Eglises d'Asie

Des chrétiens baptistes expulsés par un promoteur immobilier : l’Eglise locale se mobilise

Publié le 14/09/2012




A Barisal, dans le sud du Bangladesh, des promoteurs immobiliers liés au parti au pouvoir ont expulsé 44 familles, hébergées sur un terrain de la communauté chrétienne baptiste. L’Eglise locale et les militants des droits de l’homme ont manifesté lundi dernier contre cette expulsion forcée ; ils ont menacé d’entamer une grève de la faim à partir d’aujourd’hui, vendredi 14 septembre, si aucune mesure n’était prise par le gouvernement pour rétablir ces familles dans leurs droits.

Plus d’une centaine de personnes ont formé une chaîne humaine lundi 10 septembre dans la ville de Barisal, afin de protester contre les expulsions menées samedi dernier par des groupes armés à la solde de l’Olympic Properties Limited (OPL), un promoteur appartenant au trust Khansons Group. Les manifestants ont ensuite transmis aux autorités locales un mémorandum réclamant une intervention immédiate en faveur des familles victimes et des sanctions contre « les voleurs de terres ».

Selon les témoins, le samedi 8 septembre au soir, plus de 300 hommes de main, dont un grand nombre étaient armés, ont abattu le mur entourant le slum de la Baptist Mission Church situé sur la Baptist Mission Road, dans lequel vivaient 44 familles chrétiennes déshéritées. Ils ont ensuite entrepris de les expulser de force, détruisant les habitations, abattant les arbres, incendiant et mettant à bas les bâtiments et biens d’Eglise édifiés sur le terrain, dont trois croix et un autel surmonté d’une fresque représentant la Vierge Marie et les Apôtres.

Après avoir achevé l’expulsion, des hommes en armes ont planté des écriteaux au nom de l’Olympic Properties Limited, annonçant la construction prochaine sur le terrain d’un institut de formation médicale et d’un hôpital pour enfants. Pendant ce temps, les familles expulsées se réfugiaient dans l’église baptiste toute proche et sonnaient les cloches afin d’alerter la communauté. Depuis, toujours barricadées dans le bâtiment, elles menacent d’empêcher le culte tant qu’elles ne seront pas réinstallées et rétablies dans leurs droits.

Les assaillants ont tous été reconnus comme étant des cadres et des ouvriers du Khansons Group, un conglomérat puissant lié au parti au pouvoir, l’Awami League (AL). Le coup de force était menée par Shafikul Alam Gulzara, conseiller municipal de Barisal et leader local de l’AL. Contacté par le Daily Star le 11 septembre, l’ancien trésorier du district pour le parti au pouvoir a admis sa présence sur les lieux mais a refusé d’expliquer son rôle dans l’assaut contre les familles baptistes.

Afin d’éviter de nouvelles violences, alors qu’un nouveau bâtiment de la propriété de l’Eglise baptiste a été incendié la nuit du 11 au 12 septembre, la police du district a investi les lieux et demandé aux deux parties de stopper les hostilités dans l’attente d’une décision de la cour.

Car le conflit concernant la propriété du terrain de l’Eglise baptiste remonte à 2009, année où l’Awami League est revenue au pouvoir. Pour le Weekly Blitz, qui titrait le 11 septembre : « Les membres du parti au pouvoir saisissent les biens de l’Eglise », il ne fait aucun doute que les deux événements sont liés. Accusant le Khansons Group, sous la coupe directe du parti au pouvoir, d’avoir cherché à expulser illégalement des chrétiens d’une propriété d’Eglise, le quotidien explique que le conglomérat financier a commencé à cette même période à revendiquer avoir acquis 2,53 acres (environ 10 000 m2) dudit terrain (qui en compte en totalité près de 90 000 m2) du responsable même de la Bangladesh Baptist Church Trust Association (BBCTA), fédération des Eglises baptistes du pays, et à menacer les résidents d’expulsion.

Le secrétaire de l’Eglise baptiste locale, Johnson Merry Guha, affirme quant à lui que la vente du terrain à l’Olympic Properties Limited s’est faite dans une totale illégalité, cette parcelle étant depuis la période britannique la propriété de l’Eglise de Barisal, pour y loger les membres les plus pauvres de la communauté. Elle n’est en aucune façon la propriété de la BBCTA, ajoute-t-il, qui n’a « aucune autorité pour vendre ou transférer la propriété de ce terrain à qui que ce soit ».

« C’est un britannique, le Révérend Gordon Soddy qui a fait don de ce terrain en 1969 à la Bangladesh Baptist Church Association, rapporte J. M. Guha. Le donateur précisait que la propriété était inaliénable et incessible et qu’elle ne devait être destinée qu’à l’usage exclusif de la communauté chrétienne et en priorité des plus pauvres de ses membres. » En conséquence, une église et deux écoles avaient été construites sur ce terrain, le reste étant laissé à l’usage des familles déshérités.

Dès qu’elle avait appris la vente du terrain, la Barisal Baptist Mission Church avait déposé une plainte, à l’encontre des vendeurs comme des acheteurs, et la cour avait statué en faveur des plaignants en mars 2010. Au début de l’année 2012, l’Eglise de Barisal portait plainte de nouveau, mais cette fois contre l’occupation illégale de leur propriété, l’OPL exerçant des pressions incessantes pour tenter de s’installer sur terrain de la communauté baptiste. Une fois encore, le tribunal donnait raison, le 23 août dernier à l’Eglise locale et émettait une injonction provisoire empêchant l’expulsion des habitants du slum de la Barisal Baptist Church.

Le Khansons Group affirme aujourd’hui détenir un acte de vente signé du Révérend Asim Kumar Baroi, secrétaire de la BBCTA, daté du 8 février 2012, cédant le terrain au trust financier. Un acte qui semble avoir été signé bien après la revendication de propriété du terrain par le Khansons Group en 2009… Le Khansons Group a également déclaré que, lors de l’intervention du 8 septembre dernier, l’injonction du tribunal interdisant l’éviction des familles de la propriété venait d’être levée par le juge du district et qu’il avait donc agit en toute légalité.

Le Révérend Baroi s’est défendu des accusations de la communauté baptiste de Barisal en répondant que la BBCTA avait parfaitement le droit de vendre le terrain. « Selon la constitution de l’Eglise baptiste, nous pouvons acheter ou vendre des terrains », a-t-il déclaré, « et pour cela, nous n’avons pas besoin de la permission des autorités des églises locales. » Il a déclaré également que l’Eglise avait proposé aux 44 familles installées sur la propriété d’être relogées mais qu’elles avaient refusé de déménager, une proposition que la communauté de Barisal nie avoir reçue.

L’Eglise baptiste du Bangladesh compte environ 37 000 membres répartis en quelque 347 communautés ; elle représente la seconde Eglise chrétienne du pays après les catholiques et la plus ancienne et la plus importante dénomination protestante.