Eglises d'Asie

Nouvel appel au pape lui demandant de protéger l’évêque catholique de Mannar

Publié le 18/06/2012




Par une lettre ouverte envoyée au pape Benoît XVI mercredi 13 juin, Jayalath Jayawardena, membre de l’opposition au Parlement sri-lankais, a appelé le Vatican à faire pression sur Colombo afin que cesse la persécution du gouvernement et des médias à l’encontre de l’évêque catholique de Mannar, Mgr Rayappu Joseph.

Moins d’une semaine après la rencontre au Vatican de Mahinda Rajapaksa avec Benoît XVI, et deux jours à peine après l’envoi d’une lettre presque similaire par Brian Senewiratne éditorialiste au Colombo Telegraph, c’est au tour de l’un des leaders de l’United National Party (UNP), Jayalath Jayawardena, d’alerter le Saint-Père sur la campagne de menaces et diffamation que subit Mgr Rayappu depuis le début de l’année, et qui ne cesse de croître, ravivant les inquiétudes de sa communauté et des organisations de défense des droits de l’homme craignant aujourd’hui pour la vie de l’évêque.

« Je viens vous prier de bien vouloir user de vos bons offices afin que le gouvernement sri-lankais assure la sécurité de Mgr Joseph, et lui permette de pouvoir continuer sa mission sans qu’il continue de subir des menaces, des manoeuvres d’intimidation ou des campagnes de diffamation », écrit le secrétaire général adjoint de l’UNP, parti mené par Ranil Wickremasinghe.

Jayalath Jayawardena rappelle que depuis que l’évêque de Mannar a demandé l’aide des Nations Unies par une lettre cosignée d’une trentaine de membres de son clergé (contribuant ainsi au vote d’une résolution de l’ONU contre le Sri Lanka), il est l’objet de menaces grandissantes de la part du gouvernement comme des autorités locales. Le député énumère ensuite les dernières actions menées à l’encontre du prélat tamoul : accusation de complot contre l’Etat, menaces d’arrestation, interrogatoire par des agents du Criminal Investigation Department (CID) au sujet de son rapport sur les personnes disparues rendu à la LLRC (1),  campagne de diffamation des médias d’Etat l’accusant de briguer le titre de « cardinal des Tigres tamouls », de soutenir le terrorisme ou encore de fomenter des troubles contre les musulmans.

« Jamais l’évêque de Mannar n’a appelé à la division du pays ni à la reprises des combats, rejetant tout au contraire la violence et prônant la réconciliation et la paix », poursuit le député qui ajoute que le seul combat de l’évêque de Mannar a été d’être « la voix des sans-voix », qu’ils soient tamouls ou cinghalais, chrétiens, hindous ou musulmans. Soulignant à quel point ces « menaces et intimidations grandissantes » exercées contre « un homme considéré comme l’un des plus grands défenseurs de la paix au Sri Lanka », avaient introduit « la peur chez tous les responsables religieux et militants des droits de l’homme du Nord de l’île », Jayalath Jayawardena conclu sa lettre ouverte en suppliant le pape de mettre fin à « cette injuste persécution ».

La réponse du gouvernement sri-lankais à ce nouvel appel à Benoît XVI ne s’est pas fait attendre. Dimanche 17 juin, dans son éditorial, le très officiel Sunday Observer a accusé le député de l’opposition de se servir du pape pour aider les « terroristes du LTTE [Tigres de Libération de l’Eelam tamoul] à répandre leurs mensonges ».

« En tant que catholique romain, le Dr Jayawardena n’a rien trouvé de mieux que de lancer un appel au pape, alors que cette question n’est absolument pas du ressort du Saint-Père », ironise l’hebdomadaire qui ajoute que si l’évêque de Mannar avait eu à se plaindre de prétendues attaques contre lui, il aurait fallu qu’il « en informe les autorités locales, mais certainement pas le Vatican ». Le Sunday Observer conclut en soulignant « le mauvais goût de faire une telle démarche, quelques jours à peine après la visite du président Mahinda Rajapaksa au pape ».

La lettre du parlementaire – qui suit de peu celle publiée le 11 juin dans le Colombo Telegraph – vient en effet jeter l’ombre du discrédit sur le rapport dithyrambique que la presse officielle avait fait de la visite du président sri-lankais au Vatican le 8 juin dernier. Avec la même unanimité que pour le séjour du président à Londres à l’occasion du jubilé de la reine Elizabeth II, les médias avaient largement couvert le « très grand succès » de la rencontre de Manhinda Rajapaksa avec Benoît XVI. Les manifestations de tamouls sri-lankais qui avaient perturbé le séjour du président du Sri Lanka à Londres ainsi que la polémique qui avait accompagné sa visite ayant rapidement décrédibilisé la version officielle, le gouvernement sri-lankais, bien qu’ouvertement bouddhiste, avait alors choisi de mettre en avant l’entretien avec le pape, « une personnalité importante, honorée par des millions de personnes dans le monde ».

« Le Vatican accorde son soutien inconditionnel au travail de réconciliation effectué par le gouvernement sri-lankais », avait ainsi titré le 11 juin l’Asian Tribune, avant de citer Mohan Pieris, conseiller spécial auprès du gouvernement et membre de la délégation accompagnant le président à Rome. « Cela a été un incroyable encouragement pour le président de savoir que le Saint-Siège soutenait à 110 % le programme de réconciliation du gouvernement », a déclaré l’ancien Attorney General (ministre de la Justice) du Sri Lanka. Alors que le quotidien lui demandait si  le Saint-Père avait évoqué lors de l’entretien le cas de l’évêque de Mannar, Mohan Pieris répondait : « Non… pas vraiment (…) .Ce sujet n’a pas été abordé et il n’y avait aucune raison de le faire car à ma connaissance, il n’y a aucun problème particulier. »