Eglises d'Asie

Nouveaux incidents ciblant les musulmans rohingyas dans l’Etat de l’Arakan

Publié le 08/10/2012




Le 7 octobre dernier, de nouveaux incidents ont éclaté à Sittwe, chef-lieu de l’Etat de l’Arakan (Etat Rakhine), soulignant la fragilité du calme maintenu par les forces de l’ordre. Agissant, semble-t-il, en réponse aux foules qui avaient incendié et détruit plusieurs dizaines de temples bouddhistes au Bangladesh voisin les 29 et 30 septembre dernier …

… des Arakanais bouddhistes s’en sont pris à des maisons appartenant à des musulmans de Sittwe.

Les informations en provenance de Sittwe, région fermée aux étrangers et aux journalistes depuis la flambée de violences meurtrières mettant aux prises bouddhistes arakanais et musulmans rohingyas en juin dernier, sont rares et difficiles à recouper. Selon certains récits, ce dimanche 7 octobre, des Arakanais ont voulu s’attaquer à la principale mosquée de la ville de Sittwe et ont réussi à incendier des bâtiments annexes, dont l’habitation de l’imam. La mosquée elle-même, en bois comme l’ensemble des bâtiments adjacents, a toutefois été épargnée par les flammes et il n’y a pas eu de victime.

Les autorités birmanes se sont contenté de déclarer que l’origine de l’incendie n’était pas connue et que les pompiers de Sittwe avaient sauvé des flammes l’édifice religieux ; elles n’ont pas fait mention d’émeutes ou de mouvements de foules d’Arakanais cherchant à s’en prendre aux Rohingyas musulmans. Il semble toutefois que la mosquée étant hors d’atteinte, la foule a retourné sa vindicte contre le quartier musulman tout proche ; mais les Rohingyas qui l’habitaient ayant été déplacés dans des camps depuis les heurts intercommunautaires de juin dernier, ce sont leurs maisons qui ont été détruites par le feu.

Selon Ba Tun Aung, habitant de Sittwe et Arakanais bouddhiste, cité par l’agence Ucanews, la communauté à laquelle il appartient « voulait brûler la plus grande et la plus ancienne mosquée [de Sittwe] car l’animosité envers les Rohingyas était vraiment forte ». Une demande de manifestation, qui devait se tenir aujourd’hui, a été également déposée par les bouddhistes auprès des autorités locales.

Du côté de l’administration birmane, un haut fonctionnaire de Sittwe affirme que le calme est revenu dans la ville, ajoutant que la police a bloqué les accès principaux menant à la grande mosquée ainsi qu’au quartier musulman « afin de prévenir toute nouvelle attaque incendiaire ».

Selon les observateurs, le renouveau des tensions à Sittwe témoigne de la volatilité de la situation dans l’Etat Rakhine. La tactique du gouvernement visant à ramener le calme en séparant les communautés pour éviter tout contact entre elles ne semble pas fonctionner. Selon les autorités locales, le nombre des personnes déplacées dans l’Etat s’élève aujourd’hui à 75 000, celles-ci vivant dans des camps installés autour des villes de Sittwe, Kyauk et Maungdaw. Il y a quelques semaines, ces mêmes chiffres officiels évaluaient le nombre des déplacés à 50 000.

En dépit donc d’une ségrégation croissante des communautés – et au prix sans doute d’un isolement des Rohingyas musulmans dans des camps auxquels les organisations internationales ont peu ou pas accès –, les heurts et les violences se poursuivent. Plus encore, le conflit entre Arakanais bouddhistes et Rohingyas musulmans semble s’étendre aux régions voisines. Les destructions, les 29 et 30 septembre derniers, par des milliers de musulmans de temples et habitations bouddhiques dans les districts de Cox’s Bazar et de Chittgong au Bangladesh, auraient été menées en représailles aux violences dont sont victimes les Rohingyas musulmans de Birmanie.

Le Premier ministre du Bangladesh a lui-même cité parmi les responsables de ces exactions outre des « islamistes radicaux » et des « membres des partis d’opposition », ayant alimenté la colère des musulmans au sujet des exactions commises contre les « Rohingyas ».

A Rangoun, durant deux jours la semaine dernière et à nouveau aujourd’hui, des manifestants, dont un certain nombre de moines bouddhistes, se sont rassemblés devant l’ambassade du Bangladesh en Birmanie pour protester contre les attaques qui ont visé leurs condisciples. Début septembre, c’était à Mandalay que plusieurs centaines de moines bouddhistes avaient défilé pour clamer leur aversion à l’endroit des Rohingyas, brandissant des pancartes où l’on pouvait lire : « Protégeons notre mère-patrie la Birmanie » (1).