Eglises d'Asie – Cambodge
Synode pour la nouvelle évangélisation : l’Eglise du Cambodge, laboratoire d’évangélisation dans un monde bouddhiste
Publié le 15/10/2012
Cité du Vatican, le 15 Octobre
Sainte Thérèse d’Avila
Très Saint Père, frères évêques, Frères et Sœurs
Je suis le benjamin de cette impressionnante assemblée, ému mais aussi heureux d’être la voix d’une Eglise qui a été réduite au silence pendant quinze ans.
Le génocide khmer rouge a tué les évêques, les prêtres, les religieuses ainsi que la majorité des chrétiens. Depuis vingt ans, nous vivons à nouveau le temps des Actes des Apôtres avec une première annonce de la Bonne Nouvelle assurée par le petit reste de survivants, soutenu par l’arrivée (massive) de missionnaires…. Belle expérience de l’universalité de l’Eglise dans toute sa richesse, avec plus de 200 missionnaires et 50 congrégations au service d’une Eglise locale en construction avec cinq prêtres cambodgiens et quelques milliers de chrétiens !
Aujourd’hui nous avons environ 200 baptêmes d’adultes chaque année… la petite Eglise du Cambodge est en quelque sorte un laboratoire d’évangélisation dans un monde bouddhiste, entré de plein pied dans un processus de sécularisation véhiculé par la mondialisation à l’instar des dragons asiatiques.
A la lumière de mon expérience comme prêtre pendant plus de dix ans dans un petit village, avant d’être ordonné évêque il y a deux ans, je voudrais souligner quelques points qui me semblent significatifs pour une première annonce de Jésus Christ et qui peuvent être aussi étendus à une réflexion sur la nouvelle évangélisation.
Car la Mission Ad Extra est intimement liée à la Mission Ad Intra. Ad Extra et Ad Intra s’enrichissent mutuellement en se stimulant au service d’une même et unique Mission d’évangélisation ! C’est un point sur lequel le synode devra certainement réfléchir. (Il est étonnant d’ailleurs que les instituts missionnaires de vie apostolique ne soient pas représentés.)
Dans le petit village [dans lequel j’avais été nommé], il n’y a avait qu’un seul baptisé lorsque je suis arrivé. Il avait bien choisi son nom de baptême : Paul. Aujourd’hui il assume l’heureuse paternité de cinq communautés, riches de deux cents baptisés et d’une centaine de catéchumènes !
Je voudrais souligner deux fondamentaux :
– 1. La vraie rencontre de Jésus Christ ouvre le cœur à la charité et à l’expérience du pardon, pour conduire à la découverte du don de la vie et de la valeur inestimable de chaque être humain. Ces expériences de charité, de réconciliation et de découverte de la dignité humaine poussent à vouloir partager avec d’autres cette vie nouvelle et transformée !
– 2. Les laïcs sont apôtres dans ce monde (apostolicam actuositatem). Cela implique une formation solide et exigeante des laïcs pour qu’ils soient responsables de l’annonce de la Bonne Nouvelle dans l’Eglise comme dans la société, qu’ils soient ce levain dans cette pâte de nos sociétés faites d’ombres et de lumières, mais qui cherchent un sens aux questions fondamentales que chaque homme formule plus ou moins distinctement : qui suis-je ? Où vais-je ? Pourquoi le mal ?
Ces deux fondamentaux posés, allons plus loin : Comment l’Eglise sera sacrement du Christ dans le monde pour une nouvelle évangélisation en acte et en vérité ?
1. Une Eglise signe de la Charité de Dieu. La Parabole du Bon Samaritain vécue est l’annonce explicite de la Bonne Nouvelle que les hommes attendent.
2. Une Eglise qui touche le cœur – avec une parole qui s’engouffre dans les blessures et les fissures de l’homme d’aujourd’hui pour lui révéler sa beauté intérieure.
3. Une Eglise simple, qui s’adresse non seulement aux petits, aux pauvres mais aussi à cette foule immense qui n’a pas ou plus la capacité de comprendre nos discours élaborés et si bien construits. Jésus parlait très simplement en paraboles. Une Eglise simple où chacun se sente bien parce qu’il fait l’expérience de la rencontre de Dieu qui aime et pardonne.
4. Une Eglise hospitalière car, dans nos sociétés modernes qui excluent et rejettent si facilement ceux qui sont différents, qui aura encore cette capacité d’accueillir avec un regard aimant si ce n’est l’Eglise ?
5. Une Eglise qui prie, car c’est finalement ce que les hommes attendent de l’Eglise : de voir les évêques, les prêtres, les chrétiens qui prient, qui invitent à la prière et à une méditation contemplative par la sainteté de leurs vies: je l’avise et il m’avise !
6. Une Eglise joyeuse. Qui respire de la joie de la Visitation. Car c’est une bonne nouvelle que nous annonçons. Et cette joie se nourrit dans la relation personnelle avec Jésus et sa Parole. C’est un appel constant pour chacun à la conversion.
L’Esprit souffle, la Charité du Christ nous presse et ce synode sera certainement l’occasion de nous rappeler que cette charité est inventive à l’infini, comme le disait si merveilleusement St Vincent de Paul. « Je n’ai ni or, ni argent, mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus Christ le Nazaréen, marche ! »
Pacem in terris !
Mgr Olivier Schmitthaeusler
Vicaire apostolique de Phnom Penh, Cambodge
Voir également en images l’interview de Mgr Schmitthaeusler par KTO : ici