Eglises d'Asie

Selon une organisation Chin de défense des droits de l’homme, le régime birman opprime les chrétiens chins

Publié le 05/09/2012




Selon la Chin Human Rights Organization(CHRO), basée au Canada et animée par des réfugiés chins, les réformes mises en place depuis un peu plus d’un an par le régime birman, pour positives qu’elles puissent être, ne se sont pas traduites par une amélioration de la situation dans l’Etat Chin. Situé sur le flanc ouest du Myanmar, l’Etat Chin abrite une importante population chrétienne, très majoritairement baptiste, qui, selon le CHRO, se heurte à une politique birmane de promotion du bouddhisme.

Publié le 5 septembre, le rapport de la CHRO ‘Threats to Our Existence’: Persecution of Ethnic Chin Christians in Burma se présente comme une actualisation d’un précédent rapport publié en 2004, intitulé Religious Persecution: A Campaign of Ethnocide Against Chin Christians in Burma. S’appuyant sur une centaine d’entretiens menés avec des chrétiens chins pour des faits allant de mars 2004 à juin 2012, le document affirme que la politique de « birmanisation » menée par l’ancienne junte se poursuit dans l’Etat Chin en dépit de la transformation de cette dernière en un « gouvernement d’apparence civile ». Selon Salai Ling, directeur des programmes à la CHRO, « le gouvernement présidé par Thein Sein affirme que la liberté religieuse est garantie par la législation du pays mais en réalité, le bouddhisme s’apparente de facto à une religion d’Etat. Les institutions mises en place par les régimes militaires précédents pour organiser la discrimination religieuse sont toujours en place et continuent d’opérer. Les réformes n’ont quasiment pas atteint l’Etat Chin ».

Situé sur la frontière nord-ouest de l’Union du Myanmar, l’Etat Chin, dont la population est estimée à environ quatre millions de personnes, présente la caractéristique d’abriter une importante communauté chrétienne. Le peuple chin, composé de six groupes ethniques principaux et d’une soixantaine de sous-groupes, a été évangélisé à partir de la fin du XIXe siècle par des missionnaires baptistes américains. Aujourd’hui, dans la moitié nord de l’Etat Chin, environ 90 % de la population est baptiste, tandis que dans la moitié sud de l’Etat, bouddhistes et animistes sont restés majoritaires. Dans l’ensemble de l’Etat, les catholiques représentent de 4 à 6 % de la population. Ainsi que le souligne le rapport de la CHRO, l’identité du peuple chin, du fait de cette histoire, est étroitement lié au christianisme.

Et c’est précisément cette imbrication étroite d’une identité ethnique et d’une appartenance religieuse qui rend la situation particulièrement complexe dans l’Etat Chin. Selon la CHRO, les multiples atteintes aux droits de l’homme (arrestations et détentions arbitraires, torture et mauvais traitements, viols, travail forcé) se poursuivent aujourd’hui sous le gouvernement présidé par Thein Sein comme elles se produisaient sous le régime militaire, les civils chins étant à chaque fois visés au double titre de leur appartenance religieuse et de leur identité ethnique.

Le rapport met notamment en évidence que les pasteurs baptistes sont dans la quasi impossibilité d’obtenir des permis de construire ou de rénovation pour leurs lieux de culte. Des destructions de croix, certaines hautes de plusieurs mètres, sont documentées, ainsi que des mesures visant à perturber, voire empêcher les chrétiens de se rassembler pour les célébrations religieuses. Les menaces, intimidations et mesures de harcèlement sont fréquentes, et visent notamment à forcer des Chins à abandonner le christianisme au profit du bouddhisme. Obéissant à « une politique non écrite d’assimilation forcée », les autorités locales, l’armée principalement, déplacent des populations en vue de confisquer des terrains où sont édifiés des pagodes et des monastères bouddhiques, construits par une main-d’œuvre chin (et chrétienne) recrutée contre son gré. Le rapport dénonce notamment l’action du réseau d’établissements scolaires financé par l’Etat central, les Na Ta La Schools (acronyme birman de Progress of the Border Areas and National Races Development Affairs Program), où, sous couvert de faire œuvre éducative pour les minorités ethniques, le bouddhisme est promu, y compris par la contrainte (du type : « Si tu ne deviens pas bouddhiste et ne te fais pas moine, tu pars pour l’armée »).

Dans l’Etat Chin, déjà marqué par un manque d’infrastructures et une grande pauvreté qui poussent les Chins à émigrer (1), ces mesures de « persécution religieuse », selon la CHRO, appellent « une enquête internationale », qui seule pourra retenir les autorités birmanes de poursuivre les atteintes aux droits de l’homme auxquelles elles se livrent. Pour venir à bout de « la culture de l’impunité » qui a cours dans le pays, il faudra aussi « une profonde réforme » des institutions birmanes, notamment des ministères (Affaires religieuses, Frontières) qui mettent en œuvre la politique du gouvernement.

Selon les observateurs, le rapport de la CHRO souligne la complexité de la question ethnique en Birmanie, l’Etat central, même en voie de se réformer, n’ayant pas, pour l’heure, été capable de proposer une politique satisfaisante, tant pour la majorité birmane que pour les minorités ethniques, concernant l’architecture future des institutions. Les minorités appellent de leurs vœux la création d’un Etat véritablement fédéral, tandis que les réflexes centralisateurs demeurent fortement ancrés au sein du pouvoir et de la population birmane – comme en témoignent ces derniers jours les manifestations à Mandalay de moines bouddhistes soutenant la politique de répression des musulmans Rohingya du président Thein Sein.

Du côté de l’Eglise catholique, l’accent est mis sur les changements positifs apporté par les réformes initiées sous l’égide de Thein Sein. Fin juillet, à Rangoun, une rencontre inédite a rassemblé 450 responsables chrétiens autour de l’opposante Aung San Suu Kyi. Rencontre, ont souligné ses organisateurs, qui aurait été impensable un an plus tôt étant donné les restrictions qui pesaient sur la lauréate du prix Nobel de la paix et les minorités religieuses de Birmanie. En présence notamment de l’archevêque catholique de Rangoun, Mgr Charles Bo, Aung San Suu Kyi a appelé la jeunesse chrétienne du pays à jouer « un plus grand rôle » dans le développement du pays. Elle a également ajouté : « La question la plus importante est celle-ci : Que voulons-nous que notre pays devienne ? »