Eglises d'Asie

Les aborigènes demandent la protection de l’Etat face à l’augmentation des attaques et des spoliations forcées

Publié le 23/03/2012




Dans un climat politique déjà très tendu, avec les importantes manifestations qui paralysent le pays depuis le début du mois (1), des centaines d’aborigènes ont bloqué, mardi 20 mars, les routes principales du district de Rajshahi, situé dans le nord-ouest du Bangladesh. Les adivasi (‘tribals’) protestaient contre l’augmentation inquiétante des exactions et des expropriations forcées exercées à leur encontre par la communauté bengali musulmane majoritaire.

Réclamant du gouvernement qu’il fasse cesser les « violations des droits de l’homme » dans le district de Rajshahi, les manifestants ont également accusé les autorités et la police locales de collusion avec les auteurs des violences, lesquels ont multiplié ces derniers temps les attaques et les actes criminels afin de les chasser de leurs terres et de leurs villages.

Issus de différentes minorités ethniques, les adivasi qui ont répondu à l’appel du Jatiya Advasi Parishad (JAP), un collectif luttant pour les droits des aborigènes du nord du Bangladesh, ont bloqué pendant plusieurs heures les principales voies d’accès au chef-lieu de district Rajshahi. La plupart d’entre eux affichaient leur appartenance chrétienne, scandant, croix en tête, des slogans réclamant le respect de leurs droits.

« Les expropriations illégales de terres se sont intensifiées, les aborigènes sont chassés de leurs terres ancestrales, et tout cela avec le soutien des autorités locales et des forces de l’ordre ! », s’est indigné auprès de l’agence Ucanews Anil Marandi, ancien président de l’organisation et l’un des organisateurs de la manifestation. A 52 ans, ce catholique appartenant à l’ethnie santal est l’un des leaders de sa communauté, la plus importante minorité ethnique du sous-continent indien. Il explique que les adivasi ont porté plainte à de nombreuses reprises contre ceux qui les avaient expropriés illégalement ou avaient exercé des violences à leur encontre, sans que rien ne soit jamais fait pour sanctionner les coupables ou rendre justice aux victimes.

Alors que la communauté aborigène s’était réjouie en novembre dernier du vote d’une loi censée permettre aux minorités ethniques de récupérer leurs terres spoliées par l’Etat (2), les exactions dans les districts de Rajshahi et Dinajpur n’ont cessé d’augmenter ces derniers mois, malgré les protestations récurrentes des ONG et des collectifs de défense des peuples autochtones.

Lors de la manifestation de mardi dernier, l’actuel président du JAP, Rabindranath Soren, a déclaré qu’aujourd’hui les aborigènes n’avaient plus d’autre choix que de « descendre dans les rues et bloquer les routes » pour faire reconnaître leurs droits : « Nous ne sommes [toujours] pas reconnus par la Constitution (3) et nos droits n’ont par conséquent jamais été pris en compte. Aujourd’hui, nous sommes au pied du mur. Si le gouvernement nous montrait seulement un peu de considération, nous pourrions vivre en paix. »

Le 17 mars dernier, en réaction aux dernières attaques menées contre les communautés adivasi, le Jatiya Advasi Parishad avait publié une déclaration dans laquelle il pressait le gouvernement bangladais d’assurer de toute urgence la « protection des personnes et des biens des peuples indigènes du Nord-Bengale ». Dans son communiqué, l’organisation rappelait qu’il y avait 38 ethnies aborigènes différentes, soit environ 200 000 personnes, vivant sur le territoire du district de Rajshahi depuis des siècles et qui se voyaient aujourd’hui dépossédées de leurs terres. Suivait ensuite quelques exemples récents des exactions et des agressions commises par les Bengalis à l’encontre des adivasi : meurtres, viols, attaques de villages, incendies d’habitations, kidnappings, menaces, et enfin expropriations forcées.

Ces actes criminels, poursuivait la déclaration reprise par l’ONG Kapaeeng Foundation, ont été commis « avec la complicité de fonctionnaires corrompus, dont ceux appartenant à la police » qui aidaient les agresseurs à expulser les aborigènes de leurs terres « en produisant de faux titres de propriété ou en conduisant des attaques haineuses contre eux ».

Le nombre des aborigènes au Bangladesh est estimé à environ trois millions de personnes, se réclamant de plus de 45 groupes ethniques différents. L’Eglise catholique du pays compte quant à elle, quelque 350 000 membres adivasi.