Eglises d'Asie – Chine
Séances de rééducation patriotique pour le clergé shanghaïen
Publié le 05/10/2012
… de l’évêque auxiliaire « officiel » du diocèse, Mgr Thaddeus Ma Daqin, et la spectaculaire annonce de son retrait de l’Association patriotique, l’organe dont se sert Pékin pour imposer sa politique à la partie « officielle » de l’Eglise de Chine.
Depuis sa déclaration, le nouvel évêque est retenu au sanctuaire marial de Sheshan, où il vit en quasi résidence surveillée, laquelle est décrite par les autorités comme un « temps de retraite ». Bien que selon certaines sources shangaïennes, il jouirait d’un « un certain degré de liberté » physique, il reste empêché d’agir en tant qu’évêque.
Du 10 septembre dernier à la fin de la semaine dernière, les prêtres du diocèse de Shanghai, au nombre d’environ 80, ainsi que les religieuses de Notre-Dame de la Présentation, congrégation diocésaine comptant quelque 80 sœurs, ont dû assister à des « sessions de travail » à l’Institut d’études du socialisme de Shanghai. Divisés en trois groupes, les prêtres et les religieuses devaient être présents dans l’Institut durant trois jours d’affilée, à raison de douze heures par jour de « classe ».
Les cours, qui étaient dispensés par des professeurs d’université, avaient pour objet de « renforcer le sentiment d’appartenance à la nation ainsi que le sens du devoir patriotique », rapporte une source locale. Des exposés sur le droit chinois et sur les principes de gouvernement de l’Eglise complétaient le dispositif. Les sujets abordés avaient trait aux relations entre l’Etat et la religion, la philosophie communiste et la religion, ainsi que la politique menée par Pékin concernant les religions, ou encore les fondements socialistes du gouvernement chinois et du développement économique actuel.
Interrogé sous le sceau de l’anonymat par l’agence Ucanews, un prêtre de Shanghai qui a suivi ces séances de cours témoigne : « Je pensais que les représentants du gouvernement profiteraient de ces cours pour critiquer ouvertement l’ordination épiscopale [de Mgr Ma Daqin], mais ils ne l’ont pas fait. Il était évident toutefois pour tout le monde que ces ‘sessions d’études’ étaient organisées pour contrer cela [le geste posé par Mgr Ma]. » Ajoutant que « l’atmosphère dans lesquelles se déroulaient ces classes était très stricte et qu’aucune absence n’était autorisée », le prêtre ajoute : « Nous avons dû passer un examen sur les règlements et la politique religieuse du gouvernement et à la fin de la session, nous avons également dû rédiger un rapport sur ce que nous avions appris durant ces trois jours. »
Les instructeurs ont précisé aux prêtres et aux religieuses que les résultats de leurs examens ainsi qu’une analyse du rapport écrit par chacun seraient communiqués au diocèse et que ces éléments seraient pris en compte pour les nominations futures.
En dépit du caractère « strict » de l’atmosphère dans laquelle les classes ont eu lieu, aucun incident ne semble s’être produit. Tous les prêtres et les religieuses de Shanghai ont obéi aux consignes données, sous la surveillance de cadres du Bureau des Affaires religieuses présents dans chaque classe.
Parmi les catholiques de Shanghai, les commentaires vont bon train quant à la signification de ces « sessions d’études ». On rappelle que fin août, le petit et le grand séminaire de Shanghai, situés à Sheshan, avaient reçu l’ordre de repousser sine die la rentrée des étudiants. Peu avant, la supérieure générale des sœurs de Notre-Dame de la Présentation avait été démissionnée, sans doute pour s’être montrée peu coopérative avec les autorités. L’analyse des catholiques locaux avaient été que les autorités cherchaient à mettre le diocèse sous pression, en réponse à l’acte inédit posé par Mgr Ma.
Cette fois-ci, avec ces classes obligatoires organisées pour le clergé et les religieuses, les uns y voient la volonté d’imposer un « lavage de cerveau » au clergé du diocèse, d’autres une manifestation de la colère des autorités face au geste de l’évêque auxiliaire de Shanghai qu’elles n’avaient pas su anticiper ; d’autres enfin les analysent comme une décision des Affaires religieuses locales destinée à montrer à Pékin qu’elles maîtrisent la situation. Des commentateurs sur place indiquent qu’il faudra, quoi qu’il en soit, attendre la fin du congrès du Parti communiste, dont l’ouverture a été annoncée pour le 8 novembre prochain, pour que les choses évoluent.