vers un établissement situé dans une autre province ; selon d’autres témoignages relayés par Free Tibet, plusieurs moines accompagnés de lamas seraient venus rechercher Jamyang Palden pour le ramener à son monastère, de peur qu’il ne soit arrêté et maltraité par les autorités.

Les ONG ayant des informateurs sur place rapportent que peu après la tentative d’auto-immolation, plus de 500 moines et de nombreux habitants de Rangwo ont afflué sur la place où venait d’avoir lieu le drame tandis que des centaines d’autres, venus des environs pour marquer leur solidarité, étaient stoppés à l’entrée de la ville par les forces de l’ordre. Sur le Net, des vidéos réalisées par portable montrent la foule de Rangwo, refusant de se disperser, psalmodiant des mantras et, pour certains des manifestants, brandissant des effigies du dalai lama en réclamant son retour, des actes passibles de graves sanctions dans les zones tibétaines (1).

Depuis 2009, et à un rythme qui s’est accéléré de manière inquiétante ces derniers mois, au moins 28 Tibétains se sont auto-immolés en public pour protester contre l’oppression chinoise et obtenir le retour du dalai lama. Les victimes, souvent très jeunes, sont des moines en très grande majorité, mais aussi des nonnes et des laïcs, hommes et femmes. Le décès d’au moins 19 d’entre eux est aujourd’hui confirmé, le sort des autres restant incertain. Ce mois de mars 2012, traditionnellement accompagné de troubles en raison de l’anniversaire du soulèvement de Lhassa de 1959 et de l’écrasement des manifestations de 2008, promet d’être le plus meurtrier avec déjà quatre immolations (2).

Au soir du 14 mars, depuis Pékin, le Premier ministre Wen Jiabao a stigmatisé ces « actes radicaux qui n’ont pour unique but que de saper l’harmonie sociale » et fustigé le rôle du dalai lama qu’il a qualifié de « conspirateur et fomenteur de troubles ».

Le chef du gouvernement tibétain en exil, Lobsang Sangay, a réitéré de son côté la position du dalai lama, rappelant que ce dernier « avait toujours découragé les Tibétains d’en venir à ces mesures extrêmes » et invoqué le respect de la vie. « Bien qu’il ait rendu hommage au courage de ceux qui ont donné leur vie pour le Tibet », le dalai lama pense que « cela n’aura malheureusement aucun impact sur les dirigeants de la Chine, tout en faisant perdre des vies précieuses à la communauté tibétaine », a ajouté le chef du gouvernement de Dharamsala. Soulignant que « malgré ces exhortations, les Tibétains continuaient à s’auto-immoler», il en a ensuite conclu que « la faute en incombait entièrement aux dirigeants extrémistes de Pékin ».

La question des immolations a dominé par ailleurs la session du Parlement tibétain en exil qui s’ouvrait ce même 14 mars. Le président du Parlement, Penpa Tsering, a accusé Pékin d’avoir plongé le Tibet dans « la période la plus noire » de son histoire. Les parlementaires, portant un brassard noir en signe de deuil, ont adopté à l’unanimité une résolution par laquelle ils ont pressé la Chine de mettre fin à la répression au Tibet. Ils se sont également adressés à la communauté internationale, l’exhortant à intervenir auprès de Pékin pour que cessent les exactions au Tibet et demandant aux Nations Unies d’envoyer une commission d’enquête internationale en zone tibétaine.

Cette requête est intervenue alors qu’à Genève où se tenait la 19e session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, différents rapporteurs exprimaient leur inquiétude au sujet de « la situation au Tibet », et appelait également à envoyer dans les régions tibétaines, « coupées du reste du monde » par les autorités chinoises, des observateurs indépendants, dont un haut commissaire de l’ONU (3).

Ce vendredi 16 mars, alors que l’ONG Human Rights Watch rapportait la décision du gouvernement de la Région autonome du Tibet de mettre tous les monastères sous le contrôle direct des autorités, Lobsang Sangaya réitéré de façon pressante sa demande d’une intervention internationale au secrétaire général des Nations Unies. « Nous, Tibétains vivant au Tibet comme en exil, appelons les Nations Unies à mandater un envoyé spécial au Tibet, en particulier dans les zones où ont eu lieu les immolations, afin d’enquêter sur le terrain », a demandé le chef du gouvernement tibétain en exil à Ban Ki-Moon.