Eglises d'Asie

Les minorités religieuses disposeront de plus de représentants au Parlement

Publié le 13/07/2012




Le 11 juillet dernier, le gouvernement pakistanais a approuvé une réforme qui augmente le nombre des sièges réservés à l’Assemblée nationale aux minorités religieuses, lesquelles ont déjà depuis un an (du moins en théorie) la possibilité de siéger au Sénat. Bien qu’elles aient bien accueilli ces réformes sur le principe, les minorités ont toutefois fait valoir …

… que dans le monde politique comme dans la société, les non-musulmans avaient chaque jour plus de mal à faire respecter leur place.

A l’Assemblée nationale, qui compte 342 députés, les minorités religieuses (hindous, chrétiens, sikhs et parsis) verront le nombre de leurs représentants passer de 10 à 15. Dans les Assemblées provinciales, où siègent actuellement un total de 23 représentants non musulmans, de nouveaux sièges seront attribués aux minorités religieuses. Enfin, celles-ci devraient être également représentées au Sénat, du fait d’un décret constitutionnel signé l’an dernier par le président Asi Ali Zardari ; en faisant passer le nombre des sénateurs de 100 à 104 membres, le chef de l’Etat pakistanais a en effet prévu que ces quatre sièges supplémentaires (correspondant aux quatre provinces, Pendjab, Sind, Baloutchistan et Khyber Pakhtunkhwa ) aillent aux minorités religieuses. C’est la première fois dans l’histoire du pays que les minorités religieuses sont en mesure d’entrer à la Chambre haute du Parlement.

Akram Masih Gill, chrétien et ministre d’Etat pour l’Harmonie nationale, s’est félicité de cette réforme, « fruit d’un effort considérable ». Commentant la mesure sur une chaîne de télévision nationale, il a estimé que les minorités religieuses « seraient désormais en mesure d’être mieux représentées politiquement » au moment où elles en étaient arrivées « à désespérer et à penser que le gouvernement se désintéressait de leur sort ».

Au sein des minorités religieuses, l’annonce de la réforme a été bien accueillie mais sans enthousiasme excessif. Certains font valoir que les minorités continuent d’être très largement sous-représentées au Parlement et soulignent que l’augmentation qui vient de leur être accordée reste très inférieure à celle qui avait été donnée aux femmes, un groupe social lui aussi très largement discriminé dans la société pakistanaise (en 2002, le nombre des sièges réservés aux femmes à l’Assemblée nationale était passé de 10 à 60).

Plus concrètement, certains leaders politiques issus de ces minorités indiquent que ce ne sont pas cinq députés et quatre sénateurs de plus qui feront la différence. Ramesh Kumar Vankwani, lui-même ancien député et actuel président du Conseil hindou du Pakistan, rappelle que depuis que la réforme concernant le Sénat a été votée, il y a un an, les quatre sièges destinés aux représentants des minorités religieuses sont toujours vacants, les différents partis présents à la Chambre haute n’ayant pas réussi à se mettre d’accord sur le choix des nouveaux sénateurs à élire. Contrairement à l’Assemblée nationale et aux Assemblées provinciales où les députés sont élus au suffrage direct, les sénateurs sont désignés au suffrage indirect, un système qui ne joue pas en faveur des minorités. « Les appareils des partis manigancent dans le secret, et les sièges vont au plus offrant », dénonce le responsable hindou, qui réclame des élections au suffrage universel direct.

Selon Peter Jacob, secrétaire exécutif de la Commission ‘Justice et Paix’ de l’épiscopat catholique du Pakistan, le principe même des sièges réservés n’est pas souhaitable en soi car il « encourage un système d’apartheid religieux et nie les principes d’égalité démocratique ». Ce principe permet toutefois aux minorités religieuses « de prendre confiance en elles et d’améliorer leur représentation politique au sein des principaux partis, dans l’espoir que les vrais problèmes soient traités ».

Ancien juge à la Haute Cour de Lahore, la musulmane Nasira Iqbal estime quant à elle que toute réforme, même allant dans le sens d’une meilleure représentativité des minorités, restera sans objet tant que l’attitude de la majorité musulmane (95 % des 170 millions de Pakistanais) n’évoluera pas. « Que ce soit sous les régimes militaires ou en période de régime démocratique, les non-musulmans se heurtent à une attitude de rejet grandissante de la part de la population musulmane », déplore-t-elle, en précisant que, depuis la création du pays en 1947, les minorités musulmanes sont tombées de 40 % à un peu plus de 4 % seulement de la population. « Plus un seul juif ne vit au Pakistan. A Lahore, le nombre des familles parsies (zoroastriennes) est inférieur à 20. En l’espace de trois ans, leur nombre a été divisé par deux », ajoute-t-elle.

Selon Amar Nath Randhawa, président de la Société pour le bien-être hindou (Hindu Sudhar Sabha), 400 familles hindoues ont quitté le Pakistan l’an dernier. « Il y a 500 000 hindous au Pendjab et ils ne disposent d’aucune représentation politique à l’Assemblée provinciale. Nos temples et nos sites pour la crémation des morts sont occupés de force et nous devons donc observer nos rituels chez nous, dans nos maisons. Par crainte des enlèvements et des conversions forcées, nos fillettes et nos jeunes filles doivent rester à la maison », dénonce-t-il.

Kanwal Feroz est le rédacteur en chef d’un mensuel chrétien. Lui aussi souligne que la tentation de l’émigration est forte chez les chrétiens, notamment parmi les jeunes. « Le désespoir augmente à chaque fois qu’un auteur de violences antichrétiennes échappe aux poursuites judiciaires », explique-t-il, précisant que l’émigration pour les chrétiens est plus difficile que pour les hindous, qui trouvent assez facilement asile en Inde. « De nombreux chrétiens perdent des fortunes en cherchant des filières pour émigrer », ajoute-t-il encore.

Un prêtre catholique rappelle que la bande blanche située sur le quart droit du drapeau pakistanais symbolise les minorités religieuses, tandis que la couleur verte, l’étoile et le croissant sont des symboles de l’islam. « Si le gouvernement ne veut pas s’occuper des problèmes que nous rencontrons, qu’il supprime donc cette bande blanche ! », affirme-t-il sous le couvert de l’anonymat.