Eglises d'Asie – Chine
Vive réaction des instances « officielles » de l’Eglise au dernier communiqué du Vatican
Publié le 11/05/2012
… à savoir l’Association patriotique des catholiques chinois et la Conférence des évêques « officiels » de Chine, s’est référé à ce commentaire pour déclarer : « Nous pensons que les laïcs ont le droit d’exprimer leur point de vue sur les affaires de l’Eglise et nous estimons que cet article est représentatif de la pensée de très nombreux fidèles chinois. »
Posté sous le titre : « Accomplissez votre mission, travaillez dur à l’évangélisation », le commentaire apparu sur le site de l’Association patriotique et de la Conférence épiscopale « officielle » est signé du pseudonyme Xiaoyang (‘agneau’ en mandarin). Son auteur estime que le communiqué du Saint-Siège du 26 avril « porte atteinte à la solidarité des catholiques de Chine » ainsi qu’au « travail pastoral de l’Eglise ». Sans les nommer, il ajoute que « certains membres de la commission vaticane » ne comprennent rien à la situation de l’Eglise en Chine, reprenant des commentaires lus sur la blogosphère catholique chinoise soulignant le fait qu’aucun clerc issu de l’Eglise de Chine ne faisait partie de la commission en question. Il souligne aussi que les besoins véritables des laïcs et du clergé chinois sont incompris par le Saint-Siège.
En réponse au communiqué du Vatican notant en Chine « la prétention persistante des organismes appelés ‘Conférence et Association’ à se placer au-dessus des évêques et à guider la vie de la communauté ecclésiale », ainsi que le constat d’un certain tassement du nombre des vocations sacerdotales et religieuses, l’anonyme Xiaoyang affirme que « les dizaines de milliers de baptêmes » célébrés dans le pays lors de la veillée pascale « témoignent du succès de l’Eglise de Chine ». Statistiques à l’appui, il ajoute que les développements florissants que connaît l’Eglise en Chine sont la preuve de l’action bienfaisante de l’Association patriotique et de la Conférence « officielle ».
Se faisant plus offensif, Xiaoyang estime que c’est le Vatican qui fait preuve d’« arrogance » en « se plaçant de lui-même au-dessus du clergé chinois, en trouvant à redire aux actions de nos évêques et en détruisant l’unité et la communion au sein de l’Eglise de Chine ». S’adressant aux catholiques chinois, il les invite « à garder les yeux ouverts et à ne pas se laisser abuser par les actes hypocrites de certaines personnes qui se présentent comme étant soucieuses du sort de l’Eglise de Chine ».
Enfin, tout comme le communiqué du Vatican se terminait par un appel à la prière mariale à l’occasion du 24 mai, Journée de prière pour l’Eglise en Chine, Xiaoyang conclut son texte par un appel à prier la Vierge Marie afin que « ceux qui ne comprennent pas l’Eglise de Chine ne commettent pas de nouvelles actions à l’encontre de la charité et de la communion ».
Selon certains observateurs, le fait que les instances « officielles » ne réagissent pas directement au communiqué du 26 avril mais laissent – ou pilotent ? – un laïc anonyme s’exprimer à leur place est symptomatique de leur rhétorique habituelle. Puisque la commission vaticane avait mis en tête de son ordre du jour la question de la formation des laïcs, c’est donc un laïc qui portera la réponse des instances « officielles » chinoises à la parole émise depuis le Saint-Siège. De même, là où la commission vaticane soulignait que, par les actes qu’ils ont posés, certains évêques en Chine avaient « usurpé un pouvoir que l’Eglise ne leur avait pas conféré », le texte de Xiaoyang dénonce « l’arrogance » d’un Vatican qui se place au-dessus du clergé chinois, tout en passant sous silence les passages pourtant explicites du communiqué du 26 avril où l’on pouvait lire que « l’Eglise [avait] besoin de bons évêques (…) » qui recevaient « du Christ, par l’Eglise, leur mission et leur autorité, exercée en union avec le Pontife romain et tous les évêques à travers le monde. »
Sur le site Internet de l’Administration d’Etat des Affaires religieuses, l’instance gouvernementale qui gère les questions religieuses en Chine, le P. Yang Yu est allé plus loin encore, déclarant que « tous les évêques de l’Eglise en Chine, tout comme les évêques de l’Eglise universelle, [avaient] été spécialement choisis par Dieu ». Faisant ainsi l’impasse sur la nomination des évêques par le pape, il a ajouté qu’en Chine, « les ordinations et les sacrements célébrés [par tous les évêques chinois] étaient légitimes et valides ». Il appuyait son affirmation sur l’argument que « tout pouvoir sacramentel vient de Dieu ».
Selon un observateur très au fait des réalités ecclésiales chinoises, le P. Yang Yu, en développant une telle argumentation, n’a pas hésité à la fois à nier l’importance du discernement ecclésial au travers de la nomination par le pape et à contredire la pratique même des autorités chinoises, qui affirment vouloir nommer elles-mêmes les évêques, en niant justement que les évêques sont des « dons de Dieu à son Peuple », comme le rappelle pourtant le communiqué du Saint-Siège.
Le professeur Ren Yanli est un universitaire qui, bien que n’étant pas catholique lui-même, a dirigé durant plusieurs années le Bureau d’études du christianisme de l’Académie des sciences sociales à Pékin. Interrogé par l’agence Ucanews avant la mise en ligne le 9 mai du commentaire de Xiaoyang (1), il estimait que le communiqué du Saint-Siège répondait à un besoin de clarification au sein de la communauté des fidèles, notamment après les troubles causés par les récentes ordinations épiscopales illégitimes ainsi que par la participation d’évêques illégitimes à des cérémonies d’ordination d’évêques légitimes. Il soulignait ainsi qu’à son sens, la phrase la plus significative du communiqué romain était que « l’évangélisation ne saurait sacrifier les éléments essentiels de la foi et de la discipline catholiques ». Ceci étant posé, ajoutait-il, l’effet que le communiqué pourra avoir sur l’Eglise de Chine dépendra de la manière dont les catholiques chinois se l’approprieront.