Eglises d'Asie

Un an après la reprise des combats entre les Kachins et l’armée birmane, la situation des civils réfugiés en Chine est inquiétante

Publié le 26/06/2012




Un peu plus d’un an après le 9 juin 2011, date de la reprise des combats entre la rébellion kachin et l’armée birmane, les opérations militaires continuent dans l’Etat Kachin, situé dans la partie septentrionale de l’Union birmane. Les populations civiles qui ont fui le conflit ont majoritairement trouvé refuge auprès de centres d’accueil improvisés sur place par les Eglises chrétiennes. D’autres, poussés par les combats et la crainte de l’armée birmane, ont franchi la frontière et trouvé refuge en Chine populaire. …

… Publié ce 26 juin, un rapport de Human Rights Watch (HRW) documente les difficiles conditions de vie de ces réfugiés, dont le nombre est estimé à environ 10 000, et la quasi-absence d’aide que les autorités chinoises leur apportent.

Intitulé « Isolés au Yunnan : les réfugiés kachin de Birmanie dans la province chinoise du Yunnan », le rapport de HRW décrit comment les 7 000 à 10 000 Kachins qui ont passé la frontière ces derniers mois n’ont trouvé au Yunnan aucune structure officielle pour organiser des camps de réfugiés. Les déplacés ont dû trouver des solutions provisoires, avec l’aide limitée d’un certain nombre d’ONG locales. Dans la présentation du rapport de 68 pages, Sophie Richardson, directrice du secteur Asie à HRW, explique que les réfugiés kachins au Yunnan « manquent d’abri, de nourriture, d’eau potable, d’installations sanitaires et des soins de santé les plus basiques ». La plupart des enfants ne peuvent aller à l’école tandis que les adultes qui cherchent à s’employer comme journaliers, sont vulnérables à l’exploitation d’employeurs locaux peu scrupuleux. Certains réfugiés ont été appréhendés de manière arbitraire par la police ou l’armée chinoise pour leur faire subir des tests de dépistage de drogue, leur infliger des amendes ou les envoyer en prison sans jugement. Quelque 300 réfugiés auraient, de plus, été refoulés à la frontière par les autorités chinoises, certains d’entre eux ayant contraints à retourner en Birmanie, en zones pourtant touchées par les combats, rapporte le document de HRW.

La semaine précédant la publication de ce rapport, Bauk Ja (ou Bawk Gyar), ardente militante de la cause kachin et des droits des paysans, était à Bangkok pour attirer l’attention de la communauté internationale sur les réfugiés kachins. « Ils ont un besoin urgent de nourriture, d’aide médicale et d’abris adaptés [pour la mousson qui a commencé] », a déclaré celle qui a été parmi les plus actives dans la campagne de signatures réclamant l’arrêt de la construction du barrage de Myitsone, un des éléments déclencheurs de la reprise des combats en juin 2011.

Membre du National Democratic Force (NDF), le parti fondé par d’anciens membres de la Ligue nationale pour la démocratie d’Aung San Suu Kyi pour se présenter aux élections législatives de 2010, Bauk Ja a également appelé le gouvernement de Birmanie à mieux entendre les élites présentes au sein des groupes ethniques. Les pourparlers entre la Kachin Independence Army et Naypyidaw n’ont rien donné et les combats se poursuivent, a-t-elle souligné, ajoutant que la communauté internationale soucieuse de l’avenir de la Birmanie, se devait de prendre en compte l’existence des élites éduquées des minorités ethniques : « Leurs leaders ont un rôle déterminant à jouer au Myanmar car Aung San Suu Kyi, si elle reste l’icône de la démocratie pour la communauté internationale, ne pourra pas résoudre tous les problèmes du pays toute seule, en particulier ceux qui concernent les régions où vivent les minorités ethniques. »

En attendant que soit apportée une solution politique à la question ethnique en Birmanie, les Eglises chrétiennes restent mobilisées pour apporter leur aide aux populations déplacées. Dans l’Etat Kachin, les populations sont majoritairement chrétiennes, baptistes mais aussi catholiques, sans compter de nombreuses autres dénominations protestantes. Le P. Aung Dan qui dirige le Karuna Banmaw Social Service, la Caritas locale du diocèse de Banmaw (Bhamo), l’un des deux diocèses catholiques (avec celui de Myityina), de l’Etat Kachin, souligne lui aussi que les réfugiés kachin en Chine manquent de tout. Il ajoute que la mousson rend les choses encore plus difficiles, que ce soit dans l’Etat Kachin ou en Chine, surtout autour de la ville de Ruili où se trouve une bonne part des réfugiés. « Les autorités chinoises n’aident pas les réfugiés et c’est nous-mêmes, à la Karuna, avec l’appui de bienfaiteurs privés, qui leur faisons passer de l’aide. Mais les fonds disponibles seront épuisés d’ici à la fin du mois [de juin] », précise-t-il à l’agence Ucanews.

Selon différentes sources, l’aide de la communauté internationale commence seulement à arriver au compte-goutte dans l’Etat Kachin mais pas du tout du côté chinois de la frontière, où les autorités ne veulent pas entendre parler d’une intervention de l’UNHCR ou de la Croix-Rouge internationale. En mai dernier, les autorités birmanes avaient empêché les agences de l’ONU d’accéder aux zones où se trouvaient les villageois déplacés. Et ce n’est que le 5 juin qu’un convoi onusien de cinq camions a pu parvenir jusqu’à Loije, localité située au nord de Bhamo, où l’aide a été distribuée à 200 déplacés rassemblés sur le terrain de la paroisse catholique locale. D’autres convois seraient depuis arrivés dans la région, notamment à proximité de la frontière avec la Chine, avec des secours qui pourront subvenir aux besoins de 3 000 personnes pendant un mois.