Eglises d'Asie

Objet de toutes les attentions sur la scène internationale, la situation des Rohingyas demeure très précaire en Arakan

Publié le 22/08/2012




En dépit de l’attention de multiples acteurs de la scène internationale, la situation de la minorité musulmane Rohingya dans l’Etat de l’Arakan (Rakhine) demeure précaire. Bien que le régime birman assure que la crise qui a éclaté en juin dernier est désormais « sous contrôle », de nouvelles violences, début août, entre Arakanais bouddhistes et Rohingyas musulmans ont fait des victimes et à nouveau entraîné la mise en place d’un couvre-feu par l’armée gouvernementale.

Après la flambée de violences qui avait eu lieu en juin dernier dans l’Etat de l’Arakan, les autorités se voulaient rassurantes. Le 30 juillet, à Rangoun, le général Thein Htay, ministre de la Sécurité des frontières, réunissait des diplomates en poste en Birmanie pour déclarer que son gouvernement « maîtrisait la situation sécuritaire dans l’Etat Rakhine ». Il donnait un bilan de 78 morts et 60 000 déplacés du fait des violences du mois de juin et attribuait celles-ci à une augmentation très rapide de la population musulmane au sein de certains districts de l’Etat. Son intervention coïncidait avec l’arrivée en Birmanie de Tomas Ojea Quintana, rapporteur spécial de l’ONU pour les droits de l’homme, qui devait effectuer une visite de six jours dans le pays, comprenant des déplacements dans les régions touchées par les violences. Quelques jours plus tard toutefois, les incidents reprenaient dans plusieurs districts de l’Arakan, faisant un minimum de sept morts et obligeant l’armée birmane à imposer un couvre-feu dans plusieurs districts. A son départ de Birmanie, le rapporteur de l’ONU déclarait : « Il est fondamental que puisse être clairement établi ce qui s’est passé dans l’Etat Rakhine et d’établir les responsabilités. Sans cela, aucune réconciliation ne sera possible et les informations exagérées ou tendancieuses ne feront que nourrir la méfiance et les tensions entre les communautés. » Il ajoutait également que la situation en Arakan était « l’un des nombreux défis qui se posaient au pays en matière de respect des droits de l’homme ». L’ONU place les Rohingyas au rang des minorités les plus persécutées de la planète.

Dans ces mêmes journées, l’organisation américaine de défense des droits de l’homme Human Rights Watch publiait un rapport très critique envers les autorités birmanes à propos de leur conduite dans le contrôle de la situation en Arakan. Daté du 1er août, le rapport accuse les forces de sécurité birmanes de « meurtres, viols et arrestations de masse » à l’encontre des Rohingyas. Au mieux, les autorités sont restées « inactives » face à la montée des tensions entre les deux communautés, au pire leurs forces ont participé aux violences visant les Rohingyas, dénonce le rapport où l’on peut aussi lire que le gouvernement birman limite l’accès des organisations humanitaires à la communauté Rohingya.

Au sein du monde musulman, le sort de la minorité musulmane est devenu objet de mobilisation. Le 11 août, le roi d’Arabie Saoudite décidait d’une aide 50 millions de dollars aux Rohingyas. Deux jours auparavant, le ministre des affaires étrangères turc était en visite en Birmanie pour accompagner une délégation chargée d’apporter une aide humanitaire aux communautés rohingya et arakanaise. Le 10 août, une délégation du Croissant-Rouge du Qatar et du Koweït était à Rangoun où elle accompagnait une mission de l’OCI (Organisation de la conférence islamique) qui a eu un entretien avec le président Thein Sein. La mission de l’OCI a assuré à ce dernier de « la disposition des organisations humanitaires islamiques à apporter des secours aux habitants de l’Etat Rakhine, sans discrimination ». Enfin, le 15 août, à La Mecque, à l’issue de son sommet, l’OCI, qui compte 57 membres, a annoncé son intention de « porter l’affaire des Royingyas devant l’Assemblée générale des Nations Unies », condamnant « la poursuite du recours à la violence par les autorités birmanes contre les membres de cette minorité et leur refus de reconnaître leur droit à la citoyenneté ».

Au sein de l’ASEAN (Association des Nations du Sud-Est asiatique), certains Etats ont à leur tour fait part de leur désir de voir la situation revenir au calme en Arakan. L’Indonésie, qui assume actuellement la présidence de l’organisation régionale, a nommé un envoyé spécial pour la Birmanie en la personne de Yusuf Kalla, ancien vice-président. Après une première visite sur place début août en sa qualité de président de la Croix-Rouge indonésienne, Yusuf Kalla devait à nouveau se rendre en Birmanie au début du mois de septembre.

Répondant à ces multiples pressions, Naypyidaw a réagi en se dotant une commission d’enquête. En juin déjà, une commission d’enquête avait été créée mais ses conclusions n’avaient pas été rendues publiques. Cette fois-ci, le 17 août, le pouvoir birman a réuni 27 personnalités, dont d’anciens dissidents, pour « mettre en lumière les véritables causes » des violences et suggérer des solutions pour « la coexistence pacifique », a précisé le quotidien officiel New Light of Myanmar. Le 21 août, un communiqué du ministère des Affaires étrangères cadrait toutefois les limites de la position officielle du gouvernement birman : « Les incidents dans l’Etat Rakhine sont des conflits sectaires (sectarian) qui regardent uniquement les affaires intérieures d’un Etat souverain. Ils ne sont en aucune façon liés à des persécutions ou des discriminations religieuses. Par conséquent, nous n’accepterons aucune manœuvre visant à régionaliser ou à internationaliser ce conflit comme étant de nature religieuse. De telles manœuvres ne contribueront pas à trouver une solution à ce problème, elles ne feront au contraire que le compliquer un peu plus. »