Eglises d'Asie

La Chine expulse les Kachins ayant trouvé refuge sur son territoire

Publié le 23/08/2012




Selon un prêtre catholique kachin, la Chine a commencé hier, 22 août, à expulser les Kachins qui avaient trouvé refuge du côté chinois de la frontière séparant la Chine de la Birmanie. Fuyant les combats qui opposent depuis un peu plus d’un an les forces armées birmanes aux soldats de la Kachin Independence Army (KIA), ces réfugiés vivaient dans des camps tout juste tolérés par les autorités chinoises.

Interrogé par l’agence Ucanews, le P. Stephen Zaw Min Latt, prêtre catholique du diocèse de Bhamo (Banmaw), l’un des deux diocèses catholiques de l’Etat Kachin en Birmanie, précise qu’environ 600 réfugiés ont déjà franchi la frontière pour être transférés à Lana Zup, au sein d’un territoire contrôlé par la KIO (Kachin Independence Organisation). Cent trente familles supplémentaires ont pris le même chemin aujourd’hui, a-t-il ajouté, une vingtaine d’entre elles rejoignant Lana Zup et les 110 autres étant dirigées vers un camp géré par l’Eglise catholique à Man Wing, toujours en territoire kachin sous contrôle de la KIO.

Ces transferts se font à bord de camions chinois, précise encore le prêtre, pour qui il est clair que les autorités chinoises ont décidé de vider le district de Nongdao des quelque 4 500 Kachins qui y avaient trouvé refuge dans plusieurs camps improvisés. « Certaines familles ont fui les camps à la faveur de la nuit tant elles craignaient d’être forcées par la police [chinoise] de quitter le sol chinois », explique-t-il encore, ajoutant que lorsque la police est arrivée pour contraindre les réfugiés à partir, « la situation est devenue très chaotique ».

L’expulsion des réfugiés kachins n’arrive pas par surprise. Depuis le début du conflit entre la rébellion kachin et les forces de Naypyidaw, la Chine s’est montrée réticente à reconnaître que son sol servait d’asile aux populations civiles. En juin dernier, un rapport de Human Rights Watch documentait la quasi-absence d’aide apportée par les autorités chinoises et les difficiles conditions de vie de ces réfugiés, dont le nombre était estimé par l’organisation de défense des droits de l’homme à environ 10 000. Ces derniers temps, des informations en provenance de la région indiquaient que la police chinoise procédait à des expulsions de réfugiés kachins au compte-goutte, de manière à éviter d’attirer l’attention des médias étrangers et d’éventuels reproches de la communauté internationale. En juillet dernier, la Chine avait engagé des pourparlers avec la KIO afin de procéder à un rapatriement massif des réfugiés.

Les informations manquent sur la conclusion d’un accord en ce sens entre l’organisation kachin et la Chine, mais il semble que les autorités chinoises veulent agir dans la discrétion. Selon un Kachin ayant été témoin des opérations de ces deux derniers jours, la police confisquait les appareils des personnes qui prenaient des photos. Dans la presse chinoise, notamment dans l’édition anglophone du Global Times, on pouvait lire un article dans lequel tant les autorités de la province du Yunnan que le consulat général du Myanmar à Kunming démentaient que la Chine procédait à des rapatriements forcés ou avait exercé des pressions sur la KIO afin de voir les réfugiés rentrer chez eux ; dans le même article, des officiels à Ruili, principale localité chinoise située sur la frontière entre l’Etat Kachin et la Chine, démentaient eux-aussi avoir reçu des ordres pour procéder à l’expulsion des réfugiés kachins.

Selon Salang Kaba Doi Pyi Sa, responsable à la KIO du Comité pour les réfugiés et les personnes déplacées, outre le fait de se retrouver en territoire kachin à la merci d’éventuelles opérations de l’armée birmane, une des difficultés que rencontreront les réfugiés rapatriés à Lana Zup est l’isolement. Lana Zup est en effet situé à plus de vingt kilomètres de Nongdao. Or, depuis ce district de Nongdao, les réfugiés pouvaient aisément regagner leurs villages et leurs champs durant la journée avant de revenir pour la nuit du côté chinois de la frontière. A Lana Zup, cela ne leur sera plus possible. De plus, à Nongdao, les possibilités d’emploi étaient relativement nombreuses, ce qui n’est pas le cas à Lana Zup.