Eglises d'Asie

Tibet : nouvelle immolation au Qinghai, où les habitants refusent de participer à un film de propagande chinois sur « le bonheur des Tibétains »

Publié le 04/10/2012




Selon Radio Free Asia et différentes sources de la communauté tibétaine en exil, un jeune homme de 27 ans, Yungdrung, s’est immolé par le feu samedi 29 septembre dans la province du Qinghai, portant désormais à au moins 52 depuis février 2009 le nombre des tentatives de suicides par le feu de Tibétains en protestation contre l’occupation chinoise. …

… Cette vague d’immolations, que Pékin tente d’enrayer en renforçant la répression, n’a fait que s’accélérer au fil des mois, atteignant depuis le printemps dernier, le rythme d’un suicide par semaine environ, concernant le plus souvent de jeunes personnes.

Les informations ont filtré lentement et ce n’est que le 1er octobre que l’identité de la victime a été connue, bien que l’on ne sache toujours pas s’il s’agissait d’un moine ou d’un laïc. Le jeune homme était originaire du village de Karma, situé dans la préfecture de Chamdo de la Région autonome du Tibet (TAR), une ancienne partie du Kham tibétain. Selon les nombreux témoins, le jeune homme, vêtu du costume traditionnel tibétain, s’est aspergé d’essence dans une rue commerçante de Dzatoe (Zaduo en chinois), ville de la préfecture autonome tibétaine de Yushu, au Qinghai, où plusieurs immolations se sont déjà produites. Il a lancé un appel à « l’indépendance du Tibet, au retour du dalai lama et du karmapa » avant de mettre le feu à ses vêtements et de se transformer en torche vivante. Emmené par les forces de l’ordre encore vivant mais dans un état grave, il a, selon différentes sources tibétaines, succombé à ses blessures quelques heures plus tard, le 30 septembre. Une information démentie par les autorités chinoises qui affirment que la victime a simplement été transférée dans un autre hôpital.

Depuis l’incident, la province du Qinghai, qui regroupe deux régions historiques du Tibet, l’Amdo et le Kham, a reçu des renforts policiers et militaires, bien qu’elle soit déjà sous haute sécurité depuis le début de la vague d’immolation. L’auto-immolation du jeune Tibétain a eu lieu le jour d’une fête orchestrée par le Parti communiste (probablement liée aux festivités de la lune de la mi-automne, célébrée avec faste dans le monde sinisé), laquelle a dû être annulée après le drame.

Selon la communauté tibétaine en exil, le geste du jeune homme est la conséquence directe des récentes manifestations contre le tournage d’un film de propagande par les autorités de la préfecture de Jushu visant à démontrer que les Tibétains sont « heureux » et reconnaissants du progrès apporté par la Chine. « Il y a quelques jours, les autorités chinoises ont forcé les Tibétains de la région à participer à un film dont le thème était ‘Bonheur au Tibet’ », a rapporté une source sous le couvert de l’anonymat à l’hebdomadaire Tibet Express. « Les Tibétains ont exprimé leur indignation et leur refus de participer au tournage. Cela a conduit à des affrontements avec la police chinoise », poursuit cette même source.

La nouvelle de cette dernière immolation, ainsi que celle du décès d’un moine des suites de sa tentative de suicide en mars dernier, sont parvenues au siège du gouvernement tibétain en exil à Dharamsala, le lendemain même de l’appel lancé par ce dernier à cesser les sacrifices par le feu.

« Le Tibet est un pays trop peu peuplé et, dans la situation présente, ne perdre ne serait-ce qu’une seule vie est un trop lourd tribut à payer pour les Tibétains : nous vous prions de préserver vos vies désormais », avaient en effet déclaré, le 28 septembre, les représentants de la diaspora tibétaine réunis en assemblée extraordinaire à Dharamsala. La dernière réunion de ce type s’était tenue juste après le soulèvement de 2008, réprimé avec violence par Pékin.

Les quelque 400 délégués venus de 26 pays étaient réunis en conclave de quatre jours dans le but de trouver de nouvelles stratégies face aux récents événements au Tibet, et surtout à la tragique épidémie d’immolations. Dans leur rapport final comprenant 31 recommandations et résolutions, les représentants ont repris les propos de Penpa Tsering, porte-parole du Parlement tibétain en exil, exposant l’urgence d’une action envers « le Tibet [qui] est toujours sous l’emprise d’une loi martiale inavouée » et qui aujourd’hui « est devenu une véritable prison ».

Lobsang Sangay, à la tête du Kashag, le pouvoir exécutif du gouvernement tibétain de Dharamsala, a déclaré quant à lui que « la génération actuelle affrontait une épreuve qui pourrait voir le Tibet disparaitre de la surface de la terre », et à réitéré à l’intention de Pékin qu’il « était prêt à discuter n’importe quand, n’importe où ». Une déclaration qui risque de ne rencontrer aucun écho, les deux envoyés auprès des autorités chinoises du gouvernement tibétain ayant démissionné en juin dernier, en raison du refus total de dialogue de Pékin. Les dernières discussions avec les émissaires du dalai lama acceptées par les représentants de la République populaire de Chine remontent à janvier 2010.

L’un des objectifs de cette assemblée extraordinaire était également de lancer un appel à la communauté internationale afin de mener une campagne décisive en faveur du Tibet. « 2013 devra être l’année du soutien au Tibet », a déclaré Penpa Tsering, ajoutant qu’il fallait tenter de sensibiliser en priorité les communautés bouddhistes, en commençant par les quelque 300 millions qui sont en Chine, ainsi que l’ensemble de la communauté bouddhiste dans le monde. Le président du Parlement tibétain a également évoqué le fait que de nombreux pays en Asie comme en Occident pourraient faire pression sur Pékin, en soulignant les enjeux que représente la région tibétaine, que ce soit en termes de ressources naturelles, de problèmes écologiques et environnementaux, ou bien encore de questions politiques et géostratégiques.

Mercredi 3 octobre, les militants de Students for a Free Tibet et d’autres organisations ont manifesté à Dharamsala et un peu partout dans le monde pour interpeller le futur dirigeant chinois, Xi Jinping, le pressant de « relever le défi d’un changement total de politique au Tibet » et de mettre fin à « soixante ans de souffrance d’un peuple » ainsi qu’à la loi du silence qui maintient des générations de Chinois dans l’ignorance de ce qui se passe réellement dans les provinces tibétaines.