Eglises d'Asie – Chine
Pékin minimise son refus de visa au pasteur norvégien Bondevik, ancien Premier ministre de son pays
Publié le 14/06/2012
« Chaque pays a sa propre politique en matière de visa et l’applique comme il le souhaite », a déclaré le porte-parole, qui a ajouté que « les gens ne devaient pas chercher à sur-interpréter » le cas de Kjell Magne Bondevik. Il n’a toutefois pas donné d’explication au refus de visa de l’ancien Premier ministre norvégien.
Depuis Oslo, la veille, Kjell Magne Bondevik avait précisé que le personnel de l’ambassade de République populaire de Chine lui avait seulement dit ne pas avoir reçu de Pékin l’autorisation de lui délivrer un visa. « Cela ressemble à une mesure de rétorsion de la part des autorités chinoises ; bien que je n’ai eu aucune part dans l’attribution du prix Nobel [décerné en octobre 2010 à Liu Xiaobo], Pékin a dû apprendre que je l’approuvais », a déclaré l’ancien Premier ministre à la presse de son pays, ajoutant que son cas n’était pas très différent de celui de beaucoup d’autres Norvégiens qui s’étaient vus refuser un visa par la Chine depuis l’attribution du prix Nobel de la paix au célèbre dissident chinois.
Membre du Parti chrétien-démocrate, Kjell Magne Bondevik a été Premier ministre de 1997 à 2000, puis de 2001 à 2005, une responsabilité qui l’a notamment amené à se rendre en Chine à titre officiel en 2002. Il y avait été reçu par Jiang Zemin et Zhu Rongji, à l’époque respectivement président et Premier ministre de la République populaire de Chine. N’occupant désormais plus de fonctions politiques, Kjell Magne Bondevik dirige à Oslo un centre pour la promotion de la paix et des droits de l’homme. Pasteur de l’Eglise luthérienne et évangélique de Norvège – qui jusqu’à très récemment avait le statut d’Eglise d’Etat –, il est également membre de la Commission pour les Affaires internationales du COE depuis 2007.
C’est au titre de ses responsabilités de pasteur luthérien que Kjell Magne Bondevik devait se rendre en Chine. Du 9 au 16 juin, le Conseil œcuménique des Eglises (COE), dont le siège est à Genève, tient pour la première fois de son histoire une rencontre internationale en Chine populaire. A Nankin durant les premiers jours, à Shanghai pour la session conclusive, le COE doit débattre de différents sujets, dans le cadre de séminaires et de conférences sur des thèmes aussi divers que « Comprendre la Chine », la lutte contre la pauvreté ou encore la crise environnementale, sans oublier les religions en Chine ou la politique religieuse du gouvernement. Organisée par la Commission pour les Affaires internationales de la COE, la rencontre est accueillie sur place par le Conseil chrétien de Chine (CCC). Le CCC réunit les chrétiens protestants affiliés au Mouvement des trois autonomies, la structure chapeautant la partie « officielle » du protestantisme chinois. Kjell Magne Bondevik devait être le modérateur des débats de cette rencontre.
Pour le secrétaire général du COE, le pasteur Olav Fykse Tveit, lui aussi norvégien mais qui a pu se rendre en Chine, le refus de visa au pasteur Kjell Magne Bondevik est « décevant » et « surprenant » dans la mesure où Pékin avait approuvé le programme de la rencontre et n’ignorait donc pas que Kjell Magne Bondevik en serait le modérateur.
Quelques semaines avant la réunion de Nankin et Shanghai, le COE s’était pourtant réjoui de l’événement. « Il s’agit de la 51ème rencontre de la Commission pour les Affaires internationales (du COE). Cette réunion est un événement historique car c’est la première fois depuis la création du COE en 1948 qu’un rassemblement œcuménique international a lieu en Chine », avait déclaré George Mathews Chunakara, directeur de la Commission, qui ajoutait que l’accent serait mis sur « la situation unique des Eglises chinoises et les relations œcuméniques » dans cette région du monde. Les débats auraient aussi pour objet de finaliser les modalités de la 10ème Assemblée du COE, qui se tiendra à Busan (Pusan), en Corée du Sud, en octobre 2013 (2).
Parmi les personnalités chrétiennes interdites de facto de séjour en Chine, on trouve également de nombreux catholiques tels que le cardinal Zen Ze-kiun, évêque émérite de Hongkong. Ces derniers mois, une vingtaine de prêtres et de missionnaires catholiques qui avaient des visas en règle pour le continent se sont vus interdire l’entrée sur le sol chinois. A chaque fois, les fonctionnaires de police ont seulement argué du fait que la Chine était un pays souverain et n’avait pas à justifier ses refus ou annulations de visas.