Eglises d'Asie

Manifestations contre le film islamophobe : une église chrétienne incendiée

Publié le 24/09/2012




Vendredi dernier, des manifestations contre le film islamophobe diffusé sur YouTube ont eu lieu dans toutes les grandes villes du Pakistan. Si les foules mobilisées n’ont pas été considérables, les dégâts provoqués par les manifestants dans leurs heurts avec les forces de sécurité ont été importants. L’inquiétude des chrétiens, qui avaient fait part de leurs craintes que les islamistes, les assimilant à l’Occident, ne leur fasse subir des violences, s’est révélée fondée : dans la ville de Mardan, une église chrétienne a été incendiée et les bâtiments adjacents pillés.

Au total, lors de ce vendredi 21 septembre, qui avait été décrété jour chômé par le gouvernement pour exprimer la désapprobation du monde musulman face à la diffusion sur Internet du film islamophobe, les manifestations au Pakistan ont fait dix-neuf morts et 160 blessés. Protégées par d’importantes forces de police, les implantations diplomatiques occidentales n’ont pas été touchées. Dans les grandes villes du pays, les principaux édifices chrétiens, également protégés, ont été épargnés. C’est finalement dans la ville de Mardan, ville moyenne de la province de Khyber Pakhtunkhwa, située à mi-chemin entre Peshawar et Islamabad, qu’une église chrétienne a été prise pour cible.

Construite en 1937, l’église luthérienne de Sarhadi a été entièrement incendiée et les bâtiments chrétiens alentours complètement pillés. Selon le récit du président de la Ligue interreligieuse du Pakistan, qui s’est rendu sur les lieux dès le samedi 22 septembre, un drame supplémentaire a été évité de justesse lorsque la foule qui s’en prenait au lieu de culte a tenté de se saisir d’un chrétien, âgé de 18 ans, pour l’asperger d’essence ; ce dernier n’a dû son salut qu’à l’intervention de plusieurs personnes venues à son secours.

Selon Andaryaas Maseeh, vice-président de l’église luthérienne de Sarhadi, ni l’administration, ni la police n’ont apporté la protection qui était nécessaire aux lieux visés par les manifestants. Il a précisé que les émeutiers semblaient aussi motivés par le pillage (des ordinateurs comme des motos ont été volés) que par leur désir de protester contre le film. Il a aussi ajouté que des manifestants avaient pris soin de jeter au feu les Ecritures saintes des chrétiens avant de s’enfuir.

« Nous sommes Pakistanais d’abord et chrétiens ensuite. C’est pourquoi nous condamnons la réalisation du film anti-islam aux Etats-Unis. Nous condamnons les actes visant à heurter les sentiments religieux des musulmans ou des fidèles de toute autre religion. En même temps, nous attendons de nos frères musulmans qu’ils ne s’en prennent pas à nous », a-t-il ajouté. Dimanche, la communauté chrétienne locale a tenu à célébrer le culte sur place ; un crucifix en bronze noirci par les flammes avait été posé sur l’autel, tandis que chacun arborait un brassard noir en signe de deuil.

A Islamabad, la coalition au pouvoir a donné à voir quelques dissensions. Le ministre des Chemins de fer, Ghulam Ahmad Bilour, a déclaré le 22 septembre qu’à titre personnel, il offrait une récompense de 100 000 dollars à qui tuerait le réalisateur du film controversé. Le ministère des Affaires étrangères a très rapidement déclaré que la proposition du ministre Bilour n’engageait que lui-même et « ne représentait en rien la politique du gouvernement du Pakistan ». Le lendemain, le président du Pakistan, Asif Ali Zardari, ajoutait que « piller des biens publics et privés, particulièrement des lieux de culte d’autres religions, était un acte non islamique et hautement condamnable ». En déplacement à Barcelone, en Espagne, où il prenait part à une rencontre internationale sur la tolérance dans les religions, le président du Conseil des oulémas du Pakistan, le maulana Tahir Mahmood Ashrafi, a lui aussi fermement condamné l’incendie de Mardan.

Par ailleurs, et sans que les deux nouvelles soient liées, l’horizon judiciaire de Rimsha Masih, cette fillette chrétienne accusée à tort de blasphème, semble peu à peu s’éclaircir. Après sa remise en liberté sous caution le 8 septembre dernier, Rimsha Masih sera jugée par un tribunal pour mineur, ainsi que l’a confirmé samedi dernier un juge local. Le procès devrait avoir lieu le 1er octobre. De plus, la police a transmis à la justice le fait que l’enquête menée par elle indique qu’il n’existe aucune preuve contre Rimsha Masih qu’elle a commis un acte de blasphème envers le Coran ; en revanche, précise le rapport de police, les charges qui pèsent désormais contre l’imam qui a fabriqué les preuves qui ont servi à inculper la fillette sont, elles, bien réelles.