Eglises d'Asie

Tibet : suite aux dernières immolations, les autorités bouclent la région et arrêtent des centaines de Tibétains

Publié le 07/06/2012




Impuissantes à arrêter la vague des immolations qui a gagné maintenant Lhassa, les autorités chinoises ferment à nouveau le Tibet pour une durée indéterminée, pendant que se poursuit la répression loin des médias et du regard de la communauté internationale.

Cela fait la deuxième fois depuis le début de l’année que Pékin interdit l’entrée du territoire de la Région autonome du Tibet (TAR), mais cette fermeture intervient alors que viennent juste de commencer les fêtes de Saga Dawa, célébrant la naissance, l’illumination et la mort du Bouddha dans le calendrier tibétain, des festivités qui drainent habituellement pendant un mois un flot de touristes dans la région.

Il y a seulement dix jours, deux jeunes moines se sont immolés dans la capitale du Tibet, jusqu’ici épargnée par la vague des suicides par le feu, suivis dans leur geste désespéré par une mère de trois enfants le 31 mai dans la province voisine du Sichuan.

Depuis mars 2011, et à un rythme qui s’est accéléré, plus de 38 Tibétains se sont immolés par le feu en public pour protester contre l’oppression chinoise et obtenir le retour du dalaï lama. Les victimes, souvent très jeunes, sont des moines en très grande majorité, mais aussi des nonnes et des laïcs, hommes et femmes. Le décès d’au moins 25 d’entre eux est aujourd’hui confirmé, le sort des autres restant incertain (1).

Les suicides par le feu ont commencé en 2009 avec la résistance des moines de Kirti, avant de se propager dans les provinces chinoises de peuplement tibétain. Selon les organisations de défense des droits de l’Homme, plus d’une trentaine de ses immolations ont eu lieu dans les provinces extérieures à la TAR (Sichuan, Gansu and Qinghai).

Dimanche 27 mai, c’est devant le temple du Jokhang, célèbre lieu de pèlerinage de Lhassa, que les deux jeunes moines ont choisi de se transformer en torches vivantes. Selon les agences de presse officielles, les policiers seraient parvenus à éteindre les flammes « en quelques minutes ». L’un des moines, Tobgye (Dorjee) Tseten, âgé de 19 ans, est mort sur les lieux du drame ; il était originaire de Bora, dans le Gansu, l’ancienne province tibétaine de l’Amdo. Quant à son ami Gargye, 25 ans, il aurait survécu à ses blessures mais serait dans un état grave. Lui aussi venait de l’extérieur de la TAR, de Ngaba, dans le Sichuan, ancienne province tibétaine du Kham, d’où les moines de Kirti ont lancé la vague de révolte par l’immolation.

Depuis les événements du 27 mai, plus de 3 000 soldats, policiers et agents des forces spéciales ont été déployés à Lhassa et l’accès au territoire de la Région autonome du Tibet a été interdit aux touristes, étrangers à la province, journalistes et ONG. Les lignes téléphoniques, les portables, les réseaux Internet sont sous surveillance, tous les pèlerins et visiteurs venus pour le Saga Dawa ont été expulsés.

Différentes ONG ainsi que des sources émanant de la communauté tibétaine en exil font mention d’au moins 600 personnes arrêtées dans la capitale tibétaine. La plupart seraient des moines, d’autres des pèlerins ou des habitants de Lhassa ayant été témoins des immolations. « Environ 600 Tibétains ont été arrêtés la seule journée du 29 mai et sont actuellement détenus au centre de détention de Tsel Gungthang », a déclaré sous le couvert de l’anonymat une Tibétaine vivant dans la région, citée par Radio Free Asia.

Réagissant aux arrestations, les laïcs ont pris le relais des moines : Rikyo, âgée d’environ 35 ans et mère de trois jeunes enfants, s’est immolée le 30 mai au Sichuan. Selon Radio Free Asia et Free Tibet, le suicide de la jeune femme tibétaine, qui est décédée de ses blessures, a eu lieu devant le monastère de Jonang Dzamthang Gonchen, dans la préfecture d’Aba, toujours dans cette partie du Sichuan où couve la révolte et d’où était originaire le jeune Gargye.

Le 3 juin dernier, le gouvernement tibétain en exil à Dharamsala, a fait part dans une déclaration de presse de la démission de ses envoyés spéciaux auprès des autorités de Pékin. « Etant donné l’aggravation de la situation au Tibet depuis 2008, qui a débouché sur une vague d’immolations de Tibétains, nous nous sentons obligés de démissionner », ont expliqué Lodi G. Gyari et Kelsang Gyaltsen, en fonction depuis 2002. Les deux représentants du dalaï lama ont également déploré le refus de dialogue de leurs homologues chinois, rapportant que l’un d’entre eux avait même préconisé l’abolition du statut des minorités inscrit dans la Constitution chinoise.

Le Kashag (conseil exécutif du gouvernement tibétain en exil) a tenu cependant à réaffirmer sa conviction que la seule manière de résoudre la question du Tibet ne pouvait passer que par le dialogue dans l’esprit de la « voie médiane », proposant, non l’indépendance comme l’en accusait Pékin, mais un statut d’autonomie véritable pour les Tibétains, au sein de la République populaire de Chine.

Ce jeudi 7 juin, l’Administration centrale tibétaine (CTA) de Dharamasala a déclaré être prête à nommer de nouveaux envoyés spéciaux auprès des autorités chinoises si Pékin manifestait une quelconque volonté de reprendre les négociations. Depuis une dernière série de discussions en janvier 2010, Pékin refuse en effet de rencontrer à nouveau la délégation tibétaine.