Eglises d'Asie – Cambodge
Entretien avec le vicaire apostolique de Phnom Penh : « Même une jeune Eglise a besoin de la nouvelle évangélisation »
Publié le 06/10/2012
… les enjeux d’un tel synode pour son Eglises (1).
De prime abord, ce synode, convoqué dans le cadre des synodes réguliers institués par Vatican II, semble s’adresser en priorité aux pays de vieilles chrétientés, de l’Occident principalement donc, dont les Eglises sont à la recherche d’un nouveau souffle. En réalité, explique Mgr Schmitthaeusler, s’il est difficile de parler de la situation de l’Eglise en Asie de manière générale tant les situations sont contrastées, il s’agit de réfléchir à « la nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne », selon l’intitulé complet du synode, et, en matière de transmission de la foi, toutes les Eglises, vieilles ou jeunes, du Nord et du Sud, de l’Orient et de l’Occident, sont concernées.
Dans le cas du Cambodge, parler de « nouvelle évangélisation » est légitime, analyse celui qui est présent dans ce pays depuis 1998 et assume la responsabilité du vicariat de Phnom Penh depuis deux ans. « Il y a un ‘avant’ les Khmers rouges (1975-1979) et un ‘après’ leur chute en 1979 puis le départ de l’armée vietnamienne en 1990. On se trouve aujourd’hui face à un pays et à une culture complètement ‘renouvelés, très différents de ce qu’ils étaient avant la guerre », explique Mgr Schmitthaeusler. Les changements qui touchent l’économie, la société, la culture imposent à l’Eglise un questionnement sur sa manière d’annoncer l’Evangile, poursuit-il.
A l’occasion de l’année de la Foi, Mgr Schmitthaeusler propose aux catholiques de Phnom Penh de réfléchir au thème de « l’Eglise à la lumière de la constitution conciliaire Lumen Gentium ». « La question, dit-il, est de savoir quelle Eglise nous voulons construire. Il s’agit certes en premier lieu de rebâtir une Eglise qui a été exterminée [par le régime de Pol Pot] mais, au-delà, on peut s’interroger sur la manière d’être missionnaire dans un diocèse où 80 % des fidèles sont vietnamiens », analyse le missionnaire, qui ajoute : « Comment annoncer la Bonne Nouvelle aux Cambodgiens, sans perdre de vue que si les Vietnamiens font très bien ‘tourner’ leur communauté, eux-aussi sont appelés à être missionnaires auprès de l’ensemble de la population. » L’Eglise catholique au Cambodge compte en effet environ 25 000 fidèles, dont les deux tiers sont des Vietnamiens installés de plus ou moins longue date dans le pays.
Agé de 42 ans, Mgr Schmitthaeusler est à la tête d’un presbyterium composé très majoritairement de missionnaires étrangers. Hormis les cinq prêtres cambodgiens ordonnés ces dernières années, l’essentiel des prêtres du diocèse se compose de 150 missionnaires de 25 nationalités différentes. Pour le jeune vicaire apostolique, il y a là une différence notable avec la situation que ses prédécesseurs ont pu connaître : « Autrefois, c’était une Eglise locale qui partait évangéliser le monde ; dans le cas du Cambodge, des missionnaires issus de l’Eglise de France. Aujourd’hui, c’est l’universalité de l’Eglise elle-même qui se retrouve concentrée dans une Eglise locale. » En comparaison du Laos, toujours fermé aux missionnaires du fait du régime communiste en place, l’Eglise au Cambodge présente donc un visage particulier et c’est de ce visage dont Mgr Schmitthaeusler témoignera lors du synode.
Avec une telle diversité de nationalités et de charismes ecclésiaux, il lui faut certes être attentif à ce que chacun veille à respecter la culture locale et à la cohérence du travail pastoral, mais le vicaire apostolique souligne la vitalité missionnaire d’une communauté très active. « Inciter et favoriser le développement de nouvelles initiatives » lui paraît être une dimension essentielle de son ministère épiscopal. « Quand on relira dans cinquante ans les impulsions qui sont aujourd’hui à l’œuvre, on discerna mieux là où l’Esprit a soufflé », témoigne-t-il.
Quant à la question de l’inculturation, Mgr Schmitthaeusler souligne que ce n’est pas lui, ni le personnel missionnaire qui la feront. « L’inculturation ne peut venir que des Cambodgiens eux-mêmes », affirme-t-il, ajoutant que c’est là une affaire non de quelques années, mais de décennies. « Il ne suffit pas de bâtir des églises dans le style local, ni même de perfectionner la traduction en khmer de la Bible. Prenons le cas de la messe et de l’inculturation de l’Eucharistie. Faut-il ajouter des bâtonnets d’encens ? Se tenir assis sur le sol ou sur des bancs ? Mais qui va proposer des idées ? Ceux qui ont reçu une formation et qui ont une certaine expérience ; c’est à dire les missionnaires dans un premier temps », explique-t-il. Pour que les propositions émanent véritablement des fidèles eux-mêmes et des prêtres cambodgiens, il faudra du temps, « non pas dix ans mais trente ou quarante ans ».
Il y a quinze ans, la province de Takéo ne comptait qu’un seul chrétien isolé dans la campagne. Aujourd’hui, 140 convertis l’ont rejoint, répartis tout autour de son village et ont même essaimé au-delà pour fonder cinq nouvelles communautés. « Mon objectif est de permettre aux chrétiens du Cambodge de se former pour devenir responsables de leur Eglise », conclut Mgr Schmitthaeusler en citant la mise en place, l’an passé, d’une « école de la foi » où sont actuellement inscrits 42 chrétiens. Convaincu que « l’Esprit parle et qu’il faut Le laisser parler au-delà de ses propres habitudes », Mgr Schmitthaeusler voit dans ces chrétiens les piliers de demain d’une Eglise qui, dès aujourd’hui, croît en vitalité.